Après les confidences de plusieurs artistes sur leur confinement -réalisateur, auteure de romans, chanteur, compositeur, photographe, entre-autres, voici celles d’un peintre. Il a migré de son atelier vers sa maison, où il est confiné avec son épouse et leur fils de neuf ans.
L'atelier de Christophe Wehrung se situe dans les ruelles qui courent au pied de le cathédrale de Strasbourg. Depuis des années, il y passe de longues heures et journées de travail. Depuis le confinement, c'est différent. Il a migré avec ses toiles et ses pinceaux. Il a décidé de rester sous le même toit que sa compagne et leur enfant.
En tant que peintre, vous avez dû vous organiser, réorganiser spécialement ?
"Je partage l’atelier avec un collègue, qui dès les premiers instants de l’annonce du confinement, m’a dit qu’il nous faudra choisir un lieu de confinement, ou l’atelier ou la maison. Je suis allé à l'atelier pour récupérer des toiles, du matériel de peinture, des châssis, des pinceaux et j'ai tout rapporté à la maison. Là, je me suis installé dans la cave.""C’était une cave assez sombre, je l’ai nettoyée, y ai installé des lampes et j’ai commencé à travailler."-Christophe Wehrung, artiste peintre
"Il a fallu que je la nettoie, que je l'organise un peu. Il n'y avait pas beaucoup de lumières, j'ai installé de l'éclairage. J’ai aussi la chance d’avoir un jardin dans le faubourg de Strasbourg où j’habite, et au bout d’un certain temps, quand il s’est mis à faire beau, je me suis installé dehors."
Qu’est-ce qui a beaucoup, un peu ou pas du tout changé dans votre quotidien ?
"Quand je travaille dans mon atelier, la pause de midi, je ne connais pas trop. D'ailleurs avant, on ne se voyait pas à midi, avec mon épouse. Maintenant, nous déjeunons à trois tous les jours, et moi qui n'avais pas l'habitude de cuisiner, je prépare le repas pour trois. J'ai même fait des pâtes maison récemment, parce que je n’en n’avais plus.Ce qui change aussi, c'est le nombre de coups de fil que je donne par jour, les appels par Skype et autres moyens pour se voir et se parler. J’essaie de téléphoner à au moins une ou deux personnes par jour, en plus de la famille, pour voir comment elles vont, pour prendre des nouvelles. Par contre, j'ai coupé les sonneries de notifications, car je devenais fou, ça ne s'arrêtait pas."
Un programme artistique perturbé
J’ai dû annuler mes cours de peinture. J'ai une quinzaine, vingtaine d’élèves. Mais ils continuent à travailler et m’envoient des photos, pour avoir mes commentaires.Début d'année, j'avais participé à la création des chars pour le carnaval de la ville de Strasbourg. On n'en n'a rien vu car le covid a empêché ces festivités. L'année dernière, c'était les intempéries, cette année, le virus.
Pour l'été à venir, j'ai aussi des doutes sur l'animation à laquelle je participe dans les faubourgs et cités de la ville. Avec l'association Arachnima, nous faison la tournée d'été dans les quartiers, pour faire de l'animation pour les jeunes. Pour l'instant, c'est le mystère, personne ne sait ce qu'on pourra faire.
A part ça, j’ai toujours des travaux en cours, donc je continue à travailler ce que j'avais commencé. Du moins c'est en lien avec ce que je faisais. Actuellement ce sont de grands paysages. Je n'ai pas changé de thématiques à cause du confinement. Bien sûr, je ne suis pas une machine, donc mon état d'être et d'esprit change, mais je ne vais pas faire une peinture confinement.
Une autre relation au temps, un autre contact avec les proches
Oui, ma relation au temps a un peu changé. Les proches, on les voit moins. Je pense assez souvent au film "Un jour sans fin". Mêmes décors chaque matin. Mais paradoxalement, je ne m'ennuie, pas au contraire, j'ai moins de temps que d'habitude. Car je vois des choses à faire, à réparer. Je bricole plus. Je ne m'ennuie pas du tout.Côté réseaux sociaux, oui, je les utilise comme tout le monde. On essaie de convertir les parents agés à Skype pour qu'ils puissent voir leur petit fils. On a essayé différents sytèmes, ça fonctionne plus ou moins bien.
Le mardi, je sors faire mes courses. Je mets mon masque et je vais récupérer mon panier de légumes, aux Jardins de la Montagne Verte. Je fais aussi les courses pour les parents et je les livre. Ça prend du temps.
Les conseils « culture » de Christophe, pour mieux vivre le confinement :
-Un livre : La quantine de minuit de Abe Yaro.-Un film : Un jour sans fin de Harold Ramis, avec Bill Murray
-Une série/ émission télévisée : Fargo de Noah Hawley
-Un disque / une musique : dans la cave je réécoute Léo Ferré, c'est de la poésie et Bertrand Belin.
-Un compte à suivre sur les réseaux sociaux : Christophe wehrung.com
Le texte que Christophe Wehrung veut partager avec nous a été écrit par le poète Rainer Maria Rilke
« Aimez votre solitude, supportez-en la peine et que la plainte qui vous en vient soit belle. » Lettres à un jeune poète Rainer Maria Rilke (1875-1927)« J’aimerais vous prier, autant qu’il est mon pouvoir […], d’avoir de la patience envers tout ce qu’il y a de non résolu dans votre coeur et d’essayer d’aimer les questions elles-mêmes comme des chambres verrouillées, comme des livres écrits dans une langue très étrangère. Ne partez pas maintenant à la recherche de réponses qui ne peuvent pas vous être données parce que vous ne pourriez pas les vivre. Et ce dont il s’agit, c’est de tout vivre. Vivez maintenant les questions. Peut-être alors cette vie, un jour lointain, sans que vous le remarquiez, vous fera-t-elle entrer dans la réponse. » Lettres à un jeune poète Rainer Maria Rilke (1875-1927)