Pour la 14eme année, le prix "Jeunes Talents L’ORÉAL - UNESCO pour les femmes et la science" récompense des jeunes femmes, doctorantes ou post doctorantes dans des filières scientifiques où elles sont aujourd'hui encore sous représentées. Parmi les lauréates, deux strasbourgeoises.
Mais où sont les femmes? Malgré tous les discours d'égalité entre filles et garçons, les faits sont têtus : dans le monde de la recherche, seules 26% sont des femmes.
"C'est un monde difficile, et très compétitif" explique la strasbourgeoise Lorène Jeantet, l'une des lauréate du prix Jeune Talent L’ORÉAL - UNESCO pour les femmes et la science. " Il faut du courage pour continuer. Ca demande énormément de confiance en soi. Or, nous ne sommes pas toujours valorisées, il faut à chaque fois nous justifier d'être à notre place."
Lorène Jeantet, 26 ans, est passée par une école d'ingénieur agronome avant de sa lancer dans le grand bain : celui de la recherche en milieu marin, en développant une technologie permettant de suivre les tortues de mer dans leur environnement, en Guyanne et en Martinique, et ainsi découvrir pourquoi leur population est en chute libre.
Il faut être optimiste
Lorène Jeantet ne désespère pas de l'état de la planète et de sa biodiversité. Son arme, ce sont les algorithmes qui lui permettent de mettre au point une sorte de capteur doté d'une intelligence artificielle. Ce capteur, placé sur la carapace des tortues, peut permettre de les suivre en continu : leurs déplacements entre deux périodes de ponte, leur alimentation, leur temps de repos. "Ces capteurs enregistrent tout et nous permettent vraiment de rentrer dans l'intimité des tortues. On sait tout ce qu'elles font", raconte-t-elle. L'objectif étant d'en apprendre suffisamment pour proposer de nouvelles délimitations d'aires protégées, et donc, favoriser la survie de l'espèce.
La jeune scientifique mesure la chance qu'elle a de pouvoir exercer cette activité qui la passionne. Cela ne va pas de soit, lorsqu'on est une femme. "Les filles ne sont pas poussées vers la science", dit-elle. Et de citer l'étude de la sociologue Clémence Perronnet qui s'est intéressée à un magazine de vulgarisation scientifique pour un public junior : entre 2012 et 2018, sur 110 couvertures de magazines, 4 seulement mettaient en avant des femmes... Et encore, l'une d'elles représentait une personne effrayée par les extra-terrestres! Bref, il y a encore du chemin à parcourir. Mais Lorène Jeantet le dit : elle est optimiste, que ce soit pour la biodiversité, ou pour la mixité!
700 candidates, 35 lauréates
Le prix Jeune Talent, qui existe depuis 14 ans, vise donc à encourager celles qui relèvent le défi de l'excellence dans un milieu qui ne leur est pas grand ouvert. 700 candidates, et au final, 35 lauréates. Parmi elles, aux côtés de Lorène Jeantet, une deuxieme strasbourgeoise: Mercedes Haiech. Très vite, au lycée, elle s'est rendue compte que sa passion des maths l'emmenait dans une filière où les filles n'étaient pas nombreuses. Impression corroborée plus tard par les statistiques officielles: à peine 14% de femmes en poste à l'Université en mathématiques fondamentales."Durant mon parcours, je me suis toujours sentie à ma place", racconte Mercedes Haiech. Mais il y a effectivement une censure sociale, et il est important de casser les stéréotypes. Beaucoup de groupes de travail se sont penchés sur cette question, sans pouvoir apporter de certitude. Quel est le blocage? Si on savait, on pourrait y remédier"
Mercedes Haiech est en 3eme année de doctorat et doit soutenir sa thèse à la fin de cette année. "Ce que j'aime dans les mathématiques, c'est qu'il n'y a pas le carcan de la réalité. C'est un langage à part entière. On peut inventer des mots, les assembler comme on le souhaite, et en faire un roman. Il y a un sentiment d'espace et de liberté incroyable". Contrairement aux autres disciplines, explique-t-elle, il lui suffit d'une feuille, d'un crayon, et d'un problème à résoudre... Avec, en cas de succès, une poussée d'adrénaline aussi euphorisante que s'il s'agissait d'un sport extrême. Vu comme ça, le plafond de verre ne devrait pas tarder à se fissurer.Les mathématiques, c'est comme un roman