Déserts médicaux : des quartiers de Strasbourg manquent de médecins, "on ne nous donne pas les mêmes moyens qu'ailleurs"

Souvent associée au milieu rural, la notion de désert médical concerne aussi certaines zones urbaines. L'agence régionale de santé a recensé les quartiers en tension. A Strasbourg (Bas-Rhin), Cronenbourg, le Port du Rhin ou Hautepierre souffrent d'un manque de médecins.

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Dans le quartier du Port du Rhin à Strasbourg (Bas-Rhin), Nabila Hamza est la seule médecin généraliste. Depuis son installation en 2010, et surtout ces dernières années, les constructions se sont multipliées dans le quartier. "Il y a une forte demande, les journées s'allongent, ce n'est plus possible à un moment", avoue la docteur Nabila Hamza. 

Elle ne regrette pas d'avoir ouvert son cabinet. "J'avais envie de m'installer ici, je suis née dans le quartier et mes parents y habitent encore. Il n'y avait pas de médecin et je ne trouvais pas ça juste", raconte Nabila Hamza.

Selon l’Assurance maladie, 6,3 millions de Français n'ont pas de médecin traitant en 2022, contre 5,1 millions en 2017. Dans d'autres quartiers de Strasbourg, les difficultés sont aussi présentes. Les départs en retraite ne sont pas remplacés.

"Beaucoup de patients"

Aux Poteries, le docteur Michel Boucon voit sa charge de travail augmenter depuis 2017. Il reçoit en moyenne 40 patients par jour, et ça peut monter à 50, notamment en sortie de week-end. "Il faut être efficace, car il y a beaucoup de patients. On ne peut pas se permettre de faire des consultations très longues, admet le généraliste. J'adore travailler ici, mais on ne nous donne pas les mêmes moyens qu'ailleurs."

Ces quartiers de Strasbourg sont-ils des déserts médicaux ? Jusque-là réservée au monde rural, aux vallées enclavées, la formule commencer à s'employer pour les quartiers urbains. "On connait la tension de nos quartiers ; des gens plutôt pauvres avec des problèmes de santé importants, et des professionnels de santé de moins en moins nombreux", explique Alexandre Feltz, l'adjoint à la maire (EELV) de Strasbourg en charge de la santé.

Numerus Clausus

A Strasbourg, l'agence régionale de santé du Grand Est a cartographié, pour la première fois, ces secteurs en tension. Plusieurs quartiers sont concernés : Neuhof, Meinau, Montagne Verte, Port du Rhin, Elsau, Koenigshoffen, Hautepierre ou Cronenbourg.

A qui la faute ? "Les politiques ont choisi de former moins de médecins", résume Michel Boucon. La baisse du numerus clausus, dans les années 1980 et 1990, a créé un trou dans les générations de médecins. "Le mode de vie des médecins à l'époque, très prenant, qui sacrifie ses loisirs, ses week-ends, ne plait plus aujourd'hui", explique Monique Lescoute-Jabot, secrétaire générale de l'Ordre des médecins du Bas-Rhin.

Certains préfèrent alors le salariat, en hôpital, avec des horaires, des vacances, des RTT, un salaire fixe. D'autres tardent à s'installer et effectuent des remplacements. "Ils choisissent leurs missions, ne sont pas responsables d'une patientèle, et se déchargent d'une partie de la paperasse", comprend Monique Lescoute-Jabot.

Le diagnostic est posé. Quel est le traitement ? Faut-il inciter les médecins ? Ceux qui souhaitent s'installer dans ces secteurs en pénurie perçoivent des aides, notamment une prime à l'installation de 50.000 €. Et, selon les endroits, un complément de 5.000 € par mois, et la défiscalisation des astreintes des soirs et week-ends.

L'incitation financière est là pour que les médecins ne se focalisent pas sur les problèmes matériels, dans un premier temps. 

Aujourd'hui, les médecins veulent exercer à plusieurs dans un cabinet, et ainsi se partager les charges administratives, et les astreintes. Alors, comme il a pu fleurir des maisons médicales dans les villages et petites villes ces dernières années, des maisons urbaines de santé se développent. Après Neuhof et Hautepierre, c'est au Port du Rhin que se prépare à ouvrir la prochaine à Strasbourg. "On y espère deux voire trois généralistes, deux kinés, deux infirmières, deux orthophonistes", annonce Alexandre Feltz. Au total, 250 m² de locaux doivent être rénovés d'ici 2024.

Une quatrième année d'internat

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit l’ajout d’une quatrième année d'internat pour les étudiants en médecine générale. Cette année supplémentaire se déroulerait "en ambulatoire dans les zones sous-denses". Traduisez : dans les déserts médicaux. L'Ordre des médecins, au niveau national, y est favorable, à condition que ça ne soit pas le seul levier actionné. "Il faut qu'ils puissent être correctement encadrés, car même s'ils sont tous très savants, ils sont encore étudiants", prévient Monique Lescoute-Jabot.

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