Un rapport commandé par la Région Grand Est trace les hypothèses pour les années à venir : moins de neige, plus de pluie, des saisons hivernales plus courtes. Le rapport ne fait pas de constat vraiment nouveau : certaines stations ont déjà anticipé et devront continuer à le faire.
La région Grand Est a commandé une étude sur l'enneigement du massif des Vosges, la restitution a eu lieu début avril, devant les responsables des stations de ski et des communes concernées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, des Vosges et de la Haute-Saône.
Denise Buhl, vice-présidente de la région en charge de la ruralité et de la montagne a tenu à rassurer les acteurs du secteur : des financements et des aides seront possibles, en fonction des projets et des besoins. Pour l'instant aucune somme n'a été annoncée.
"C'était intéressant de réunir les 23 stations du massif", explique-t-elle. "On va travailler avec chacune, pour voir ce qui est possible. Ce n'est pas la région ou le massif qui diront quoi faire : chaque station va nous proposer son projet, ses alternatives à la neige, et on les aidera, au cas par cas. On sera juste vigilants pour que toutes ne proposent pas 20 luges, il faut de la cohérence."
Elle a en outre constaté un réelle entente et une solidarité entre les stations.
Chaque station va nous proposer son projet, ses alternatives à la neige, et on les aidera, au cas par cas.
Denise Buhl, vice-présidente de la Région Grand Est en charge de la montagne
"Quand un versant n'a plus de neige, il contacte la station de l'autre côté, pour que les saisonniers puissent continuer de travailler malgré tout. Il y a une véritable entraide, et ça c'est positif."
"Les Vosges sont le massif le plus peuplé de France. Nous allons travailler pour tous, y compris pour que l'usage de l'eau soit réparti équitablement."
La station du Champ du feu culmine à 1.098 mètres, c'est l'un des domaines skiables les plus bas de Vosges et d'ailleurs le seul situé dans le Bas-Rhin.
Marie Morel est responsable des projets et du développement de Mont Champ du Feu (entreprise qui regroupe le domaine skiable (ski alpin) et l’hôtel-restaurant), elle était à la réunion de restitution de l'étude.
La neige attire toujours beaucoup
"Je retiens que la région Grand Est veut soutenir les stations de ski, parce qu'elles sont un vecteur de dynamisme économique pour les communes, et qu'il n'y a actuellement pas d'autre activité qui pourrait l'égaler. Entre l'été et l'hiver, pour nous, la fréquentation est du simple au double. C'est d'abord la neige qui attire les gens l'hiver", résume Marie Morel.
Les professionnels du massif des Vosges avaient bien sûr déjà vu les hivers raccourcir et l'enneigement se raréfier certaines années. Le rapport vient valider, par une analyse de météorologues, ces faits constatés en montagne.
L'étude a le mérite de dire que le ski, ce n'est pas fini.
Marie Morel, station du Champ du Feu
"Nous on pense que, oui, les saisons de ski vont être de plus en plus courte, c'est la tendance", explique-t-elle. "Mais on pense aussi que les gens qui aiment le ski vont s'organiser de mieux en mieux pour venir quand il y a de la neige. A nous de les accueillir et d'être prêts à ces moments-là."
"Nous on croit encore beaucoup à la neige et au ski. Nous avons une clientèle très locale, des gens qui viennent du Bas-Rhin pour apprendre à skier. Et après, les autres touristes viennent du Grand Est et de Belgique pour une semaine de découverte du ski."
"L'étude a aussi le mérite de dire que le ski, ce n'est pas fini. Il y a des objectifs à 30 ans et puis ça va dépendre de ce que vont faire les humains aussi. Donc c’est positif."
En 2022-23, la station du Champ du feu a ouvert trois jours avant Noël puis du 18 janvier au 5 mars. La neige a fond au 20 février, les derniers jours ont été possibles grâce à la neige de culture. En tout, un domaine skiable ouvert une quarantaine de jours. 15.000 forfaits y ont été vendu cet hiver.
Investissements alternatifs depuis 15 ans
Pour anticiper les hivers sans neige et rendre le domaine attractif toute l'année, le Champ du feu a réalisé des investissements depuis 15 ans.
Selon Marie Morel, il y a une un effort de communication sur la randonnée dans le massif. Un hôtel a ouvert en mai 2018, un espace spa et bien-être en février 2023.
Des cartes et une signalétique des chemins de randonnées, des voies pour les vélos ont été développés. "Les chemins existent depuis toujours, mais notre effort a été de mettre en avant le patrimoine naturel pour le rendre accessible aux moins initiés et les inciter à découvrir la montagne en toute saison."
Avec les offices de tourisme, le domaine a aussi essayer de valorisé la proximité du chemin de grande randonnée GR20 et une réflexion sur le balisage a été engagée, pour relier les pistes cyclables de la vallée à celles du Champ du Feu
Saisir les fenêtres météo
"Il n'y a pas que le ski. Avec la neige, il y a la luge, les raquettes, les randonnées. Il va falloir qu’on s’adapte dans nos pratiques : en gros, de début janvier à début mars, il va falloir réussir à faire profiter de la neige au plus grand nombre", détaille Marie Morel.
"Ce qui signifie peut-être d'étendre les horaires pendant ces trois mois-là, et peut-être aussi d'ouvrir toute la semaine pendant la période enneigée, et pas juste pendant les vacances scolaires."
Il va falloir saisir les fenêtres météo pour satisfaire le plus grand monde.
Marie Morel, station du Champ du Feu
"Les gens qui viennent en hiver, même s'il y a des alternatives, forcément ils sont déçus s'il n'y a pas de neige. Mais on fait le maximum pour garder le plus longtemps possible une piste de ski, pour l’école de ski jusqu’au bout. Et les touristes sont très compréhensifs et nous remercient de nos efforts."
Tubing, luge et patinoire
Au Champ du feu, des alternatives au ski existent déjà : le parcours tubing (sorte de grosse bouée dans un toboggan, ouvert toute l'année), et la patinoire. Ouverte de début décembre à début mars, quand la neige fond, la glace reste : "c'est plus facile à entretenir que les pistes de ski, on peut la protéger de la pluie ou du vent".
Et puis la technique pour préparer et entretenir le domaine skiable évolue chaque année : filets qui retiennent la neige, neige de culture, stockages stratégiques.
"On privilégie deux-trois pistes sur l'avant de la station, pour permettre aux skieurs débutants et aux écoles de ski de venir longtemps, ainsi qu'une piste ouverte pour la compétition."
Ce rapport n'a pas inquiété Marie Morel. "Au contraire, je me suis dit que nous avons eu raison d'anticiper ! Depuis 15 ans, nous faisons des aménagements, par rapport à des choses que nous voyions déjà. C'est sans doute plus dur pour les stations qui ont engagé des projets de développement ou d'extension."
L'étude globale sur tout le massif sera complétée par une étude plus fine, station par station, en prenant en compte chaque versant, l'exposition mais aussi la prise au vent et la capacité à produire de la neige de culture.
Une seconde réunion aura lieu fin mai, pour parler des projets des stations de ski, voir les besoins et les problèmes. Et les aides que pourront fournir la région Grand Est et le Massif des Vosges.