Le confinement vu par Sabine Trensz, photographe : "Cette situation rebat les cartes, je savoure chaque journée"

En ce début d'avril 2020, la photographe alsacienne Sabine Trensz nous confie ses impressions. D'habitude elle parcourt le monde avec ses appareils photos et capture la vie des animaux sauvages, de peuples parfois méconnus. Elle est confinée à Strasbourg et profite de chaque instant.

 

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Toujours dans notre série de témoignages recueillis auprès de personnalités et d'artistes confinés, voici les impressions d’une photographe alsacienne, Sabine Trensz. Elle voyage presque la moitié de l'année, d'un bout à l'autre de la planète pour capturer, dans le plus grand respect avec ses appareils photos, la vie des animaux sauvages ou des peuples parfois méconnus. Elle est confinée à Strasbourg avec son conjoint.
 

À quoi ressemblent vos journées de confinée ?

"Je vis ce confinement avec bonheur et reconnaissance. Je savoure chaque journée ! Je suis consciente que pour ceux qui vivent avec des gens violents ou très nombreux dans un petit espace, c’est dur.
Jamais je n'aurai imaginé vivre confinée avec une seule personne, mais avec mon conjoint, c'est extraordinaire. Pierre et moi, n’avons pas vingt années devant nous. Partager ces journées, loin de tout est une chance, des moments doux et créatifs, insolites, joyeux, complices. J’apprécie aussi ma relation aux autres, les longues discussions au téléphone, qui ne sont pas juste des bavardages. Je suis surprise de tout ce que l’on peut se dire lorsque le temps joue pour nous ! On redécouvre le plaisir de se parler, on dit des choses plus profondes, plus chaleureuses et authentiques. Parfois, il y a des appels de gens qu’on n’attend pas et qui prennent du temps pour vous, et d'autres dont on se croit proches, qui ne téléphonent pas et on ne les appelle pas non plus. Ce n'est pas un reproche, c'est comme ça. Certains de nos amis habitent près de chez nous. Quand ils passent sous nos fenêtres, ils nous envoient un sms. On leur fait un petit coucou depuis notre terrasse. Chez tous, la vie s’organise à leur image. Cette situation rebat les cartes, nous changeons d’échelle de temps, de priorités, d’importances."

Je vis sans montre au poignet, depuis le confinement, c’est une sorte de luxe.
 - Sabine Trensz, photographe

"C'est comme lorsqu’on s'arrête pour reprendre son souffle. Avec Pierre, nous avons beaucoup de projets et nous sommes conscients de ce temps qui nous est compté. Alors on a envie de tout faire, en se disant que si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera plus."
 
 

Vous qui êtes photographe, faites-vous des photos des rues et places vides ?

"Non. On en trouve beaucoup sur Internet. Des gens en font dans leur périmètre de vie, mais là, tout est vide, ce n'est pas mon truc. Moi j'aime ce qui se passe, un regard, une attitude, un mouvement. En ce moment, je ne touche pas mon appareil. Je fais juste des photos souvenirs, pour nous, avec le téléphone. En photo, il y a beaucoup de spécialités, l'architecture, les prises de vue en studios, pour moi, c’est les animaux sauvages, chacun ses choix." 


Quelles sont les conséquences du confinement sur vos projets en cours ?

"Bien sûr, le confinement change mon planning. Actuellement, je devrais exposer à l'Aubette, place Kléber, à Strasbourg. J’ai déjà annulé un voyage en Afrique, puis un autre fin septembre au Brésil et à Madagascar. Ça va rebattre les cartes, on avisera. 
Plus tard, en novembre, je dois participer à un immense festival de photos animalières, à Montier-en-Der, à côté du lac de Der, en Haute-Marne. C’est un énorme rassemblement, alors aura-t-il lieu? J’ai aussi une grosse commande de tirages pour un particulier. Mais le labo qui me fait les tirages est fermé, donc il faut patienter. Alors je lis beaucoup. Habituellement, je lis dans les aéroports, mais là je n'ai aucun scrupule à lire pendent trois heures d’affilées, allongée sur le canapé."
 


Restez-vous en contact avec l'extérieur, à travers les réseaux sociaux? 

