PORTRAITS - Qui sont les dix militants en grève de la faim contre le GCO de Strasbourg ?

Dix militants, opposés au projet de Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO), se sont lancés ce lundi 22 octobre dans une grève de la faim. Ils demandent un moratoire et, à terme, l'abandon du projet. Pour la plupart d'entre eux, la grève de la faim est une première.

Ils avaient donné rendez-vous en l'église protestante Saint-Michel de Bischheim (Bas-Rhin) pour expliquer leur démarche: une grève de la faim à durée indéterminée, censée attirer l'attention des pouvoirs publics. Ce matin du lundi 22 octobre, les dix grévistes sont déjà parvenus à rassembler autour d'eux une soixantaine de personnes, des citoyens engagés de près ou de loin contre le projet de Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO). L'occasion de demander une nouvelle fois un moratoire pour permettre de nouvelles expertises et une remise à plat du dossier, en espérant toujours l'abandon du projet. Dans le même temps, à Vendenheim, une vingtaine d'opposants au GCO ont bloqué des engins de travaux. Ils réclament le droit de vérifier si les travaux préparatoires ont été correctement faits.

L'opération coup de poing est vécue par les grévistes comme l'offensive de la dernière chance. Tous sont engagés dans la cause écologiste de longue date mais la plupart entament leur première grève de la faim. Comment se sont-ils lancés dans l'aventure?  Nous les avons rencontrés.
 


Christine Ludes, 52 ans, habite à Griesheim-sur-Souffel


"J'ai pris ma retraite il y a deux ans pour pouvoir m'engager à plein temps contre le GCO. Quand j'étais enfant déjà, il fallait partir de la maison à 7h20 dernier délai pour arriver à sortir du village. La situation est encore exactement la même aujourd'hui. Tout ça pour dire que le réseau secondaire est complètement saturé lui-aussi et qu'une autoroute ne va rien changer au problème. Les gens veulent aller à Strasbourg, ils ne veulent pas contourner la ville. Ce projet de GCO est une incohérence totale. De nos jours, on ne peut plus se permettre de couper un arbre."


 

Pierre Rosenzweig, 69 ans, habite dans les Vosges 


"Ce combat fait partie d'un combat global: je suis engagé depuis des années dans l'antinucléaire. J'ai déjà jeûné il y a dix ans avec José Bové pour un moratoire sur les OGM. Depuis, je fais deux jeûnes par an en moyenne. Je suis Vosgien mais né en Alsace. Je ne peux pas être présent à chaque manifestation mais je tenais à faire cette grève de la faim. Une manifestation, c'est se mobiliser deux heures, alors que le jeûne vous engage corps et âme sur la durée. Ce qui me plaît ici, c'est la détermination des zadistes, l'engagement du maire de Kolbsheim Dany Karcher et des pasteurs de plusieurs villages. Cela me donne à moi aussi de la motivation. C'est un chemin vers un bouleversement global de notre civilisation, il y a urgence."


 

Rachel Kuhn, 42 ans, originaire de Pfulgrisheim


"En 2006, dans le cadre de mon métier, j'ai suivi le grand hamster d'Alsace. On a fait le trajet du GCO à pied et je me suis pris une impression de rouleau compresseur dans la figure. Je me suis rendu compte que les derniers bosquets qui existent encore dans nos villages vont y passer. Ce sont les endroits où je jouais pendant mon enfance qui seront ravagés. Je participe à cette grève car l'incohérence entre les discours des personnalités politiques quant à l'environnement et leurs actes me sidère."


 

Jean-Jacques Pion, 79 ans, habite à Bischwiller


"Je suis engagé dans le combat écologiste depuis les années 1970. Je me bats contre la centrale de Fessenheim, contre le bétonnage de l'Alsace. Cette lutte contre le GCO est tout à fait naturelle dans mon parcours. C'est criminel, aujourd'hui, de perdre un seul mètre carré de bonne terre, mais je garde espoir. Je pense que ce projet peut encore être abandonné." 


