Mise en place en 2006 à l'échelle nationale, la participation citoyenne vise à faire collaborer habitants et forces de l'ordre en cas de situation suspecte. Le dispositif est en expérimentation depuis février 2024 dans deux quartiers de Haguenau (Bas-Rhin).
La participation citoyenne est mise en place à Haguenau depuis septembre 2023. Huit volontaires ont été sélectionnés pour sensibiliser les habitants des quartiers de Marienthal et Harthouse à "la protection de leur environnement".
Entendez par là une surveillance renforcée des résidents qui vient épauler le travail de la police. La démarche existe depuis plus de quinze ans en France et permet aux quartiers ou communes d'assurer une sécurité localement.
"Ce n’est pas lié à une recrudescence de la délinquance", explique Marcel Lemire, adjoint au maire de Haguenau. La participation citoyenne est en expérimentation pour trois ans dans la commune bas-rhinoise.
Le but est triple
La Ville s'est orientée vers ces deux quartiers plutôt tranquilles pour mettre en place ce dispositif. "C’est principalement lié à leur position périphérique, calme et avec un esprit de village", confie Marcel Lemire. Désormais, la police va coopérer avec les habitants et les élus locaux pour tout type d'incidents repérés.
D'après l'adjoint au maire, la participation citoyenne développerait "une culture de la sécurité" chez les habitants. Un concept que l'élu définit comme un mélange de bienveillance et de vigilance "bénéfique à un sentiment de sécurité". Le dispositif améliorerait également la relation police-habitant : "ils sont désormais partenaires." Enfin, il favoriserait la prévention de la délinquance ou de petits faits divers.
"Ce n'est pas de la délation", assure Marcel Lemire. Le Haguenauvien a d'ailleurs bien fait passer le message aux référents volontaires. "Ils n’ont pas de pouvoir de police. Ils sont conscients de ce qui leur a été conféré."
Quel rôle pour les habitants ?
"J'appelle cela de la vigilance, car on met beaucoup de bienveillance dans notre démarche", explique Marianne Roser. L'habitante de Marienthal fait partie des volontaires sélectionnés pour faire vivre cette participation citoyenne. Pour elle, l'idée est avant tout de maintenir les liens existant avec ses voisins. "Je connais beaucoup de gens ici. M’investir dans ce projet, ça me permet de garder le contact."
"Mon rôle, c'est d'être attentive"
Marianne Roser, référente citoyenne volontaire
Concrètement, l'Alsacienne redouble de vigilance lors de ses sorties. S'il ne s'agit pas de rondes programmées, ses déplacements ne sont plus les mêmes qu'avant. "Mon rôle, c'est d’être attentive à tout ce qui peut se passer dans notre environnement. Veiller à la tranquillité publique et avoir un regard bienveillant pour identifier des comportements qui peuvent nous paraître suspects."
En cas de faits inhabituels, elle doit composer le 17 et relever un maximum d'informations sur ce qu'elle voit. "Ça peut être du démarchage ou la présence d'une personne qu’on n’aurait pas vue auparavant."
Pour devenir référent citoyen volontaire, les habitants ont suivi deux journées de formation. Une première leur expose la participation citoyenne dans son ensemble et une seconde les entraîne aux bons gestes à suivre au quotidien. "Ce n’était pas un besoin, la sécurité est plutôt bonne dans mon quartier, mais c’était pour pérenniser cette sécurité", confie Léo Brandt, volontaire basé à Harthouse. Le jeune homme est plutôt conquis par la démarche, à tel point qu'il imagine bien la voir se développer dans d'autres quartiers prochainement.
"Jusqu'où s'arrête cette surveillance ?"
Accueillie positivement par certain, la mesure inquiète une partie des Haguenauviens. "Jusqu'où s'arrête cette surveillance ?", se demande Maxime. Habitant de Marienthal depuis toujours, le jeune homme est perplexe face à ce nouveau pouvoir donné à la population. "On peut facilement franchir une ligne rouge et faire de la délation pure et simple. Là, on incite des gens que vous ne connaissez pas à dénoncer d’autres personnes. Jusqu'où quelque chose d'anormal mérite d'être signalé ?"
J’ai l’impression qu’on est des cobayes
Maxime, habitant de Marienthal
Le choix des quartiers l'interroge également. "Marienthal et Harthouse ne sont pas connus pour leur insécurité. J’ai l’impression qu’on est des cobayes pour un projet qui est loin d'être une priorité." Pour rappel, aucune caméra de vidéosurveillance n'est présente dans ces deux quartiers alors qu'il en existe 75 dans le reste de la ville.