Cinq morts, sept blessés, le procès de l'incendie de la rue de Barr a débuté

Le procès de l'incendie de la rue de Barr commence ce mardi 19 septembre à la cour d'assises du Bas-Rhin. Deux jeunes hommes sont accusés d'avoir, volontairement ou non, provoqué le feu qui a entraîné la mort de cinq occupants de l'immeuble et blessé plusieurs autres personnes en février 2020.

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Une déflagration, des bruits de crépitement puis une coupure de courant. Ainsi se sont réveillés certains habitants d’un immeuble du quartier de la Gare, à Strasbourg, dans la nuit du 26 au 27 février 2020. Quelques minutes plus tard, à l’arrivée des pompiers, le hall d’entrée avait déjà complètement brûlé et les habitants appelaient à l’aide depuis les fenêtres. Malgré l’intervention des sauveteurs, l’incendie de la rue de Barr fera au total cinq morts et plusieurs blessés. 

Ce mardi 19 septembre s'ouvre, à la cour d'assises du Bas-Rhin, le procès de deux individus suspectés d’être à l’origine du feu. Ils ont été identifiés par un étudiant qui les a croisés à la sortie de l’ascenseur le jour du drame, puis ont été repérés sur les enregistrements de vidéosurveillance. On y voit notamment l'un d'entre eux muni d'un briquet et d'une cigarette.

Il s'agit d'un procès d'envergure : une douzaine d'avocats pour de nombreuses parties civiles, et une salle annexe mobilisée en plus de la salle principale. Ce mardi matin, les deux accusés ont déjà pris la parole sur le fond du dossier même s'il n'étaient pas invités à le faire, pour marteler leur innocence : "C'est un accident, c'est pas volontaire, j'ai rien fait" a dit l'un, "on n'a rien à voir avec ça, l'immeuble a cramé tout seul" a lâché l'autre.


L’expertise incendie évoquait pourtant dans son rapport d’août 2020 "la chute d’un objet incandescent" ayant "suffi pour initier l’incendie". "Les deux hommes à la casquette à l’envers pourraient en être les auteurs", poursuit le rapport, désignant ainsi les deux personnes qui comparaissent ce mardi.

Le premier accusé est âgé de 22 ans et est de nationalité russe. Il a reconnu être venu chercher son shit caché dans les communs du septième étage, mais nie être à l’origine du feu. Il désigne l’autre accusé comme coupable. Celui-ci est âgé de 23 ans et est de nationalité somalienne. Il est sous curatelle renforcée depuis juin 2019 pour des "fragilités psychologiques" et présente trois mentions à son casier judiciaire, pour vol et trafic de stupéfiants. Lui aussi nie avoir jeté la cigarette.

Les proches attendent des réponses

Ce procès, qui devrait durer plusieurs jours, interviendra donc plus de trois ans après les faits. Une période pendant laquelle les (nombreuses) parties civiles ont eu le temps de cogiter et de s’interroger. "C’était relativement long pour eux, ils sont contents que le procès arrive enfin, informe Maître Grégory Engel, qui représente la famille de Mostafa Chargui, l'une des victimes de l'incendie. Ce sera d'abord l'occasion pour eux de voir les deux accusés, puis d'obtenir des réponses à des questions qui restent en suspens." L'un des premiers enjeux sera par exemple de comprendre les raisons de la présence de ces deux individus dans l'immeuble, à cette heure si tardive. "Que faisaient-elles là, ces personnes, ce soir-là ? Est-ce qu'elles venaient souvent ?"

D'après les témoignages que nous avons recueillis quelques semaines après le drame, confirmés par le rappel des faits de l'ordonnance de mise en accusation que nous avons pu consulter, l'immeuble est réputé être un point de deal et de squats. Les allées et venues étaient visiblement régulières, et des dégradations et actes de vandalisme étaient régulièrement signalés au syndic. D'où la présence de caméras de surveillance dans l'immeuble. L'un des suspects a d'ailleurs reconnu être venu chercher son shit caché dans les communes du septième étage, là où l'autre affirme seulement avoir "accompagné" le coaccusé, sans plus de précision sur les raisons de sa présence.

L'autre enjeu sera de savoir s'il y a bien eu un jet de cigarettes, si celui-ci était intentionnel ou non, et surtout de définir l'identité de celui qui a laissé tomber l'objet dans le coffret électrique. "C'est l'élément crucial de ce dossier, car on ne peut pas être deux à jeter un mégot de cigarette", affirme Maître Mickaël Wacquez, qui représente Munasar Ali Abdullahi.

Chaque accusé pointe du doigt l'autre dans un dossier qui laisse avant tout les proches des victimes face à leur perte. "Qui sait ce qui serait arrivé si les deux accusés avaient donné l'alerte et frappé aux portes pour faire sortir les gens avant de fuir eux-mêmes ? Les proches attendent aussi des excuses, qui seront acceptées ou non en fonction des familles. Ils attendent surtout une sanction juste et sévère pour un geste qui aura eu des conséquences graves", souligne maître Gregory Engel, l'avocat des proches de l'une des victimes.

Les cinq victimes s'appelaient Sylviane Anselm (68 ans), Mostefa Chargui (45 ans), Grégoire Tafamba Djato (25 ans) Mondher Mahmoudi (29 ans) et Sarah Guinta (25 ans). Cette dernière a été retrouvée à proximité de son étui à violon, qu'elle semble avoir voulu protéger jusqu'au bout.

Après l'intervention des médecins légistes ce mardi, ce sera au tour des psychiatres et de certains témoins de prendre la parole mercredi 20 septembre. 

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