"On ne va pas se cacher pour mourir" : bientôt licenciés, les salariés de Duravit organisent une marche samedi

Après l’annonce de la suppression de 193 postes, en pleine négociation du plan de sauvegarde de l’emploi, les salariés de Duravit organisent une grande marche ce samedi 2 mars dans les rues de Bischwiller (Bas-Rhin).

Trahis. Le mot ressort dans chaque échange avec les salariés du site de Duravit, ce fabricant de mobilier en céramique, à Bischwiller (Bas-Rhin). Le 14 décembre, la direction allemande de leur groupe annonçait sa décision d’arrêter la fabrication des pièces en céramique pour particuliers (lavabos, baignoires, sanitaires). Une décision lourde pour l’emploi, avec l’annonce de la suppression de 193 postes sur les 274 que compte le site alsacien.

Trahis, car ces salariés ont été prêts à bien des sacrifices pour assurer la pérennité de leur site. Entre 2021 et 2023, ils ont accepté de travailler 40 heures par semaine, payées 37. "La direction disait qu’il fallait produire plus car le groupe en avait besoin, explique Oner Yildirim, ouvrier réparateur depuis 17 ans dans l’entreprise et élu CFTC au comité social économique de l’entreprise. Pendant deux ans, on a travaillé gratuitement une heure de plus chaque jour, on voyait moins nos familles, on nous faisait aussi revenir les samedis. Et voilà comment on nous remercie : on nous vire."

Trahis, car quelques jours seulement après la fin de cette période de bouchées doubles, voilà que leur direction annonce une mise au chômage partiel pour une période de trois mois, finalement suivie le 14 décembre par l’annonce du couperet final (voir notre article).

Trahis enfin par les arguments avancés par la direction pour justifier l’arrêt de cette activité en Alsace. En décembre, elle expliquait vouloir rapatrier l’activité de Bischwiller sur ses deux sites allemands. "On nous a dit que le groupe n’allait pas bien à cause du ralentissement dans le secteur de la construction, explique Fabienne Hurstel, déléguée syndicale CFE-CGC et responsable du service médical dans l’entreprise. Mais après les enquêtes de l’expert-comptable, on voit que ce n’est vrai qu’à moitié. Ce sont les intérêts financiers qui priment. Duravit veut surtout relocaliser notre production sur ses sites hors Europe", étaye-t-elle. Le groupe a en effet des antennes en Égypte, en Chine, en Tunisie et en Inde. Il a également massivement investi dans une nouvelle usine au Québec, qui doit entrer en service en 2025.

On se rend compte qu’on nous a utilisés. On a été des vaches à lait, pour que le groupe se pérennise et se développe ailleurs

Oner Yildirim

Ouvrier depuis 18 ans à Duravit sur le site Bischwiller

L’amertume est immense dans cette usine dont l’activité démarrait il y a tout juste 50 ans à Bischwiller. Un site où l’on faisait travailler sa famille. "J’en suis l’illustration parfaite, raconte Oner Yildirim. Mon père a commencé en 1979. Mon frère y est depuis 1992. J’y suis rentré moi-même en 2007 et mon neveu l'a intégré en alternance en 2021". Et le reclassement des 193 salariés sous la menace d’un licenciement sera difficile. "130 d’entre eux ont plus de cinquante ans, et ont toujours travaillé dans la céramique, qui est un savoir-faire bien spécifique", précise la responsable du service médical.

Ce sentiment de trahison, ils l’exprimeront haut et fort dans les rues de Bischwiller ce samedi 3 mars. Une marche à l’appel de la CFE-CGC, de la CFTC, de FO et de la CFDT. "On ne veut pas se cacher pour mourir, d’où l’idée de cette mobilisation que l’on imagine comme une marche blanche, car ce que l’on vit, c’est un peu une forme d’enterrement pour nous", se désole Fabienne Hurstel qui espère voir beaucoup de monde rejoindre les salariés. Elle en appelle aux habitants et aux politiques locaux. "Duravit, c’est une marque de luxe, l'équivalent de Louis Vuitton dans son secteur. Le groupe ne peut pas s’en tirer comme ça. Il faut faire du bruit pour dénoncer ces méthodes."

Duravit, c’est une marque de luxe, l'équivalent de Louis Vuitton dans son secteur. Le groupe ne peut pas s’en tirer comme ça

Fabienne Hurstel

Responsable du service médical à Duravit

En marge de cet appel à rassemblement, les négociations continuent avec la direction allemande. Un compromis sur le reclassement et les modalités d’accompagnement des 193 salariés licenciés doit être trouvé au plus tard le 18 avril.

"La direction ne veut pas de gaspillage"

Pour l’heure, les salariés n’ont pas repris le travail malgré l’arrêt de la période de chômage partiel le 8 janvier. Ils pourraient être contraints de reprendre l’activité de production céramique à compter du lundi 4 mars, pour quelques semaines. "La direction veut qu’on finisse les produits commencés et qu’on écoule le stock de matières premières qu’il reste sur le site. Elle ne veut pas de gaspillage", ironisent les représentants syndicaux. Mais les ouvriers ne savent pas encore s’ils relanceront les machines. 

À terme, seuls 91 emplois devraient être conservés à Bischwiller : les commerciaux et la production de baignoires et de mobilier sanitaire en résine.

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