Témoignage. Troyes, coronavirus : "j’ai dû apprendre à vivre chez moi alors que je n’y étais quasi jamais"

Publié le Mis à jour le Écrit par Clément Meunier
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Journaliste à France 3 Champagne-Ardenne, élu Troyen de l'année 2017, Clément Meunier, est confiné chez lui, avec ses deux jeunes garçons. Une redécouverte intérieure, pour ce passionné qui vivait à 100 à l'heure, entre sports et café théâtre à Troyes. Il partage cette expérience inédite.

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Depuis le mardi 17 mars, comme beaucoup de Français, je suis donc « confiné » et je ne bouge plus de chez moi ou presque. Sensation « inédite » et « historique » mais surtout une remise en question personnelle au fil des jours sur le sens de la vie, du temps et des priorités. Inimaginable il y a encore un mois. Et quelque peu déstabilisant.
 

Un rythme effréné durant plusieurs années

D’entrée, en cette période on se sent tout petit par rapport aux chiffres des décès qui tombent tous les jours, les amis, proches touchés de près ou de loin par ce virus qui fait peur... Et on se dit que l’on est futile par rapport à toutes les professions qui se battent au quotidien pour maintenir l’espoir et pour exercer leur métier d’utilité publique chaque jour alors que beaucoup d’entre nous sommes impuissants. Confinés, à les regarder avec respect.

De mon côté, j’ai la chance depuis mes 18 ans (34 ans aujourd’hui) de vivre de ma passion, en étant journaliste spécialisé dans le sport. Certes, ça peut paraître aujourd’hui futile en cette période mais durant ces dernières années c’était ma vie, mon quotidien dans lequel je me suis donné à 100%. Depuis près de 15 ans, j’ai passé la plupart de mes soirées et de mes week-ends avec mes collègues de travail en étant pigiste, CDD dans différentes chaînes de sports, puis en CDI à France 3 Champagne-Ardenne. Un choix de vie qui m’a permis de commenter des évènements de dingues à travers le monde avant de revenir dans la région l’an passé avec notamment la chronique sport du week-end (en alternance avec Bintou Sidibé). 

Et si ce n’était pas assez, j’ai pris le pari depuis 3 ans d’ouvrir un Café-théâtre (avec une super équipe), à Troyes « le Troyes Fois Plus » sans oublier le « MBeach », une guinguette ouverte l’été sur le bord du Lac de la Forêt d’Orient dans l’Aube.. (de quoi lui valoir le titre de Troyen de l'année 2017 ndlr)

Génial ! Sauf qu’entre temps, je n’ai pas toujours vu ma famille, les personnes qui ont partagé ma vie et surtout mes 2 garçons nés il y a quatre ans et six mois… 
  

Le sens des priorités

Depuis leurs naissances, je vois bien que je suis toujours pris par le quotidien qui nous dévore comme une échappée qui ne voudrait pas que le peloton le rattrape sur une étape de plaine.. On essaie de grignoter du temps sur tout.. Alors certes je dors peu, mais je pars tôt et je rentre tard avec près de 50 000 km par an… Sans prendre le temps d’un petit déjeuner, ou d’un dîner en famille avec la  «tête dans le guidon ».

Et au final, on se fait toujours rattraper par la vie et là c’est par un vent de panique arrivée de Chine qui nous remet tous face à notre quotidien qui a brutalement évolué et un temps qui s’est figé. Il nous pose la question de notre place dans cette société. 
 
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Le confinement

Du jour au lendemain, j’ai dû apprendre à vivre chez moi alors que je n’y étais quasi jamais. Après une bonne séance de course, je ne savais pas à quoi me préparer et surtout comment gérer mes jeunes enfants qui n’avaient d’un coup plus d’école. Pas simple, surtout sans faire appel à mes parents qui les gardent régulièrement et à qui je ne veux faire prendre aucun risque en cette période, sans nourrice et avec une maman de nationalité allemande qui doit repartir régulièrement dans son pays.

Bref, je me retrouve en quelques heures très vite esseulé avec mes deux garçons… et du temps pour eux.. Dès le premier jour de confinement, je m’aperçois vite que je peux compter sur mon grand de quatre ans, qui a poussé à une vitesse folle et qui a un large sourire de me voir là ! Et pour le plus petit, je prépare d’entrée une purée de carottes avant de redécouvrir la « joie » de changer les couches..  Depuis sa naissance je m’aperçois très vite que j’étais absent, je le regarde, il me regarde. On se découvre.. 

En 15 jours, le petit Luca (son prénom) a pris six dents, quatre en haut, deux en bas. Je ne les aurais jamais vues en temps normal. Et pour son grand frère, on a pu faire les devoirs, prendre le temps de jouer au foot, faire des blagues du 1er avril et faire du vélo sans roulette pour la première fois… 

 

On a également parlé du coronavirus grâce aux journaux de France 3 Régions. Je lui explique alors que j’admire mes collègues et leur dévouement face au virus. J’ai un énorme respect pour eux, alors que je me sens impuissant à essayer de coucher mes enfants en pensant à tous les malades à travers le monde. 
 

Remise en question

Et le soir, quand tout le monde est couché, viens le temps de se poser des questions. Mes journées sont chamboulées. Comment un virus peut mettre le monde à ses pieds ? Pourquoi l’Homme est-il tellement pris par des futilités ? Quel est le sens que l’on veut donner à sa vie, l’environnement, l’économie, la politique… Tout nous interroge.. Je regarde les réseaux sociaux (trop) en espérant des jours meilleurs et en pensant à toutes les personnes touchées de près ou de loin.. Pendant ce temps là le café-théâtre est fermé, il n’y plus de sports ou de diffusions de sport à travers le monde.. Et je trouve ca forcément secondaire même si c’est habituellement mon quotidien.

Le temps s’arrête, je profite du calme et du silence pour prendre des magazines et découvrir la dernière série « Validé » de Franck Gastambide. Je me dis que c’est dingue, je n’avais jamais réussi à regarder un épisode de série depuis « Friends » il y a 15 ans.. Et je me couche en regardant les petites têtes de mes fils dont je suis fier et qui vont me réveiller pour une nouvelle journée avec eux le lendemain.

Voilà, c’est aussi ça le confinement. Je pense sincèrement qu’au-delà d’une parenthèse dans nos vies, cela influencera notre avenir.
La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie. Et le sourire d’un enfant est précieux, ce moment nous fait tous réfléchir à nos priorités, c’est certain..

En attendant le retour de leur maman dans 10 jours, j’ai hâte d’aider à nouveau mes collègues de France 3. Quant au café-théâtre, la saison est pliée, les spectacles ont été reportées en septembre alors qu’il faudra un dé-confinement total pour profiter cet été du Mbeach.. Une chose est sûre je ne verrai plus jamais les yeux de mes enfants de la même façon et c’est bien le plus important… 
 
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