Bas-Rhin : des groupes Facebook pour rentrer chez soi le soir sans subir de harcèlement

Marie-Ange Fuchs, une entrepreneuse strasbourgeoise, a décidé de créer plusieurs groupes Facebook (un par quartier de Strasbourg), le 24 novembre, pour permettre aux personnes de pouvoir rentrer chez elles accompagnées le soir. D'autres groupes dans le reste du Bas-Rhin devraient voir le jour.

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S'il n'est pas rare qu'une femme soit harcelée dans la rue en plein jour, cette probabilité augmente mécaniquement à la tombée de la nuit. Et pas que si c'est une femme, d'ailleurs. Cette situation, Marie-Ange Fuchs, consultante en communication à Strasbourg, l'a subie. Le temps passant, et lisant toujours plus de témoignages rapportant des cas de harcèlement ou d'agressions, elle a décidé de créer une dizaine de groupes Facebook, un par quartier strasbourgeois, le 24 novembre 2019.  

Le but de ces groupes (voir liste en bas d'article) : permettre aux personnes rentrant tard de soirée de pouvoir regagner leur logis sans encombre quand elles habitent dans le même quartier. France 3 Alsace a pu interroger leur créatrice.
 

 

Pourquoi Facebook ?

"Sur Facebook, on réunit beaucoup de monde pour pas cher. Créer une application dédiée coûte beaucoup trop d'argent, et ça prend des années. J'ai créé un groupe par quartier, en utilisant une liste."
 

D'où est venue cette idée ?

"J'ai été agressée il y a un an. Je rentrais toujours avant 20 heures, mais ce jour-là, j'ai dépassé de vingt minutes... Je suis montée dans le tramway, me suis mise sur l'un des sièges regroupés en carrés de quatre. Trois hommes, bourrés ou drogués je crois, sont montés. Ils se sont installés sur le carré de quatre sièges à côté du mien, et ils ont étendu leurs jambes pour bloquer le passage dans le couloir."

"J'ai appelé au téléphone l'un de mes amis tout le long du trajet, pour qu'ils ne me parlent pas. J'attendais qu'ils descendent... mais ils ne l'ont pas fait. Je suis descendue à mon arrêt, et là, j'ai vu qu'ils me suivaient. Alors j'ai couru, et j'ai pu les semer. Mais j'ai eu de la chance : tout le monde n'en a pas."
 
"Je ne suis alors plus du tout sortie pendant longtemps. J'ai ensuite pris des Ubers. C'était cher... mais je le faisais quand même. J'avais confiance. Jusqu'à ce que je lise le journal il y a quelques jours : un chauffeur avait agressé une fille. Et la plate-forme lui avait conseillé de porter plainte sans rien faire d'autre. Sur les réseaux sociaux, d'autres filles ont signalé avoir eu affaire à ce chauffeur... Donc Uber, c'était mort."

"Il fallait une alternative. La semaine dernière, un ami m'a raccompagnée d'une soirée à la Robertsau. J'habite dans le sud de Strasbourg, on y est arrivés à deux heures du matin. Ensuite, il devait repartir chez lui, en pleine nuit, c'était pas pratique... Le lendemain, je vois sur Facebook qu'une fille a été agressée par un SDF près du musée d'art moderne, à l'heure où on rentrait. C'est là que je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose."
 

Comment avez-vous créé ces groupes ?

"Je connais quelqu'un dans mon quartier. On est déjà sorties ensemble, et rentrées ensemble. Et c'est bien, c'est mieux que de le faire seule : il faut juste se connaître, en fait. J'ai donc posté un message sur le groupe Facebook des étudiants de Strasbourg pour proposer l'idée."

"C'est allé très vite : 240 j'aime, 70 commentaires... J'ai donc créé des groupes pour chaque quartier : je recevais une demande d'adhésion toutes les dix minutes. En 48 heures, j'avais 250 membres dans ces groupes. Des gens m'ont écrit pour me remercier : une fille qui ne sortait plus, un garçon qui avait été agressé..." 
 

Qui peut rentrer dans ces groupes ? 

"Il y a beaucoup de filles, mais aussi des garçons. Et des personnes très jeunes aussi. C'est un signe de maturité d'avoir conscience du danger, mais je me dis que s'il y a cette maturité, c'est peut-être que ça leur est déjà arrivé..."
 

J'ai fait ça pour sécuriser les gens, pas les mettre en danger
- Marie-Ange Fuchs, à l'origine de l'initiative


"Je n'ai pas mis en place de questionnaire d'entrée car n'importe qui peut le truquer. J'examine tous les profils et je refuse ceux qui sont trop anonymes : pas de photographie personnelle ou juste une seule, trop faible nombre d'amis... Je comprends les personnes qui tiennent à leur vie privée. Mais j'ai fait un sondage dans l'un des groupes et une grande majorité était d'accord pour maintenir cette règle du non-anonymat. Je rappelle que j'ai fait ça pour sécuriser les gens, pas les mettre en danger."
 

Vous avez vécu une agression : vous connaissez un ou une proche dans ce cas ?

"Je suis amie avec quasiment que des garçons. Et l'un d'eux a été agressé. Il est originaire de Hautepierre, il a réussi et travaille maintenant à Paris. Il revient parfois voir ses parents dans le quartier, et il porte des costumes... C'est à cause de ça qu'il a été agressé."
 


"Il y a plusieurs cibles, d'après les témoignages. Les gens bien habillés comme lui, les femmes évidemment... mais aussi des personnes pour raisons religieuses, ou d'une autre orientation sexuelle."
 

Avez-vous eu des retours négatifs ?

"Quelques uns... Quand j'ai posté un message sur le groupe des étudiants pour dire que je ne pouvais pas tout gérer toute seule et que j'avais besoin d'aide, un faux-profil m'a traitée de 'bonne samaritaine qui assume pas'. Quelqu'un à qui je parlais sur l'un des groupes m'a défendue, et il est allé fouiller son profil pour ensuite lui balancer des injures homophobes. Je ne veux pas de ce genre de personnes dans mes groupes."
 

Comment peut-on vous aider ?

"Je ne m'attendais pas à un tel succès... Depuis trois jours, ça ne s'arrête pas. Et il y a des demandes pour que je crée d'autres groupes. Je voudrais donc recruter des administrateurs, pour qu'ils vérifient les profils et gèrent ces groupes... On m'en a demandé pour Schiltigheim, Bischheim, Lingolsheim, Geispolsheim, Entzheim. Il suffit de m'envoyer un message sur le compte Facebook Marie Strasbourg si on veut me contacter."
 
Les groupes Facebook pour rentrer en sécurité chez soi
   
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