"Je suis juste sur Facebook. Ça suffit. Je trouve ça toxique d'y être trop. Il faut se protéger de tout ce négatif, de ceux sans demi-mesure. Il y a aussi du magnifique. Il faut trier et ne pas y passer trop de temps. C'est super, bien sûr de pouvoir envoyer des messages, mais il faut aussi être conscient que c’est très polluant. On parle des avions, mais là c’est pareil. Sans se priver, on peut doser, donner de la valeur aux choses. Moi aussi je communique par vidéo ou téléphone ou mail, mais certains vous inondent, avec des choses piochées à gauche et à droite…inutilement."


Apprendre la mesure et avec la mesure va la valeur des choses, ce qu’on n'a pas, prend beaucoup de valeur
-Sabine Trensz, photographe


"J’aime l’imagination de ceux qui enregistrent en « amateurs » des petites vidéos, en chantant une chanson de leur cru, en jouant de la musique, ou juste en partageant leur vie de confinés. Si quelque chose me frappe surtout en ce moment, c’est que cette crise agit comme un révélateur. J’ai souvent eu ce sentiment auparavant, qu'il y a deux sortes de personnes. Celles qui détruisent et celles qui construisent. Celles qui sont solidaires et se dévouent et celles qui insultent et ne font rien, à part polémiquer sur tout. Ce sont malheureusement elles qu’on entend le plus, parce que les gens négatifs se manifestent plus fort. Les constructeurs, eux, sont plus silencieux, plus modestes. Heureusement qu’il y a toutes ces personnes, prêtes à donner d’elles-mêmes et j’espère qu’on va vraiment continuer à les mettre en lumière."
 

Ses conseils "culture" de lectures ou de films, pour mieux vivre le confinement :

  • Un livre : Le bug humain de Sébastien Bohler
  • Un film : L’homme a mangé la terre de Jean-Robert Viallet
  • Télé : Ushuaia Nature
  • Disque : Requiem allemand de Brahms
  • Compte et page facebook : Sabine Trensz
"Cette photo a été prise pendant ce confinement. Je me suis mise à coudre des masques de protection ! J'ai une vieille machine sur laquelle ma mère cousait mes petites robes d'enfant. Moi je ne fais qu'occasionnellement des petites choses, mais là j'ai fais ces masques, que nous portons lors de nos sorties." 

Pour nous, pour vous, ce texte de Sabine Trensz 

"Nous traversons un moment inédit, exceptionnel.
Ce virus qui tue, fait souffrir, engendre peurs et drames, est aussi celui de tous les espoirs.
Ce virus, à la fois nous sépare et nous rassemble. La peur de l’autre côtoie l’envie de partager.
Il est un extraordinaire révélateur. Révélateur de notre mode de vie, de nos excès, de nos réels besoins, de nos aspirations, de ce qui va ou ne va pas, de ce qui a du sens.
Exceptionnel aussi, ce confinement qui me coupe des autres et me met face à moi-même.
Plus les jours passent, plus je m’émerveille et plus je me révolte.
Je m’émerveille des généreux, des altruistes, de ceux qui prennent des risques pour le mieux des autres, mais aussi de tous ceux qui, par leur travail, nous permettent de continuer à vivre.
Et je me révolte des égoïstes, des haineux, des bavards et autres opportunistes.
Ce minuscule virus a réussi, en quelques semaines à bouleverser le monde.
Toutes les certitudes s’effritent, toutes les postures se révèlent vaines et ridicules.
Seules la vérité et la justesse tiennent la route.
Et l’espoir prend le relais, l’espoir d’une conscience nouvelle, d’une autre échelle de valeur.
Allons-nous comprendre l’importance de ces métiers qui sauvent et ceux dont nous avons besoin ?
Allons-nous comprendre la valeur de notre environnement où chaque animal, chaque plante sont les maillons de l’équilibre nécessaire à notre survie ?
Allons-nous comprendre que nous ne sommes rien sans les autres, sans leur bienveillance ?
Allons-nous comprendre que nos décideurs sont à l’image des peuples qui les ont élus ?
Alors, dans mon cocon quotidien je me mets à rêver. A rêver que ces quelques semaines suffiront à changer notre regard, que nous aurons appris et grandi.
Et que, conscients de notre responsabilité et gonflés à bloc, nous reconstruirons autrement et pour tous."
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