 

Elisabeth Dupeux, 66 ans, habite à Pfulgrisheim


"L'autoroute va passer à 500 mètres de chez moi. En soi, ce n'est déjà pas réjouissant, mais en regardant de façon plus approfondie, on s'est surtout rendu compte que c'est un non-sens, une tromperie. Le GCO va être un couloir à camions. On imagine le bruit, la pollution. Cela me fait penser au problème de la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie, où les enfants ne peuvent plus sortir en récréation. Si ça continue, ça sera pareil chez nous. Cette grève de la faim, j'ai hésité à la faire mais il n'y a plus d'autre issue. On est dans un pays de droit et tant que j'ai le droit de m'exprimer, je ne m'arrête pas."


 

Maurice Wintz, 59 ans, vice-président d'Alsace Nature


"Le véritable enjeu, c'est le trafic international nord-sud que va engendrer le GCO. Cela nous paraît incompatible avec ce que nous voulons pour le climat et l'environnement. Le projet va à l'encontre de l'avenir que nous souhaitons pour notre société, il est symptomatique du modèle duquel nous voulons justement sortir. "



Guillaume Bourlier, 42 ans, habite à Ernolsheim-sur-Bruche


"J'avais conscience depuis plusieurs années de suivre un mode de vie qui n'était plus cohérent avec ce vers quoi je voulais m'orienter. Quand le projet du GCO a été relancé, cela a presque été une aubaine, c'était l'occasion pour moi de m'investir dans une cause importante. J'étais à la recherche d'un combat de ce genre. J'ai créé, avec d'autres, l'association Réserve du Bishnoï, dont je suis aujourd'hui le président. C'est tout un système que nous remettons en cause: l'irresponsabilité des élus, l'état de droit qui n'est pas respecté..."


 

Aurélie Kuhn, 35 ans, habite à Pfulgrisheim


"La première fois que j'ai entendu parler du projet de GCO, j'avais 20 ans. J'ai participé aux premières réunions de citoyens, je distribuais des prospectus. Depuis deux ans, tout s'est accéléré et finalement, c'est presque plus écoeurant de voir comment les choses se passent, que le projet en lui-même qui pourtant est déjà une aberration. Ce contournement va inciter les gens à prendre la voiture alors qu'il faudrait aujourd'hui penser aux alternatives que l'ont peut mettre en place. Dans quelques années, on sera revenu au même point."


 

Michel Dupont, 68 ans, habite à Cronenbourg


"Je suis le dossier depuis 2009. Mon passé est lié à l'écologie: je travaillais au Parlement européen, j'ai été assistant parlementaire de José Bové. En tant qu'ancien paysan, je suis sensible à ce que l'on fait de nos terres. En 1978, ma fille est née avec une malformation cardiaque. Il y a eu plusieurs cas similaires dans le coin où je vivais alors, en Franche-Comté. A l'époque, il n'y avait pas encore de messages de santé publique qui demandaient aux femmes enceintes de faire attention au taux de nitrates dans l'eau. Or, nous, nous habitions à côté de la première usine de dénitrification. Cela a évidemment contribué à mon engagement."


 

Marc Hoffsess, 57 ans, habite à Strasbourg


"Je suis professionnellement et associativement engagé pour l'environnement depuis 35-40 ans. J'ai été directeur du Parc naturel régional des Vosges du Nord, puis conseiller écologie au cabinet de Roland Ries et de Jacques Bigot. Je suis toujours responsable environnement à la ville d'Illkirch-Graffenstaden. En 2014, je me suis engagé contre le GCO. Dire qu'on va déporter une partie du trafic et que les Strasbourgeois y trouveront un véritable intérêt, c'est faire de la démagogie. On est prêt à accepter tous les camions qui ne voudront pas payer les autoroutes allemandes. C'est un projet absurde."

 
Les dix grévistes se sont installés à l'église Saint-Michel de Bischheim. Ils seront en contact régulier avec un médecin afin d'éviter des problèmes de santé liés à ce jeûne hydrique (ils sont autorisés à boire toutes sortes d'eau et de thé). Ils  invitent désormais les citoyens à les rejoindre pour des actions ponctuelles. "Ils peuvent venir et sauter un repas. Pour certains, c'est déjà un gros sacrifice car c'est quelque chose qu'ils ne font jamais", insistent les grévistes, qui feront aussi régulièrement des actions sur la place Kléber. 

Ce lundi soir, la députée LREM Martine Wonner et le maire délégué de Pfettisheim doivent rencontrer François de Rugy, ministre de la Transition écologique pour lui demander un moratoire sur le GCO.
 
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