Des habitants de la Saulsotte sont à bout. Dans cette commune de l'Aube, à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Troyes, un ralentisseur perturbe leur quotidien. Ils réclament sa suppression. La mairie évoque au contraire des motifs de sécurité routière, pour laisser en place ce dos-d'âne.
Il est sur le point d'être l'un des dos-d'âne les plus médiatisés de France. L'Est-Eclair, RTL et dernièrement nos confrères de France 2 ont consacré un reportage sur l'un des deux ralentisseurs installés à la Saulsotte (Aube).
La raison : des habitants en colère. D'après eux, l'un des "coussins berlinois" sur la route départementale D951 qui traverse la commune, trouble leur santé. Il est installé dans une montée ou une descente, selon le sens de circulation.
Les personnes interrogées évoquent des difficultés sur leur sommeil, et du bruit à longueur de journée. Trois couples réclament le retrait de ce dos-d'âne. Hors de question pour la mairie : elle se dit satisfaite, car le ralentisseur remplit correctement son rôle. Retour sur cette polémique en cours.
Sommeil et vie impossible, selon ces voisins du dos-d'âne
Dominique Martinez n'en peut plus. "Ma femme et moi nous trouvons en face de ce ralentisseur. Il y a 500 camions chaque jour. Les voitures et les camions passent à 50 km/h, alors qu'ils devraient être à 30 km/h. À chaque fois qu'ils passent, en montée comme en descente, ils ne respectent pas la vitesse. On a les bruits de freinage, c'est infernal : ils freinent à hauteur du ralentisseur. Avant, quand ce dispositif n'existait pas, le bruit était linéaire. Il n'y avait pas d'à coups, ni d'accélérations", nous déclare ce retraité de 67 ans.
Le couple n'a qu'une attente : "Qu'ils nous enlèvent le ralentisseur, car c'est invivable. Le problème aurait pu être résolu avec un radar." Il décrit un quotidien qu'il dit ne plus supporter : "Depuis qu'il est installé, il y a un an et demi, j'ai du mal à dormir. Je suis sous antidépresseurs, et ma femme doit dormir avec des boules quiès. Nerveusement, c'est très dur et on n'en peut plus. Quand on est dehors, il y a du bruit sans arrêt. L'été, quand les fenêtres sont ouvertes, on n'entend pas la télé. À l'étage, même la nuit, on entend pas mal les camions qui passent. Là où on a le calme, c'est le week-end."
LIRE AUSSI. Ralentisseurs illégaux ou abîmés : "une grande majorité des ralentisseurs sont trop hauts"
Un constat que partage une autre habitante remontée, Emmanuelle Binet. "Dehors, on ne s'entend pas. À l'intérieur, même avec les fenêtres double vitrage fermées, c'est l'enfer. Le trafic des camions continue jusqu'à 23h, 23 h 30. Il reprend à quatre heures du matin. Impossible de dormir : on se réveille en sursaut la nuit. On ne peut plus avoir une seule nuit de sommeil. Je travaille chez moi, mais mon mari est urgentiste. Ce bruit cause du stress et une fatigue intense : si je m'écroule sur mon bureau, cela n'atteint que ma personne. En revanche, mon mari a la vie de patients entre ses mains. Sans compter que je suis obligée d'envoyer ma fille chez mes parents, pour qu'elle ait une nuit de sommeil normale", déplore cette auteur de 50 ans.
Emmanuelle et son mari ont fait un choix radical : "Le déménagement est en cours, c'est une décision difficile. On a vendu notre maison, mais avec une décote de 20% sur le prix, à cause du bruit. Dans les faits, on perdra plus que 20%, car il faut compter aussi les frais de notaire et de déménagements." Non sans avoir tenté d'attirer l'attention de la municipalité, nous indique-t-elle : "On l'a invité à constater le problème de bruit, mais c'était chose vaine. Il n'a jamais daigné constater, et est allé dans d'autres maisons de gens qui ont dit clairement aimer le bruit des camions qui passaient. Il a dit que ce n'était que du bruit, qu'il ne voyait pas le problème." Dominique Martinez ajoute de son côté qu'"ils ont même été à un conseil municipal, mais que personne n'est venu vers nous. Le conseil a installé ce dos-d'âne, sans concertation".
La réduction de la vitesse, objectif de la commune
Interrogé par France 3 Champagne-Ardenne, le maire (Sans étiquette) de la commune met d'abord en avant la sécurité routière. "Mon but essentiel, c'était de ralentir la vitesse. J'ai fait d'abord poser un radar pédagogique, pendant une semaine. C'était très révélateur, puisque sur 12 000 véhicules contrôlés, 500 étaient au-dessus de 90 km/h. Il y a même une voiture qui a été contrôlée à 140 km/h. Je ne pouvais pas rester sans réagir. Pour moi, la seule chose pour faire ralentir, c'était le dos-d'âne. Si c'était un feu rouge ou un stop, il aurait été grillé", se défend Gérard Delorme. L'élu dit avoir envisagé l'installation d'un radar sanction, "refusé à deux reprises". Il compte "réitérer sa demande avec l'arrivée de la nouvelle sous-préfète de Nogent-sur-Seine, et voir s'il le faut le député et la sénatrice".
Il ajoute que ce ralentisseur avait été réclamé dans la commune : "Trois couples demandent son retrait, mais d'autres demandent au contraire leur maintien. Il y a d'abord eu une première pétition en mairie. Je n'ai pas donné suite, et ai installé ce radar pédagogique temporaire. Une nouvelle pétition, quelques semaines plus tard, est parvenue de la part d'habitants à proximité de l'endroit où est le ralentisseur. J'ai alors demandé au conseil départemental de poser des ralentisseurs, dont un autre à l'autre extrémité de la commune, sans que cela pose problème. On ne l'a pas installé, juste pour mettre ça. Cela représente un coût pour la municipalité"
Sur l'absence de dialogue et les propos rapportés par ces habitants en colère, Gérard Delorme tient à préciser sa position. "J'ai d'abord échangé par mail, puis reçu les intéressés en mairie, avec d'autres personnes. Il y a eu une réunion avec des personnes du conseil départemental, moi-même, quelques adjoints et ces habitants. Les gens compétents que j'ai interrogés ont dit que les ralentisseurs étaient dans les normes requises actuellement", complète le maire. "Je pense être assez posé et mesuré mes propos. Je ne crois pas avoir prononcé 'Ce n'est que du bruit'. Peut-être qu'à un certain moment, j'étais énervé, mais je ne réponds pas avec dédain. Je prends mon temps pour échanger avec les personnes", termine Gérard Delorme.
LIRE AUSSI. Marne : un ralentisseur empêche une famille de dormir à Outrepont, elle réclame sa destruction
Pour l'heure, qu'importe la réponse du maire, selon ces habitants en colère. Ils ont décidé de se joindre à la saisine du Conseil d'État, par l'association Pour une mobilité sereine et durable. "Sur le volet des nuisances sonores", précise Emmanuelle Binet. La décision de la plus haute juridiction administrative doit être connue dans les prochaines semaines.