L'association "Alerte des médecins sur les pesticides" tire la sonnette d'alarme. Avec la crise du monde agricole, le gouvernement a mis à l'arrêt plusieurs mesures visant à limiter l'usage des pesticides et la pollution. Plus de 700 médecins mettent en garde sur les conséquences sanitaires pour toute la population.
Ils sont maintenant 800 médecins à avoir signé la pétition "Une seule santé (One Health) : les mots ont-ils encore un sens ?", lancée il y a quelques jours à l'appel de l'association "Alerte des médecins sur les pesticides".
Le texte dénonce la "pause" faite par le gouvernement français dans tous les domaines de préservation de la biodiversité, à la suite de la crise agricole et des manifestations des agriculteurs : "le plan Ecophyto, la sauvegarde des zones humides et des jachères remis en cause, l’ANSES et l’OFB (Office français de la Biodiversité) victimes d’une tentative de muselage".Le texte rappelle que "les données scientifiques produites ces dernières années à la fois par l'INRAE concernant le rôle des pesticides sur l’effondrement de la biodiversité et par l'INSERM et leur impact sur la santé humaine sont considérables. Ce sont des faits scientifiques, pas des opinions. Elles appellent des décisions politiques, or celles qui viennent d’être prises par le gouvernement sont désastreuses."
Rémi Mazurier, médecin généraliste à Strasbourg, est membre de l'association, il répond aux questions de France 3 Alsace.
La situation est-elle grave ?
Elle est grave. On le sait maintenant, grâce à deux études qui viennent de deux univers complètement différents, celui de l’écotoxicologie/agronomie et celui de la santé humaine, qui dressent le même constat : on arrive à une contamination de tous les milieux, avec des conséquences sur l’effondrement du vivant et des conséquences sur la santé. Le signal donné, à la suite de ces expertises, c’est "on fait marche arrière et on arrête tous nos efforts". C’est ça notre point de départ, en tant que médecins. On veut pointer du doigt cette absurdité. Les expertises montrent que la contamination est globale, elle a lieu dans les fosses marines à moins de 3 000 mètres mais aussi dans les pôles. La spécificité de l’Alsace c’est qu’il y a beaucoup de cultures différentes, avec une grande proximité avec les agglomérations, donc des riverains très exposés. Et une nappe phréatique immense, un réservoir d’eau douce complètement souillé.
Pourquoi lancer cet appel maintenant ?
Ces études sont récentes : 2021 pour l’étude de l’INSERM, et 2022 et 2023 pour les deux études de l’INRAE. Ce sont des faits scientifiques, pas des opinions qui imposent des réponses politiques. Et elles ne sont pas du tout à la hauteur. Au contraire même ! Pour répondre à la crise agricole, le gouvernement français est revenu sur plein de mesures de protection de la nature et de la santé humaine.
Les gouvernements sont les seuls à pouvoir agir ?
Il y a eu des tentatives autres que par des lois ou des directives, par exemple la protection des riverains par des "chartes de riverains", qui permettaient de définir des zones sans pesticides parce que celles-ci sont proches des habitations et des jardins. Ces chartes ont été mises en place par les préfets et chapeautées par les chambres d'agriculture. Mais le constat, c’est que ça ne marche pas, parce qu’elles font appel à des bonnes volontés localement, et ce n’est pas suffisant. Ces zones ne sont pas respectées. Et pour les autorisations de mises sur le marché des pesticides, il faut des volontés politiques pour faire bouger la réglementation.
Mais il y a aussi ce qu’on propose, les cinq points de notre appel sont un début et il n’y a pas besoin de légiférer. Il faut aller voir les villes. Par exemple, les paniers bio pour les femmes enceintes, Strasbourg est une ville modèle avec son "ordonnance verte", et nous voudrions voir cet exemple se multiplier sur tout le territoire. L’objectif c’est de protéger le plus possible les fœtus à naître des pesticides. Manger bio gratuitement pour les mères permet d’atteindre cet objectif. Toutes nos propositions ne sont qu'un début. Il faut d'urgence protéger la nature et la santé humaine. Et l'arrêt des pesticides est possible, ça aussi, c'est prouvé. Qu'est-ce qu'on attend ?