Un projet de centre d’hébergement d’urgence envisagé par l’État sur le site du fort Joffre à Holtzheim est loin de faire l'unanimité. La municipalité ainsi que les clubs de plongée de la gravière toute proche y sont opposés. Une pétition lancée fin août 2022 par un collectif d'habitants a même réuni plus de 2.000 signatures.
Ce n'est encore qu'un projet, au contour plus ou moins défini, mais il réunit déjà contre lui à peu près tout le monde à Holtzheim, petite commune du Bas-Rhin au sud de Strasbourg. L'Etat envisage d'implanter dans un terrain lui appartenant, sur le secteur du fort Joffre, un centre d'hébergement d'urgence d'une capacité de 200 à 300 lits, d'ici 2023.
Voilà ce que la municipalité de Holtzheim connait du projet, à ce jour. Il a été présenté le 6 juillet 2022 par le secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin à la maire de la commune, Pia Imbs, également présidente de l'Eurométropole de Strasbourg. "Nous en sommes au stade de faisabilité mais d'ores et déjà je peux dire que le projet proposé n'est pas bon parce que basé sur un raisonnement strictement économique. Il ne tient absolument pas compte des réalités économiques et sociales de notre petite commune de 3.700 habitants", affirme d'emblé l'élue.
Il s'agirait pour l'Etat, compétent en matière de politique migratoire nationale, de trouver des solutions alternatives à l'hébergement d'urgence en hôtel qui lui coûtent cher. "Au regard des informations disponibles aujourd'hui, les 200 à 300 lits dont il est question représentent l'équivalent de 10% de la population de Holtzheim. C'est un projet extrêmement lourd pour notre commune qui ne dispose pas des moyens sociaux et financiers permettant l'intégration de ces personnes".
Ce projet ne permet pas d’accueillir dignement ces personnes
Pia Imbs, maire de Holtzheim
Pia Imbs invoque, dans son opposition au projet, une école déjà bondée dans l'incapacité d'accueillir davantage d'élèves, des infrastructures communales inadaptées, un manque potentiel d'accompagnement pour l'apprentissage du français et un isolement du centre qui serait loin de tout. Bref, pour l'élue, "ce projet ne permet pas d’accueillir dignement ces personnes".
La maire de Holtzheim, en concertation avec le conseil municipal, appelle au dialogue avec la préfecture et souhaite qu'une réunion puisse se tenir en présence du maître d'œuvre, l'Adoma, afin d'obtenir des informations plus précises. "Pour l'instant je n'ai que quelques documents sommaires qui m'ont été transmis par la préfecture début juillet".
Une pétition demande la suspension du projet
L'élue dit avoir le soutien de la population, largement opposée au projet. Une pétition lancée par un collectif d'habitants, circulant depuis le 20 août, a déjà été signée par plus de 2.000 personnes. On peut y lire qu'un "ghetto de 250 personnes en situation de vulnérabilité, en demande d'asile ou en situation irrégulière est projeté sur le site du fort Joffre".
Dans cette pétition il est aussi question de précarité et de promiscuité au sein de cette population, interdite de travailler. Cela "engendrerait inévitablement des troubles à l'ordre public, de l'insécurité, des atteintes à l'environnement exceptionnel du site de la gravière".
Sur ce dernier point, le directeur de la gravière du Fort, Michel Lambinet, ne cache pas son inquiétude. Autant pour le site lui-même que pour les personnes hébergées dans le futur centre. Il s'agit du deuxième site de plongée en France en terme de fréquentation avec 38.000 plongées par an et l'un des plus remarquables par la richesse de sa biodiversité. "C'est une des plus belles gravières d'Alsace. On l'a laissée évoluer à son rythme", signale Michel Lambinet.
Connaissant bien les dangers potentiels que représente un tel site, Michel Lambinet craint un voisinage difficile. "Autant on est très fort en matière de sécurité sur l'activité de plongée autant on ne peut pas assurer qu'on pourra intervenir efficacement en cas de baignade. C'est une gravière dont les rives n'ont pas été modifiées en vue d'y aménager des plages, les bords tombent à pic. Il y aura des accidents, c'est sûr".
Sans compter les dégradations que fera peser sur l'environnement la présence de quelques centaines de personnes ne disposant que d'un confort tout relatif, s'inquiète également le directeur de la gravière.
Cerise sur le gâteau, le Fort Joffre, situé dans le couloir d'atterrissage de l'aéroport de Strasbourg, est soumis à de fortes nuisances sonores. Le terrain n'est d'ailleurs pas constructible pour cette raison mais pour la préfecture cela ne semble pas être un problème.