Cela fait plusieurs semaines maintenant que les Strasbourgeois assistent, malgré eux, à un feuilleton que l'on pourrait appeler "Fais pas ci, fais pas ça" et dans lequel la maire de Strasbourg et la Préfète du Bas-Rhin se déchirent. Au cœur de l'intrigue : la centaine de migrants installée place de l'Etoile à Strasbourg.
Au jeu de ping-pong auquel s'adonnent la mairie de Strasbourg et la préfecture du Bas-Rhin "personne n'en sortira gagnant, et certainement pas les migrants de la place de l'Etoile" déplore Tonio Gomez, militant dans l'association "D'ailleurs nous sommes d'ici 67". Comme lui, les Strasbourgeois assistent depuis plusieurs jours à une passe d'armes entre la mairie de Strasbourg et la préfecture du Bas-Rhin au sujet du campement du parc de l'Etoile. A coup de communiqués de presse ou de lettres diffusées sur les réseaux sociaux, la maire écologiste Jeanne Barseghian et la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier se reprochent mutuellement leur inaction.
"La tâche de rendre digne l'indigne est immense [...] la Ville de Strasbourg n'a pas les moyens de se substituer à l'Etat", réagit la mairie dans un communiqué du 30 août dernier, alors que le matin même la Police nationale était intervenue sur le camp. "Nous nous réjouissons que l'Etat s'intéresse enfin aux cent femmes, homme et enfants qui n'ont eu d'autres choix que de s'installer sur ce site municipal dans des conditions précaires." La ville rappelant ainsi la responsabilité légale de l'Etat à héberger les sans-abri.
20220830 - CP Mise à l'Abri Parc Etoile by Alexandra Bucur on Scribd
24h plus tard, réplique de la préfecture du Bas-Rhin qui se fend d'une lettre diffusée sur la page Facebook de la préfète. "Je regrette qu'une fois de plus, vous abordiez ce sujet sensible sur le ton de la polémique. Je regrette également que [...] vous n'ayez pris aucune mesure, au titre de vos pouvoirs de police administrative, pour assurer la protection du domaine public contre les installations illicites alors même que le maintien de la salubrité publique sur le territoire de la commune vous incombe personnellement".
"Personne n'est responsable, donc personne ne fait rien"
Des échanges qui exaspèrent les bénévoles des différentes associations présentes sur la place de l'Etoile depuis le mois de mai. Date de l'installation des premières tentes. "Personne n'est responsable et au final personne ne fait rien", s'insurge Tonio Gomez. Et de poursuivre "on parle d'êtres humains qui vivent dans des conditions très précaires. Ces échanges sont indécents au regard de la situation."
Alors qui est censé faire quoi en matière d'hébergement des migrants? Selon l'avocate Me. Sophie Schweitzer qui défend une partie des familles installées place de l'Etoile : "La responsabilité incombe aux deux." L'Etat comme la commune détiennent des leviers pour organiser l'hébergement des hommes, des femmes et des enfants de la place de l'Etoile. "La préfecture est en charge de l'hébergement d'urgence. La commune, par exception, a la possibilité de réquisitionner des logements vacants pour mettre à l'abri des personnes dites vulnérables."
"Les conditions d'hygiènes sont exécrables"
Une responsabilité commune donc qui permet à la préfecture du Bas-Rhin comme à la ville de Strasbourg de se renvoyer la balle. Et pendant ce temps, le camp ne fait que grandir. En un mois, le nombre de tentes a doublé. "Les conditions d'hygiènes et de sécurité sont exécrables. Les rats ont envahi le parc, il n'y a pas de toilettes la nuit ", dépeint Tonio Gomez.
Et pourtant, ironise Me Schweitzer, "la maire et la préfète se sont bien entendues quant il a fallu évacuer le camp la veille du 14 juillet pour laisser place aux feux d'artifices. Mais aujourd'hui, personne ne souhaite prendre la décision d'évacuer le camp, ce qui pourrait ternir l'image de leur institution, ni d'héberger ces gens, car cela suggère aussi des moyens financiers."
Un torchon qui brûle depuis l'affaire de la Mosquée Eyyub Sultan
Le torchon brûle et ça ne date pas d'hier. En mars 2021, les relations se crispent entre la maire et la préfète avec l'affaire des subventions accordées par la municipalité au projet de mosquée Eyyub Sultan. Une affaire qui avait fait réagir au plus haut sommet de l'Etat. Visiblement, le temps n'a pas apaisé les tensions, bien au contraire.