Premier long-métrage de la réalisatrice Adina Pintilie, Touch Me Not a été doublement primé à la 68ème Berlinale. Entretien avec son producteur Philippe Avril, qui a fondé les Films de l'Etranger à Strasbourg.
Après le Prix du meilleur premier film, la récompense ultime. La 68ème Berlinale a décerné samedi son Ours d'or à Touch Me Not, de la réalisatrice roumaine Adina Pintilie. Le long-métrage, qui questionne le rapport à l'intimité dans un mélange entre documentaire et fiction, a été produit par Bianca Oana et Philippe Avril. Le producteur strasbourgeois, fondateur des Films de l'Etranger, revient avec nous cette double consécration.
Ce matin, la presse parle d'une sélection surprise. Est-ce que s'en est une également pour vous ?
Philippe Avril : On savait qu'on avait quelque chose mais on ne savait pas quoi. C'est un film qui a une approche et une écriture qui ne sont pas communs. En général, à la fin, les jurys vont vers des films qui ont remporté l'adhésion de la majorité. On ne pensait pas qu'il aurait l'Ours d'or parce que c'est un film qui n'est pas conventionnel dans son écriture. On avait fait des pronostics : on pensait que si on avait quelque chose ce serait le Prix Alfred-Bauer [Ours d'argent qui récompense une oeuvre innovante, NDLR]. Même aujourd'hui, on n'arrive pas à réaliser.
La Berlinale a été marquée cette année par des discussions autour de l'égalité homme-femme au cinéma. Est-ce que ça a pu profiter à Touch Me Not ?
Philippe Avril : C'est déjà très rare d'avoir l'Ours d'or et le Prix du meilleur premier film. C'est la première fois que ça arrive à une femme cinéaste. C'est historique, il n'y a pas de précédent. Cette année, alors que la Berlinale affichait son soutien après l'affaire Weinstein et #metoo, il n'y avait pas beaucoup de femmes en compétition [quatre pour dix-neuf films présentés, NDLR]. Mais le jury nous a dit avoir sélectionné vraiment des films. Il n'y a pas eu de critère de société ou de rééquilibrage.
Quelles sont les qualités du film qui, selon vous, ont pu séduire le jury ?
Philippe Avril : Ils nous ont dit qu'ils ont été touchés. Le film génère beaucoup de discussions mais il a suscité l'accord par sa particularité. On a su qu'il y avait de fervents défenseurs du film et des gens que ça questionnait au sein du jury. C'est un film qui travaille les gens à retardement. Il provoque des choses qui laissent des traces. Je pense que c'est ça qui a joué ; ce n'est pas un film qui se regarde et s'oublie mais qui se met à nous habiter. C'est peut-être ce processus là qui a fait qu'il a été sélectionné. Mais c'est difficile à dire, comme nous sommes les premiers étonnés qu'il ait été retenu.