Les deux premiers confinements avaient déjà eu des effets dévastateurs sur les activités du créateur de vêtements aubois Ryvia. Aujourd'hui encore, il paie les conséquences de la fermeture de ses boutiques. Il a dû annuler une vente d’usine lucrative et lance un site de déstockage en ligne.
C’était devenu un temps fort pour les fidèles de la marque ... A chaque début de printemps, avant la pandémie, l’usine de prêt-à-porter Ryvia de Sainte-Savine (Aube) ouvrait ses portes pour brader des centaines de modèles de robes ou de pantalons de la marque Pause-Café.
''En temps normal, la vente générait en moyenne 100.000 euros en une journée et demie ... Un gros succès ! précise Cyrille Lopez, responsable du réseau des boutiques. Mais en ce début de reconfinement, nous ne pouvons pas nous priver de ce flux, aussi nous avons eu l’idée de lancer un site éphémère qui fonctionnera jusqu’au 25 avril.''
Dans les entrepôts de Ryvia, quelques salariés s’activent pour aller chercher les vêtements déjà commandés et à expédier, mais il y a beaucoup de stocks parmi les collections 2019 et 2020.
Des centaines d’invendus en attente
''Nos vêtements sont prisés pour les cérémonies, l’un des secteurs à l’arrêt. De toute façon, suite aux périodes de confinements, nous avons logiquement eu des retours en nombre de notre réseau'' raconte Cyrille Lopez. "Nous avons plus de 300 revendeurs mais surtout nous possédons 14 boutiques en France et 43 franchisés".
Le site de déstockage s’ajoute au site de vente en ligne que Ryvia a mis en place il y a deux ans. Mais il est évident que cela ne compense pas la fermeture des boutiques.
Pour s’assurer des débouchés, la société va pratiquer de très grosses réductions sur les plus anciens modèles, jusqu’à 70% … Ce n'est pas négligeable sachant que les robes de Ryvia peuvent se vendre initialement 185 euros. ''Nous privilégions des tissus sophistiqués et de qualité'' explique Michel Vernier, le Président.
Cette opération en ligne va-t-elle fonctionner ? Cela redonnerait en tout cas de l’espoir à Michel Vernier, le patron de Ryvia qui a fondé la société il y a 20 ans. ''Début 2020, nous sortions la tête haute d’une période de redressement judiciaire quand la crise sanitaire nous est tombée dessus''
"Le textile est un secteur sacrifié ... Rouvrez les boutiques ou aidez-nous !"
Ryvia a déjà perdu plus de 30% de son chiffre d’affaires lors des deux premiers confinements. Selon les estimations de la direction, ce nouvel épisode malheureux devrait lui coûter un million d'euros de plus.
Le 31 mars dernier, la PME familiale de 55 salariés (répartis entre le siège aubois et les boutiques) a obtenu un plan de continuation au tribunal de commerce mais globalement elle s’est sentie abandonnée par les pouvoirs publics et les politiques locaux. ''Le problème, c’est que l’on nous empêche de travailler, et que dans le même temps nous recevons très peu d’aides ... ''
Selon Michel Vernier, le triple statut de créateur, fabricant et distributeur s’avère un handicap. ''Nous avons quelques salariés en chômage partiel mais nous n’avons pas pu obtenir de prêt Garanti par l’Etat ni de Fonds de Solidarité Active, alors que nos boutiques exercent la même activité que d’autres petits commerces qui eux ont reçu un soutien financier national et parfois local.''
Ce patron a le sentiment qu’il ne rentre dans aucune case sauf pour être boudé : "le textile est un secteur sacrifié. Il ne donne pas confiance aux banques. Si nos boutiques ne rouvrent pas en mai, ce sera dramatique! La question de notre indépendance financière Made In France pourrait être soulevée ...''
Des masques personnalisés pour joindre les deux bouts
Dans ce contexte difficile, la PME n’a cependant pas le choix. Elle doit continuer à se bagarrer car il faut toujours anticiper la fabrication des collections futures, même en réduisant la voilure.
Elle s’est déjà engagée pour la réalisation dans ses ateliers tunisiens de 50% de la collection automne/hiver 2021. Et au siège de Sainte-Savine, ses stylistes, modélistes et prototypistes travaillent déjà sur l’été 2022.
Pour dénicher de la trésorerie, la diversification est forcément de mise. Alors que de nombreuses entreprises du textile productrices de masques en tissus anti-Covid ont délaissé cette activité, Ryvia s’est progressivement spécialisée dans leur personnalisation fantaisie.
''Sur cette activité, nous avons reçu le soutien de plusieurs pharmacies et de tout un réseau de buralistes qui distribuent nos masques'' raconte Laetitia Vernier, chargée du marketing de la marque Pause-Café.
55.000 unités adultes ou enfants ont déjà été vendues, soit l’équivalent du chiffre d’affaires d'une boutique sur un an. De quoi retrouver un peu le sourire, derrière les masques ...