Coronavirus : Kehl en Allemagne, la voisine de Strasbourg, n'est pas confinée mais souffre de l'absence des Français

La petite ville frontière située en Allemagne, de l'autre côté du Rhin, face à Strasbourg s'est vidée de ses promeneurs et acheteurs alsaciens. Beaucoup de travailleurs frontaliers sont en télétravail. Kehl n'est plus une ville de passage depuis que la frontière a été rétablie le 16 mars 2020.

A Kehl, la vie semble continuer presque comme avant la pandémie de Covid-19. Depuis le 16 mars 2020, les frontières ont été rétablies entre la France et l’Allemagne notamment. Seuls les travailleurs frontaliers qui ne peuvent pas télétravailler et les transporteurs de marchandises sont autorisés à passer quotidiennement la frontière entre Strasbourg et Kehl. Une privation de liberté pour beaucoup de Kehlois et de Strasbourgeois qui ne peuvent plus aller de l’autre côté, franchir le Rhin s’entend.
  

"Eviter les contacts" plutôt que "rester chez vous"

Dans la petite ville allemande de 35.000 habitants, pas de mesures de confinement strict comme en France. Les sorties sont autorisées, sans aucun document. Le Bade-Wurtemberg a interdit les rassemblements de plus de deux personnes en dehors de leur domicile, hors sphère familiale bien sûr. Et le land invite tous et toutes à « éviter les contacts pour sauver des vies », en observant notamment une distance de 1,5 m entre chaque personne rencontrée. Plusieurs mises à jour ont eu lieu, le dernier arrêté du Land date du 29 mars. Les pique-nique et les promenades sont autorisés, tant que la distanciation sociale est respectée, jusqu'au 19 avril pour l'instant.
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Hülya Yaman respecte cette interdiction. Elle est aide-soignante ​​​​​​ auprès de personnes âgées dans la résidence seniors Kinzigallee, en plein centre-ville. Elle connaît les risques, pour ses patients surtout, et doit s'habiller avec masques, gants et blouses quand elle travaille, en économisant les masques et le gel hydroalcoolique pour éviter la pénurie. Quand elle a du temps libre, elle ne rencontre que sa meilleure amie, Mariane. Un lien affectif vital pour elle, dans cette période difficile. Elles prennent un café, debout en ville ou comme aujourd'hui, assises sur un banc de la rue piétonne.

"- [Hülya] C'est super important de la voir, pour sortir de cette tristesse en ce moment, de toute cette tension. Pour quelques minutes, ou quelques heures, c'est important pour moi. Et pour toi ? - [Mariane] Oui, pour moi aussi c'est très important - [F. Grandon] Et votre amitié perdure ? - [Hülya] Oui, bien sûr !", dit-elle dans cette vidéo tournée le 3 avril 2020 à Kehl (dialogue en allemand) :
Hülya est aussi bénévole pour Die Tafel, une organisation humanitaire qui livre des produits alimentaires aux plus pauvres. Désormais, tous les accueils ont fermé. A la place, les bénévoles sont appelés à tour de rôle pour livrer les paniers à leurs bénéficiaires directement devant chez eux, pour minimiser les risques mais en continuant d'aider les plus démunis face à cette crise. "Du coup, maintenant, on livre les paniers, on échange quelques phrases et on repart, c'est triste ! Certaines sont seuls et pauvres, et le contact avec les bénévoles de la Tafel est important aussi", constate-t-elle.
 

[La guerre] c'est comparable à ce qu'on vit maintenant ici, il y a moins de morts visibles, mais il y a le même silence et ce calme partout, les gens se regardent de travers, et la défiance a commencé.
- Hülya Yaman, a vécu la guerre civile des Turcs contre les Kurdes dans les années 80


"Je suis Kurde et j'ai vécu la guerre dans les années 80 en Turquie, c'est comparable à ce qu'on vit maintenant ici, il y a moins de morts visibles, mais il y a le même silence et ce calme partout, les gens se regardent de travers, et la défiance a commencé. Dans mon quartier, un voisin a appelé la police pour dénoncer un groupe de plus de trois personnes. Et certains voisins changent de trottoir quand ils me voient, ils savent quel métier je fais. Je comprends ça, mais ça me fait souffrir quand même. J'ai peur que la défiance augmente entre les gens", explique Hülya, un sourire crispé sur le visage. 

