L'Alsacien Bertrand Perret a été en 2022 l'homme de la renaissance de Caroline Garcia, parvenue à la 5e place du tennis mondial. Un temps séparé, le duo s'est reformé, entre une championne en quête de confiance et un coach qui place l'humain au cœur de sa méthode.
Ils ont repris le fil de leur "connexion", selon les mots de Caroline Garcia, au début du mois d'avril. La championne française avait elle perdu le fil de son tennis depuis le début de cette saison 2023. Bertrand Perret, l'entraîneur arrivé à son chevet en 2021, l'avait laissée, en raison "de problèmes qui avaient fini par gâcher l'ambiance", en octobre 2022, à la veille de son plus beau titre en carrière, vainqueur du Masters qui clôt la saison avec les huit meilleures mondiales.
Elle a attaqué l'année 2023 à la 5e place mondiale, emplie d'espoirs. Mais très vite en perte de confiance et de résultats. Alors, elle a rappelé l'Alsacien. Sa défaite dès le deuxième tour de Roland Garros montre que le chemin de la confiance sera peut-être long. Mais le coach de 54 ans est prêt à l'emprunter, lui qui s'est fait une place de choix sur le circuit féminin WTA en une dizaine d'années.
Ses premières années de "moniteur de club" ne le prédestinaient pourtant pas forcément à cette carrière au plus haut-niveau. Wissembourg, Seltz, ses jeunes années le voient sillonner un temps le nord de l'Alsace. Avant de poser ses raquettes pour deux décennies à Lingolsheim. "Quand on n'a pas eu une grande carrière de joueur, que tu es prof de club, inconnu, tu n'as pas tes entrées sur le circuit, explique Bertrand Perret. Il te faut d'abord une sacrée carte de visite..."
Premier entraîneur de Paul-Henri Mathieu
La sienne va s'étoffer grâce à un nom : Paul-Henri Mathieu, ancien 12e joueur mondial. C'est lui qui l'a formé, au TC Lingolsheim, jusqu'à ce qu'il quitte l'Alsace vers l'âge de 12 ans. Il l'a ensuite toujours suivi, accompagné même pour des missions ponctuelles. "On a toujours gardé contact avec Paul-Henri, ça m'a plongé dans le circuit. Et donné l'eau à la bouche du très haut-niveau."
Parallèlement, il enrichit son expérience, d'abord dans une académie, dans le sud de la France. Avant de céder à ses envies de voyages et d'expérience internationale. Ce sera d'abord la Russie. "J'ai rencontré à l'académie de Sophia Antipolis une jeune joueuse de Moscou, et ses parents m'ont proposé de venir l'entraîner. J'ai adoré la vie là-bas, la ville, et puis voir d'autres méthodes de travail. Ça a été une bonne expérience, qui a duré deux ans."
Direction ensuite la Floride, pour prendre en main une Mexicaine, avec laquelle il découvre les circuits secondaires, antichambre du monde professionnel, pendant plus d'un an. "Une fois que tu poses un pied dans le milieu, tu construis ton réseau, tu connais toutes les filles...et tout se débloque".
D'autant que son meilleur ami n'est autre que le Colmarien Charles-Edouard Maria, ex-figure du tennis régional, mari et entraîneur de la joueuse allemande Tatjana Maria, qui arpente le circuit professionnel depuis une quinzaine d'années, demi-finaliste de Wimbledon en 2022. Avec eux aussi, il apprend les arcanes du circuit et se fait peu à peu une place.
De la Russie à la Chine en passant par la Floride
Les choses s'accélèrent pour l'Alsacien lorsqu'il est embauché par la Chinoise Peng Shuai. Avec elle, il remporte son premier titre WTA et atteint la finale de l'Open d'Australie en 2017. Il poursuit ensuite son tour du monde en devenant le coach de la Tunisienne Ons Jabeur, qu'il accompagnera pendant deux ans, la menant de la 180e à la 45e mondiale, elle qui atteindra le second rang du classement en 2022.
"J'ai beaucoup aimé travailler avec Ons, on a bien bossé ensemble et humainement, c'étaient de très bons moments." Et c'est bien cela que l'entraîneur veut mettre en avant. Sa méthode est centrée sur le relationnel. "Il faut être proche humainement. Même avec Shuai, qui avait une autre culture, on a fait en sorte de créer des liens, de construire des affinités.
Tu passes plus de temps avec tes joueuses qu'avec ta famille, alors il vaut mieux bien s'entendre.
Bertrand Perret, entraîneur de Caroline Garcia
Dans une carrière, il y a des temps bas. Et ce sont ceux-là qu'il faut savoir gérer. Il faut être un soutien. Et ça aide alors d'être proche, pour mieux surmonter les moments difficiles." Comme ceux que traversent Caroline Garcia. Perret veut l'aider à les laisser derrière elle, pour retrouver le chemin des victoires et de la confiance. "Si la joueuse est bien en-dehors du terrain, avec son coach, son entraîneur, ça va se ressentir sur le court. Et moi, ma priorité, c'est le plaisir que ma joueuse peut prendre à pratiquer son sport, son métier."
Le plaisir, qui guide aussi sa belle carrière, loin de son Alsace où vivent toujours ses deux enfants. "Oui, c'est une vie de sacrifices par rapport à la vie de famille, c'est sûr. Mais la passion me porte. Voir du tennis de haut-niveau, tous les jours, voyager sur tous les continents. J'aime cette vie. Quand il n'y aura plus de plaisir, je songerai à arrêter..."
Pour l'heure, sa mission auprès de la numéro un française l'occupe corps et âme. En 2021, il était parvenu à la hisser de la 85e place mondiale au top 5. Son nouveau défi est de l'y installer durablement. Un défi mental plus que tennistique. Comme il les aime.