La réouverture des frontières entre l'Allemagne et la France était très attendue par de nombreux habitants des deux côtés du Rhin. Ce lundi 15 juin, les barrières ont enfin été levées. Les premiers Français sont donc retournés dans les commerces allemands, où ils étaient d'ailleurs très attendus.
La ville de Strasbourg et sa voisine Kehl en Allemagne sont séparées - ou reliées - par un pont au dessus du Rhin d'un peu moins de 250 mètres. Ce lundi matin 15 juin, les Français et les Allemands vivant de part et d'autre de l'édifice pouvaient à nouveau l'emprunter, après une très longue attente. Un soulagement sur le plan économique pour les commerçants kehlois, mais aussi un besoin pour certains citoyens qui passent très naturellement et souvent d'un côté à l'autre.
Revenir à Kehl ? évident pour nombre de Strasbourgeois
Dans les rues, on entend de nouveau parler le français, une langue familière à Kehl. Une jeune femme, au sein d'un petit groupe en pleine discussion, porte plusieurs sacs de couches pour bébé, à bout de bras. Elle m'explique qu'ils attendaient cette réouverture de frontière avec impatience. "Ici, les prix sont plus bas et on a beaucoup plus de choix. Bien sûr, ces trois derniers mois, on a acheté tout ce qui était urgent de l'autre côté, mais pour le reste on a attendu de pouvoir revenir."
Pour Héléna qui habite près de Strasbourg, se rendre à Kehl est une douce habitude. "Je viens même pour la détente, pour un boire un café avec des amis. L'Allemagne, c'est différent de chez nous. C'est plus calme. Ici on aime les salons de thé et on prend le temps de vivre !"
Pas de rush, mais un retour encourageant pour les commerçants
Pas encore vraiment débordés, les vendeurs dans les magasins, en ce premier matin de réouverture des frontières. Certaines boutiques semblent même étrangement vides. Une vendeuse d'un magasin de vêtements de sport a son explication : "En fait, nos clients allemands ne sont pas venus, parce qu'ils craignaient une ruée de la part des Français. Du coup on n'a pas trop de monde et plus de Français que d'Allemands."
Dans une boutique de prêt-à-porter non loin de là, une vendeuse, encore un peu désoeuvrée affirme : "Les Français représentent 65 % de notre clientèle. Comme ils n'ont pas pu venir, il n'y avait plus de travail pour certaines de mes collègues. C'était difficile pour celles qui étaient déjà à temps partiel. Vous savez, entre Kehl et Strasbourg, c'est un mode de vie, moi j'achète beaucoup de choses à Strasbourg, j'ai d'ailleurs hâte d'avoir le temps d'y retourner dans les prochains jours!"
Franck Hammel, le propriétaire de l'un des magasins de chaussures de la rue commerçante parle sans détour : "Notre clientèle est composée de 50 à 60 % de Français. C'est un soulagement de les voir revenir, même si pour l'instant ils ne sont pas encore nombreux, car la réouverture des frontières a longtemps été annoncée pour un jour plus tard. Ces trois derniers mois de fermeture des frontières à cause du covid représente une grande perte pour nous. Une catastrophe même pour certains commerces qui ne s'en relèveront pas. Nous sommes une ville frontalière et nos citoyens ont l'habitude de faire leurs courses de part et d'autre. Nous les Allemands, nous allons en France et les Français viennent chez nous."
Mais c’est dans les débits de tabac que le retour des Français est le plus flagrant. Ce qui signifie par la même occasion que le jackpot pour les buralistes français, c'est fini. Après trois mois de frontières fermées, les réserves de tabac se font de nouveaux outre-Rhin pour les Strasbourgeois.
"On a fait le plein d’essence à Kehl, on a acheté des cartouches de cigarettes et fait les grandes courses" est un peu le leitmotiv des Français rencontrés ce lundi.
Seul bémol, le port du masque pas toujours respecté par les Français
Peur des Alsaciens parce qu'ils viennent d'une zone très fortement impactée par le covid19? Non, de toute évidence. Mais si dans les rues, il n'est pas obligatoire, il l'est dans les magasins. Parfois un panneau à l'entrée annonce l'obligation de porter le masque, mais pas toujours. Alors les commerçants gèrent directement avec les clients : "Parfois on voit des personnes entrer ou qui veulent rentrer sans masque, nous sommes obligés de leur demander de le mettre ou de repartir". Mais visiblement il n'y pas de peur à proprement parler. On garde ses distances, mais ici on sait qu'en Alsace aussi l'épidémie a bien reculé.
Quelques heures après la réouverture du bien nommé Pont de l'Europe, la présence des Français en Allemagne et des Allemands en France n'est pas encore comparable à ce qu'elle était avant la pandémie, trois mois plus tôt. La fermeture brutale de la frontière a blessé beaucoup de personnes, mais désormais la vie reprend ses droits, doucement, ici aussi, entre Strasbourg et Kehl.