Plus de commerces ouverts qu'en France

Comme en France, les commerces essentiels restent ouverts dans le Bade-Wurtemberg (magasins alimentaires, drogueries, pharmacies, stations-service, banques, poste), mais la liste est plus longue Outre-Rhin. Les opticiens et les vendeurs de prothèses auditives restent ouverts, les restaurateurs peuvent continuer de cuisiner et faire de la vente à emporter, les jardineries, magasins d'outillages et animaleries restent également ouverts, comme les pressings, les opérateurs de téléphonie et les vendeurs de journaux. Par contre, les tabacs ou bars-tabacs sont fermés. Les cigarettes continuent d'être vendues en grande surface.

Mickelange Sebastian travaille en France pour Sirco travaux spéciaux, une entreprise de travaux publics. Il est en ce moment au chômage technique, "on va voir pour le salaire d'avril, combien je vais toucher, je ne sais pas encore", explique-t-il. Sa femme Béatrice a plus de chance, elle est femme de ménage pour l'école de gestion de Kehl, qui a fermé, mais elle touche tout son salaire pour l'instant.

La liberté restreinte, ça c'est dur.
- Mickelange Sebastian, travailleur frontalier et habitant de Kehl

 

"Ce qui nous manque, et qu'on ne peut plus acheter en France, ce sont les bouteilles d'eau plate non consignées, qui sont moins chères qu'en Allemagne, les baguettes et les produits africains, il y a plusieurs magasins sur Strasbourg, mais aucun à Kehl", explique Béatrice. "Et la liberté restreinte, ça c'est dur", ajoute Mickelange. Leurs trois enfants ont encore du mal à comprendre, la grande de 15 ans s'est fait un raison, "les deux autres ont 9 et 5 ans, et quand on ouvre la fenêtre, elle donne directement sur le terrain de jeux, qui est interdit, ça c'est dur pour eux de le voir et de plus y aller". La petite famille profite de quelques moments en extérieur, pour ne pas rester en permanence dans son appartement.

Aujourd'hui, Béatrice et Mickelange devaient récupérer des lunettes de vue chez l'opticien, une petite sortie ordinaire dans une rue où presque tous les commerces ont tiré les rideaux pour une période indéterminée.
 

Un colis pour l'Alsace

Bettina et Philemon Kaltenbach font tout à vélo. Ce vendredi 3 avril, ils se rendent à la poste centrale pour envoyer un colis à la sœur de Bettina. Ils ne l'ont pas vue depuis quatre semaines, elle habite à Gerstheim (France), eux à Kehl. Les deux sœurs ​​s'appellent tous les jours par skype. "Elle va plutôt bien, mais c'est dur pour elle, elle doit sortir avec une attestation, elle ne peut pas aller se promener à plus d'un kilomètre de chez elle, et elle ne voit plus ses petits-enfants qui n'habitent pas très loin, à Marckolsheim. Alors comme elle me dit qu'elle ne trouve plus de farine, je lui ai fait un colis avec 1 kg de farine et des chocolats de Pâques pour elle et ses petits-enfants".
 
 

[A Kehl] il y a trop de gens qui se promènent sans faire attention.
- Philemon Kaltenbach, retraité et habitant de Kehl


Comme il y a plus de cas de Covid-19 avérés en Alsace que dans le Bade-Wurtemberg, ils comprennent le confinement strict comme il est appliqué en France. "Et si la situation empire chez nous, il faudra aussi y venir", pense Philemon, "il y a trop de gens qui se promènent sans faire attention. Ce week-end en passant à vélo devant un terrain de foot, j'ai vu des policiers qui contrôlaient un groupe de cinq jeunes."

Ce qui leur manque de la France, c'est surtout Strasbourg et ses cafés. "En 20 minutes de vélo, nous y sommes, et c'est tellement agréable, on est dans un autre monde", explique Bettina. Ils ont tous les deux leurs habitudes au Bistrot et Chocolat près de la cathédrale. D'ailleurs, cette vie à la frontière plaît beaucoup à leurs deux enfants adultes, qui veulent venir s'installer à Kehl avec leur famille.
 

Peur que le confinement devienne total à Kehl

Ali et Jihad Amaich sont en route pour le bureau de police, pour se faire délivrer les nouvelles plaques d'immatriculation de la voiture de Jihad. Une démarche qui reste possible en ce moment mais qui est plus compliquée, et uniquement sur le site de délivrance des plaques pour l'Ortenau. "Il a fallu qu'il se connecte sur le nouveau site mis en place pour les démarches, pour prendre rendez-vous, et aujourd'hui, seules deux personnes pouvaient rentrer en même temps dans le bureau... Il faut bien se renseigner", explique Ali.
 

