A Muttersholtz, près de Sélestat, un petit groupe d'habitants fabrique un four communal, sans dépenser un euro. Il servira à cuire du pain, des tartes flambées ou des pizzas, selon leurs envies. "Je voulais démontrer qu'on peut faire avec uniquement des matériaux de récupération." explique l'initiateur du projet.
A Muttersholtz, 13 km à l'est de Sélestat, les élus et les habitants font toujours preuves d'idées innovantes. Cette fois, quelques villageois construisent un four communal, pas banal du tout. Couche après couche, avec un mélange de terre, de paille et d'eau, ils créent un four dont le dôme atteindra 1m40 de diamètre.
Installé dans le nouveau parc à côté du lieu de culture Les Synergies, il servira à cuire du pain, des tartes flambées, des pizzas ou des tartes ... au gré des envies. Le conseiller municipal Gilles Bernhard dirige les travaux, qui ne coûteront pas un sou au contribuable : tous les matériaux sont récupérés dans le village.
"L'idée m'est venue en 2008. Je construisais ma propre maison en terre et en paille, enduite de chaux" explique Gilles Bernhard. "J'ai eu envie de créer mon propre four à pain, mais uniquement avec de la terre, du sable et de la paille. Ça a marché et, quand on s'est réunis en 2020 pour décider du nouvel aménagement du coeur du village, (je suis aussi conseiller municipal), je leur ai montré les photos de mon four et proposé d'en construire un communal, ensemble."
Une dizaine de volontaires s'est mise au travail
L'idée a plu et on a établi une liste avec les volontaires. Une dizaine en tout. Tous novices dans le domaine.
"On a commencé en juillet 2022, mais ça prend du temps, car on travaille sur notre temps libre à tous, par demi-journées. Ensuite, il faut toujours compter le temps de séchage entre deux couches et tenir compte de la température extérieure."
Le matériel, quant à lui, est tiré uniquement de la récupération. "La terre utilisée est prélevée à au moins un mètre de profondeur, là où il y a des constructions dans le village. A ce niveau-là elle contient juste ce qu'il faut d'argile."
Pour voir si elle fait l'affaire, Gilles utilise une méthode infaillible. Pas scientifique, mais infaillible. "Je prends une poignée de terre en main, je ferme le poing et serre de toutes mes forces. Je rouvre et une fois la boule séchée, l'empreinte de mes doigts doit y apparaître, alors c'est la terre qu'il nous faut."
Pour leur four, il a fallu une trentaine de seaux de 10 litres. La paille a été glanée après les moissons, juste avant que les paysans retournent la terre et une habitante a donné de vieux ballots qui lui restaient dans une grange. Le bois pour construire la base a aussi été donné par des habitants.
"Pour fabriquer la couche au contact du feu, j'ai fait des tests dans mon poêle à bois. J'ai réalisé une galette épaisse avec la terre sélectionnée et du sable et l'ai mise au feu. La galette a résisté et ne s'est pas consumée, on a donc pu utiliser le mélange."
Puis vient une couche qui résiste à la dilatation du four : "Elle est composée de 50 % de terre environ et 50 % de paille hachée. C'est super costaud, une fois sec, c'est presque comme du béton." précise le chef de chantier.
La dernière couche est la plus large. Elle contient sept fois plus de paille que de terre. Elle isole le four pour que la chaleur ne s'en échappe pas. Aucun danger donc pour l'abri en bois autour.
"Il faut toujours que les différentes couches sèchent parfaitement pour éviter l'éclatement par la suite. La finition se fait avec une couche de sable."
Un four pour tous, mais pas en usage libre
En attendant que le four soit terminé en juin 2023, la réflexion, quant à son usage et mode de fonctionnement exacte, est en cours.
A priori, il sera possible d'emprûnter ce four à la commune, les utilisateurs devront simplement le réserver et apporter leur bois. Il sera bien sûr utilisé pour des fêtes de villages et des occasions spéciales. "Les tartes flambées et les pizzas cuisent en quelques minutes. Or le four reste chaud longtemps, on pourra donc faire des tartes dans la foulée, y faire mijoter des plats pendant des heures ou organiser des ateliers de fabrication de pain. Quand la température sera très basse, y faire sécher des fruits. Il faudra juste avertir les habitants pour ne pas perdre la chaleur." conclut l'adjoint au maire.
La commune et les habitants de Muttersholtz semblent ne jamais vouloir s'arrêter. Avant-gardistes en matière d'éclairage publique dès la fin du 19ème siècle, autonomes en production d'électricité en 2022 , avec deux centrales hydroélectriques sur l'Ill qui traverse la commune, l'isolation de tous les bâtiments publics, voilà le four banal fabriqué par des habitants de la commune.
Finira-t-on par appeler le village de Muttersholtz, le village des initiatives et des bonnes idées?