À l'occasion des 80 ans de l'appel du 18 juin 1940 lancé par Charles de Gaulle depuis Londres, l'historienne Frédérique Neau-Dufour raconte dans son livre "De Gaulle aime l'Est" le passage du Général, qui n'était encore que colonel, en Alsace. Une région chargée d'histoire qu'il appréciait.
Ancienne directrice du centre européen du résistant déporté et auteure du livre De Gaulle, l’homme de l’Est (La Nuée Bleue), l’historienne Frédérique Neau-Dufour retrace le passage de l’ancien président de la République dans l’Est, et notamment ses huit mois passés à Wangenbourg (Bas-Rhin) alors qu’il n’était que colonel.
L'itinéraire du Général dans l'Est
De septembre 1939 à mai 1940, les troupes françaises de la 5e armée du Maréchal de Lattre de Tassigny ont installé leur état-major à Wangenbourg. Ses grands hôtels ont été un lieu stratégique pour loger les 1.200 hommes du régiment. "C’est une région qu’il a élue, qu’il a choisie pour vivre ici, c’est une terre où il a combattu également, comme à Verdun pendant la Première Guerre mondiale", explique Frédérique Neau-Dufour.
Pendant ce séjour, Charles de Gaulle a vécu avec des Alsaciens, et notamment dans la demeure de François Rebre, un combattant de la Première Guerre mondiale du côté allemand. Pendant ces 8 mois, "il a écrit des textes magnifiques sur les paysages de la région et sur les gens qui l’a peuple." En face de chez les Rebre où il dormait, Charles de Gaulle occupait une partie de la maison de Madame Jung, dont la petite fille, Edith Oed, occupe toujours les lieux : "Ils ont proposé un contrat à ma grand-mère. Aujourd’hui mon bureau est toujours au même endroit."
C’est à partir de ce moment qu’il va pouvoir peser dans l’avenir de la France.
"C’est ici que se forge le futur homme du 18 juin"
Pour l'historienne, cette période durant laquelle le colonel commande des chars marque un tournant dans sa réflexion. "Il essaie de constituer une unité combattante mobile et agressive qu’il entraîne, c’est là qu’il forge sa conviction que si on n’arrive pas à constituer cet outil on va perdre une bataille mais qu’on pourra gagner la guerre si on arrive a renforcer cette force mécanique." Organiser les chars en unité autonome, c'était l'ambition du colonel, mais il n'a pas été entendu.
"Cette dernière étape à Wangenbourg précède son entrée dans l’histoire", poursuit Frédérique Neau-Dufour. Le 5 juin 1940, il est en effet nommé au gouvernement de Paul Reynaud et "c’est à partir de ce moment qu’il va pouvoir peser dans l’avenir de la France. C’est ici que se forge le futur homme du 18 juin, qu’il constate les faiblesses de l’armée et de l’État-major." Dans son livre, l'auteure ne retrace pas seulement ses huit mois passés dans l'Est mais également sa vie intellectuelle, intime et professionnelle.