Sur les réseaux sociaux, de nombreux habitants de Bischheim et Hoenheim, deux communes de l'Eurométropole de Strasbourg, se plaignent régulièrement de tirs de pétards et feux d'artifice, notamment depuis début octobre. Pourtant interdits par arrêté municipal, chaque année, les tirs commencent bien avant le Nouvel An.
Tirer des feux d'artifice pour les fêtes de fin d'année est une tradition alsacienne bien ancrée. Mais dans plusieurs communes du nord de l'Eurométropole de Strasbourg, la date de début des festivités a pris de l'avance.
Malgré des arrêtés municipaux qui interdisent formellement l'usage des pétards et feux d'artifice, ce sont des bruits qui semblent faire partie du quotidien des Bischheimois et Hoenheimois depuis plusieurs semaines.
Sur un groupe Facebook d'habitants de Hoenheim (Bas-Rhin), le post "coup de gueule" d'une habitante, publié le 28 octobre, a recueilli plus de 60 réactions. Près d'une trentaine de commentaires abondent également dans son sens. Et il semble aussi avoir trouvé écho chez les Bischheimois, après avoir été republié sur un groupe Facebook de riverains de la commune voisine.
Rencontrées dans le quartier des Écrivains à Bischheim (Bas-Rhin), régulièrement mentionné dans les commentaires, deux habitantes racontent : "Depuis début octobre, c'est tous les jours. C'est la première fois que ça commence aussi tôt dans l'année. En général, c'est une semaine ou deux avant le nouvel an, pas avant."
D'autres témoignages récoltés dans le quartier font état de tirs au moins une fois par jour depuis environ trois semaines. Ci-dessous, une vidéo prise par un habitant au mois d'octobre. On peut y voir des feux d'artifice tirés depuis le city stade, à quelques dizaines de mètres des immeubles les plus proches.
Aucune solution pour les habitants
Et les riverains sont dans une impasse face à ces nuisances sonores : "On contactait la police à un moment, mais ça n'a rien fait", confie une autre habitante. "J'ai même demandé à Alsace Habitat [son bailleur social] d'intervenir, mais ils m'ont répondu qu'ils n'y pouvaient rien. Et si on va voir ceux qui tirent et qu'on leur dit d'arrêter, ils le font encore plus, par provocation."
Même son de cloche près du quartier du Ried à Hoenheim : "On est à bout. Le soir, quand on rentre du travail, on a juste envie de calme, [...] mais c'est tous les soirs et parfois ça dure jusqu'à 1h du matin," témoigne une jeune maman. "Quand on appelle la police, ils disent qu'on est les premiers à signaler le problème. Alors même qu'on est plusieurs dans le voisinage à avoir appelé au même moment. C'est un mensonge."
Interrogés à ce sujet, les maires de Hoenheim et Bischheim, Vincent Debes (Divers droite) et Jean-Louis Hoerlé (LR) ont tous deux indiqué ne pas être au courant de la fréquence élevée des tirs de feux d'artifice dans leurs communes. "J'habite Hoenheim et j'ai entendu une fois ou l'autre un pétard. Mais c'est très rare. Et ça dure 10 ou 15 secondes. Si les gens voient la chose se répéter dans un secteur, il faut qu'ils le fassent remonter à la mairie", répond Vincent Debes. Jean-Louis Hoerlé, quant à lui, reconnaît l'existence d'une problématique pétards, tout en nuançant : "ce sont des nuisances, mais on est dans les normes".
Pourtant, les villes de Bischheim et de Hoenheim ont toutes deux passé des arrêtés (respectivement en 2007 et 2000) interdisant les bruits causés sans nécessité, pouvant troubler la tranquillité des habitants.
Dans ces deux communes, la déflagration de pétards et objets similaires est donc strictement interdite sur les voies publiques ou accessibles au public, ainsi que dans les lieux publics. Le non-respect des interdictions édictées par un arrêté municipal est passible d'une amende de 150 euros.
Jean-Louis Hoerlé, questionné sur la non-application de l'arrêté, a indiqué ne pas avoir connaissance de son existence. Vincent Debes, lui, a évoqué la difficulté à pénaliser ces comportements. "Pour la pénalisation, encore faut-il voir le côté effectif de la chose et appréhender les personnes."
Un "passe-temps" lourd de conséquences
Ces tirs réguliers soulèvent un autre problème. D'après des riverains, ce sont souvent des mineurs qui jouent avec les feux d'artifice, alors que la vente leur est interdite en France.
Un habitant de Bischheim, qui est allé à la rencontre de tireurs à plusieurs reprises pour leur demander d'arrêter, dit s'être en fait retrouvé face à des enfants âgés de 7 à 10 ans : "Une fois, il y avait même une mère avec une poussette."
Pour rappel, la manipulation de feux d'artifice sans les précautions nécessaires peut causer d'importants troubles auditifs ainsi que des brûlures ou blessures graves, voire mortelles. Dans le Bas-Rhin, en 2023, quarante blessés par feux d'artifice ont été recensés. Un chiffre sous-estimé, selon la préfecture du département : "Ce n'est pas une vision exhaustive, les personnes ne vont pas toutes se faire prendre en charge à l'hôpital."
Des opérations de sensibilisation existent dans les collèges du Bas-Rhin, animées par des agents de police. Lors de la formation "Gestes qui sauvent" que les pompiers animent chaque année pour les classes de 4ème, ceux-ci évoquent également le risque de blessures.
Autre conséquence de ces tirs : la pollution. Les résidus d'emballages et les mortiers étant souvent laissés sur place. Même si Jean-Louis Hoerlé, maire de Bischheim, relativise : "En matière de déchets, ce n’est pas le pire."
Que dit la loi ?
Exception faite d'interdictions édictées par des arrêtés municipaux comme à Bischheim ou Hoenheim, la loi française n'interdit pas l'utilisation des pétards ou des feux d'artifice de catégorie F1, F2 et F3, du moment qu'ils portent le marquage "CE" et si la matière active totale ne dépasse pas les 35 kilos. Cependant, les catégories F2 et F3 sont interdites à la vente et à l'utilisation aux mineurs.
Par ailleurs, les tirs de feux d'artifice de catégorie F2 ou F3 s'ils dépassent 35 kilos de matière active doivent être précédés d'une déclaration en mairie, au moins un mois avant la date prévue. En cas d'infraction, l'auteur du délit peut être soumis à une contravention de 5e classe (soit 1 500 euros maximum et 3 000 euros en cas de récidive) et d'une confiscation des objets.