"Je devais faire cette démarche, j'avais déjà trop attendu. Mais en ce moment je réfléchis avant de sortir, ça me tape sur les nerfs, on n'a plus vraiment de liberté et j'ai peur de sortir à cause du virus. J'ai peur aussi que tout ferme en ville", dit Jihad, qui est propriétaire d'un magasin d'alimentation. Son frère Ali travaille chez Badische Stahlwerke et il est au chômage technique, payé 67% de son salaire.
 

"C'est dommage, ici la frontière avait presque disparu"

Nicole Burgmann est pressée, elle se dépêche de rentrer chez elle, un gros bouquet de fleur dans les bras. Elle et son mari sont gérants d'une boutique de serrurerie du centre-ville, Burgmann Schlüsseldienst. "Deux ou trois semaines de fermeture des frontières, ça allait, mais plus c'est impossible !", elle est inquiète pour son entreprise. Au lieu des 8 heures de travail par jour, leur magasin est ouvert 3 heures par jour, pour le dépannage uniquement, et les trois salariés ont été mis en chômage technique. Elle regrette ses clients français, "c'est dommage, ici c'était vraiment l'unité, la frontière avait presque disparu !"

Elle n'est pas pour un confinement strict comme en France et n'y voit que des inconvénients et des conséquences dramatiques. "Ce n'est pas bien quand les enfants ne peuvent plus sortir, ça favorise la violence domestique, les parents sont stressés, c'est une situation pire que d'attraper le coronavirus", explique-t-elle.

"[Nicole] Nous allons fêter Pâques en très petit comité, mais la famille va venir, il y aura deux petits enfants qui pourront chercher le lapin de Pâques dans notre jardin. Ils ont besoin de ça, après les privations de toutes les activités, l'école qui a fermé. Nous serons quatre en tout. Et il faut le faire, pour être dans le positif, regarder vers l'avenir, tout continue et tout ira bien.", explique Nicole Burgmann dans cette vidéo tournée vendredi 3 avril à Kehl (en allemand) :

 

"A Kehl, les gens sont fous !"

Nicole Burgmann ne comprend pas les Kehlois qu'elle rencontre. Jour après jour, les familles, les enfants se sont faits rares en ville. "Par contre, les personnes âgées sortent plus, de la fenêtre du magasin, je les vois qui s'arrêtent pour tailler une bavette, déambulateur contre déambulateur, et eux, ils ne sont pas verbalisés, alors que ce sont eux qui sont le plus à risque ! Je ne comprends pas leur attitude et le laisser-aller de la police."

Même constat ce vendredi matin, sur le marché de Kehl. Les acheteurs et les vendeurs circulent sans se soucier des distances de sécurité, toutes générations confondues, comme le montre ce gif tourné le vendredi 3 avril sur la place du marché de Kehl. 

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La police de Kehl a d'ailleurs fait plusieurs communiqués pour demander aux gens d'éviter les contacts et de faire attention aux distances de sécurité. Et depuis dimanche 29 mars, le Land autorise les policiers municipaux à verbaliser les personnes qui se rassemblent ou ne respectent pas les distances de sécurité, entre 100 et 1.000 euros pour les contrevenants.

Les villes de l'arrondissement de l'Ortenau se sont mis d'accord pour une amende de 500 euros, avec un premier avertissement (explications), un deuxième avertissement (interdiction de revenir à l'endroit de la verbalisation) et un troisième constat qui donne lieu à une amende. Selon Annette Lipowsky, chargé de communication de la ville de Kehl, "il y a eu quelques jeunes qui ont trouvé des coins pour faire la fête, mais dans l'ensemble, les mesures sont respectées. Le confinement strict (Hausarrest) ne concerne que les malades et les gens contaminés. Et nous ne parlons pas d'arrêter le marché bi-hebdomadaire, il n'y a pas de raisons."

Annette Lipowsky, habituée du marché de Kehl, regrette les deux vendeurs de fromages sur le marché, "ils venaient chaque semaine proposer leurs fromages français aux kehlois, ils nous manquent".​​
 

Stefan Landenberger est pépiniériste et paysagiste, il vend des fleurs, des herbes aromatiques et des salades sur les marchés de Kehl et d'Offenburg, et lui se dit choqué de voir autant de personnes âgées sur le marché de Kehl, et aussi peu de respect des mesures de distanciation sociale. "Les gens sont fous à Kehl, ils ne font pas du tout attention. Demain je serai sur le marché d'Offenburg, ça n'a rien à voir, les gens sont disciplinés et mettent une distance de sécurité avec les autres, je ne comprends pas cette attitude !", lance-t-il en se rapprochant de moi sans s'en rendre compte.
 

