Le centre de rééducation d'Illkirch-Graffenstaden accueille des patients post-covid19 à leur sortie de réanimation. En effet, pour beaucoup, le retour à une vie normale est encore long. Mais grâce à une prise en charge globale, les progrès sont indéniables.
Après la réanimation, beaucoup de patients soignés pour le covid19 doivent encore passer de longues semaines dans un service de rééducation, comme celui de l'institut Clémenceau à Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin). Après un premier reportage dans ce service jeudi 23 avril, France 3 Alsace y est retourné une semaine plus tard. En quelques jours, les mêmes patients avaient fait d'énormes progrès, à force de volonté, de ténacité, et grâce à l'engagement d'une équipe soignante pluridisciplinaire extrêmement motivée.
La semaine dernière, Christiane, 79 ans, arrivait difficilement à se lever de son fauteuil pour faire quelques pas. En sept jours à peine, son évolution est notoire. "C'est vrai, j'ai fait beaucoup de progrès, sourit-elle. Hier, j'ai fait le tour du service (…) Tous les jours, il y a une nouveauté. Avant, je n'arrivais pas à soulever mes pieds pour aller au lit, et maintenant, j'y arrive."
Cela fait un mois que Christiane est arrivée au centre, après cinq semaines d'hospitalisation, dont douze jours dans le coma, en réanimation. "Elle progresse super vite et a tendance à aller un peu plus vite que la musique, précise sa kinésithérapeute, Alice Roques. Mais il y a une vraie motivation, une vraie envie d'avancer, de remarcher."Christiane progresse super vite, on ne s'y attendait pas
- Alice Roques, kinésithérapeute
Depuis le début de son séjour au centre Clémenceau, cette miraculée du covid19 a appris à connaître chaque membre du personnel. Elle a même retrouvé une ancienne voisine, qui est aide-soignante. Les visites des proches ne sont pas autorisées, ces liens personnels sont donc très importants pour le moral, et de belles relations et une confiance réciproque se tissent entre patients et personnel soignant.
Une équipe pluridisciplinaire et engagée
Chaque matin, l'équipe soignante se réunit et passe en revue l'état des vingt patients post covid19 accueillis. Atteintes pulmonaires, neurologiques, problèmes de déglutition, fonte de la masse musculaire, état psychologique perturbé… Ici, la prise en charge est globale, et l'équipe, pluridisciplinaire."L'ensemble des patients souffre de dénutrition, c'est-à-dire d'une fonte musculaire" explique le médecin nutritionniste Thierry Gaudias. Ceci s'explique par l'infection au covid19, contre laquelle leur corps a lutté en utilisant des protéines, ainsi que par leur immobilité prolongée en lit de réanimation. En deux à quatre semaines, ces patients ont perdu "de 6 à 20% de leur poids" de muscles. D'où la nécessité d'une rééducation, associée à la prise de compléments alimentaires, principalement des protéines.
Fonte musculaire, fragilité des cordes vocales, problèmes de déglutition et de souffle
Cette unité de rééducation pour patients post-covid19 a été aménagée au centre Clémenceau dès le 20 mars, en lieu et place de l'habituel service de nutrition. Mais "la prise en charge n'est pas tellement différente", selon Thierry Gaudias, puisque les dégâts nutritionnels dus au coronavirus, ainsi que leurs répercussions sur le diabète et l'autonomie des patients, ressemblent à ceux dont souffrent beaucoup de malades accueillis d'ordinaire dans ce service, suite à un séjour en réanimation pour cause de septicémie ou de pneumonie. Sans parler des pathologies associées : hypertension, problèmes cardiaques, insuffisance respiratoire, bronchite chronique ou asthme.Dans une autre salle, un orthophoniste, Pierre-Olivier François, masse un patient alité au niveau du cou et de la gorge. Des manipulations quotidiennes, destinées à détendre tous les muscles en lien avec le larynx. "Il faut que le larynx se relâche, pour restaurer une meilleure capacité de déglutition, et améliorer la voix", explique le thérapeute. En effet, un séjour prolongé en réanimation, où le patient reste couché sur le ventre, tête en extension, occasionne beaucoup de tensions qui perturbent durablement la capacité à bien avaler, et l'usage des cordes vocales. Des exercices complémentaires sont aussi nécessaires pour l'aider à retrouver peu à peu le souffle et la voix.
Tous ces patients post covid19 ont réchappé de la mort. "Ils reviennent de quelque chose de très violent, précise le docteur Thierry Gaudias. Certains sont un peu en situation post traumatique, ils savent qu'ils l'ont échappé belle, et on est là également pour les entendre." La psychologue du service les voit régulièrement, et toute l'équipe est attentive pour repérer les personnes particulièrement fragiles à suivre en priorité.Les patients ont vécu quelque chose qui peut laisser des dégâts psychologiques et des angoisses pour le futur.
- Thierry Gaudias, médecin nutritionniste
Pouvoir bien vivre chez soi
Mais dès lors qu'ils vont suffisamment bien dans leur tête et leur corps, qu'ils sont à nouveau capables de se déplacer, de refaire leurs courses, de vivre correctement, même s'ils n'ont pas encore totalement récupéré au niveau musculaire, ces malades post covid peuvent retrouver leur domicile. "Et c'est passionnant de travailler ensemble pour que les patients puissent rentrer chez eux" se réjouit le docteur Thierry Gaudias.A 86 ans, Benoît est lui aussi un miraculé. Il s'apprête à quitter le centre. Sa valise est prête. Il a attrapé le covid19 alors qu'il était déjà hospitalisé pour une autre pathologie. Cela fait quatre mois qu'il est parti de chez lui, mais derrière le masque, ses yeux pétillent : "Bon, il reste encore à faire" reconnaît-il, modeste. Mais je parle beaucoup mieux, et je peux marcher tout seul, sans le déambulateur."
C'est une ambulance qui vient le chercher, car il part encore quelques semaines en convalescence, avant de pouvoir retourner dans sa maison de retraite. Lui qui espérait tant pouvoir retrouver ses enfants verra son vœu exaucé. Le 5 mai, il pourra fêter son anniversaire, entouré des siens.Une infirmière m'a dit que j'étais près du cimetière. Alors j'ai fait du chemin.
- Benoît, 86 ans, patient postcovid19