"On vit grâce aux Alsaciens"

D’habitude, les Français sont très nombreux à Kehl, ou plus exactement les résidents français, qui habitent en Alsace et viennent à Kehl quotidiennement pour travailler et faire leurs courses. Puisque ce n'est plus une histoire de nationalité depuis longtemps. Dans les commerces de centre-ville, 45% des acheteurs viennent d’Alsace, et c’est encore plus dans les supermarchés, des supermarchés vraiment surdimensionnés en ce moment. 4.000 travailleurs frontaliers habitent en Alsace et passent le Rhin chaque jour pour venir travailler dans les hôpitaux et les entreprises du secteur.

Pour Stefan Landenberger, c'est dramatique. Son chiffre d'affaires a baissé de 80% depuis la fermeture des frontières. "On vit grâce aux Alsaciens, c'est très dur pour nous en ce moment. Un mois comme ça, c'est déjà très difficile, alors si ça s'éternise... l'avenir est noir, ce n'est pas sûr qu'on s'en sorte sans un dépôt de bilan", explique le pépinériste sur le marché de Kehl, vendredi matin.

"C'est difficile de dire ce qui va se passer. Nous espérons que les marchés de plein air restent ouverts, et qu'on arrive à vendre sur le marché tout ce qu'on vend d'habitude ici et là. Et puis j'espère que la vente chez nous va bien démarrer. Mais c'est difficile de se projeter vers l'avenir. Si la situation ne s'améliore pas, ce sera un avenir sombre. Il n'y a rien à faire, si la saison démarre mal, c'est fini, c'est tout", explique Stefan Landenberger dans cette vidéo, tournée le 3 avril sur le marché de Kehl (en allemand) :
Sur sa page Facebook, il a lancé un appel à ses clients. "Nous sommes ouverts, venez nous voir, nous vous livrons vos fleurs à domicile sans frais si vous le souhaitez. Ne cédez pas à la panique, nous resterons ouverts pour vous", explique-t-il.
  

La saison des fleurs

La saison des fleurs commence en avril et fini en juin, c'est la période où Stefan Landenberger réalise son chiffre d'affaires pour toute l'année. Deux salariés polonais qui devaient l'aider dans les champs ont été refoulés à la frontière germano-polonaise le 15 mars, alors qu'ils avaient pris le bus pour venir l'aider à cueillir toutes ses fleurs. Il a donc beaucoup plus de travail en ce moment, et certaines fleurs ont pourri. 50% de ses plantes sont jetées en ce moment, soit parce qu'il n'arrive pas à les cueillir à temps, et si elles sont cueillies, elles ne trouvent pas preneur.

Il a fait une demande d'aide "Soforthilfe Corona" (aide immédiate Corona), mise en place par le Land du Bade-Wurtemberg. Quatre millions d'euros ont déjà été versés à 137.000 entreprises. "Une goutte d'eau sur une pierre brûlante", pour Stefan. "Je continue de payer les salaires de mes quatre employés, j'ai payé les jeunes plants et les graines... il faudrait une aide beaucoup plus importante".
 

Toutes les entreprises où il intervenait pour l'entretien des espaces verts ont annulé les contrats. "Elles économisent parce qu'elles sont elles aussi en difficulté, tout le monde attend de voir comment ça se passe. Et puis le marché des fleurs coupées s'est effondré en Europe, je ne peux plus en avoir. Et toutes les fleurs et plantes qui vont venir d'Italie vont être hors de prix cette année".
 

Laissez-passer pour les frontaliers

Sonia Marzolf fait ses courses à Kehl mardi 17 mars, le lendemain de la fermeture des frontières. Cette habitante de Mommenheim travaille à Kehl tous les jours, alors à la fin de sa journée de travail, elle fait ses courses chez DM, après avoir pris ses oeufs dans une ferme sur sa route.

Le parking est presque vide ce jour-là, c'est inhabituel. Une autre Française fait ses courses, elle est infirmière au centre d'épilépsie de Kork, et préfèrerait être chez elle avec ses filles. "Je suis réquisitionnée, mais j'ai peur. J'ai mauvaise conscience des deux côtés. J'ai peur de tomber malade ou de contaminer mes filles. En même temps si je suis malade, j'aurai besoin d'être soignée, donc c'est pour ça que je continue à travailler", explique Edith devant sa voiture. Elle a mis derrière sa vitre un laisser-passer de son employeur, pour aller de Brumath à Kork tous les jours.

Depuis le 17 mars, les choses se sont précisées, un laissez-passer officiel a vu le jour, à mettre derrière son pare-brise. "Pendant 30 ans, on nous a demandé d’effacer la frontière ou de la perforer, et maintenant elle revient", constate Annette Lipowsky. Une situation inédite pour beaucoup, notamment les plus jeunes, qui n'avaient jamais dû montrer leur carte d'identité pour traverser le Rhin. De Kehl vers Strasbourg, les policiers français demandent un ordre de mission ou un courrier officiel pour les transports de marchandises et les travailleurs frontaliers, ainsi que l'autorisation de déplacement dérogatoire. De Strasbourg vers Kehl, les policiers demandent un laissez-passer (ou Passierschein), plus de précisions sur le site internet de Euro Info Best rempli par le salarié et son entreprise. 
 


Mais une mise au point a été faite par la police municipale de Kehl : les travailleurs frontaliers n'ont le droit d'utiliser leur laissez-passer que pour aller travailler, et pas pour faire en plus leurs courses à Kehl.

"Darüber hinaus kontrolliert der KOD [Kommunalordnungsdienst], ob Personen, die in Straßburg wohnen und nach Kehl zum Arbeiten kommen, zusätzlich einkaufen gehen. Der Passierschein berechtigt sie lediglich, ihren Arbeitsplatz aufzusuchen und von dort auf direktem Wege wieder nach Hause zu fahren. Wer seinen Passierschein missbraucht, begeht eine Ordnungswidrigkeit." [TRADUCTION : la police municipale fait des contrôles pour s'assurer que les personnes qui habitent à Strasbourg et travaillent à Kehl n'en profite pas pour faire les courses en plus. Le laissez-passer les autorise d'aller de leur domicile à leur lieu de travail directement, aller et retour. Ceux qui font des entorses à ce règlement seront passibles de sanctions.]
 

Le problème, ce n'est pas le virus

Et puis il y a les inconscients ou les indécrottables optimistes, on ne sait pas. Guy Gérome est "expatrié en Allemagne depuis 53 ans". Ce Français de 76 ans, rencontré devant la boulangerie Dreher, tient un sac en tissu froissé sous le bras. Il vient d'essayer d'aller en France pour voir ses comptes et retirer de l'argent. "Je sors tous les jours, je suis solitaire, alors garder les distances ce n'est pas difficile pour moi. Ce virus ça ne me perturbe pas. Je vis sainement."
 

"Par contre, après la crise sanitaire, il va y avoir un problème avec les banques, et on ne pourra plus retirer d'argent. Là, on m'a refoulé, mais je vais trouver quelque chose pour y aller", explique-t-il dans un sourire. Le saute-frontière redevient une activité complexe, faite de stratégies et d'angoisses, quelles qu'elles soient.

Un service de livraison des courses a été mis en place pour tous les habitants de Kehl qui le souhaitent. 60 personnes se sont manifestées auprès de la Croix-Rouge pour livrer les courses bénévolement, mais pour l'instant, le service n'a enregistré aucune demande, au grand étonnement d'Annette Lipowsky, de la ville de Kehl. "On va refaire une communication, insister sur le fait que ce service est gratuit. Mais bon, dans mon entourage je connais une personne âgée qui veut continuer d'aller sur le marché une fois par semaine. Tout est restreint, elle ne voit plus ni ses enfants ni ses petits-enfants, alors les courses c’est sa dernière liberté."

Positivons, ici ou là

A Kehl, Lahr et Friboug, Zweierpasch, le groupe de rappeurs franco-allemands, reste motivé. Till, Felix et leurs musiciens continuent d'être présents sur les réseaux sociaux, malgré une tournée annulée. Ils offrent à leurs internautes français et allemands "un peu d'amour" pour les soignants, avec ce clip enregistré à sept dans sept lieux différents.
 
A Kehl, le nombre de personnes testées positives au coronavirus est passé à 66, et à 550 pour tout l'arrondissement de l'Ortenau (Bilan du 03.04.2020 à 14h), sachant que l'Allemagne réalise beaucoup plus de tests que la France. "Prenez soin de vous !", m'a lancé Guy Gérome en s'éloignant à petits pas. "Vous aussi surtout !", ai-je répondu.
 
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