La Ville de Strasbourg prévoit de modifier ses règles de financement des lieux de culte. En prévision du vote du conseil municipal le 26 septembre prochain, elle a présenté les grandes lignes de cette réorganisation.
"Il fallait poser un cadre clair et transparent pour éviter toute instrumentalisation politique ou la stigmatisation de certaines communautés" pose en préalable Jeanne Barseghian lors de la présentation de la délibération-cadre qui sera soumise au vote du conseil municipal le lundi 26 septembre. Si la maire de Strasbourg (Bas-Rhin) s’en défend, l’ombre de la polémique liée à l’attribution par la ville en mars 2021 d’une subvention de 2,5 millions d’euros pour la mosquée turque Eyyub Sultan plane en filigrane de cette réorganisation. Par la voix du ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, l’Etat avait à l’époque dénoncé le soutien à un "islam politique" de Jeanne Barseghian et dénoncé "une ingérence étrangère" (revoir notre article).
Fruit d’un an de travail en partenariat avec les responsables des principaux cultes, la délibération-cadre prévoit dans le détail les nouvelles modalités de financement. Il ne pourra désormais plus dépasser 10% du montant total du projet, et ce dans une limite d'un million d’euros. Une nouvelle demande de financement pour un même lieu de culte ne pourra être déposée que dix ans après l’attribution de la précédente subvention. "Cette délibération ne créée pas un droit automatique à être financé, tient à préciser la maire, mais il précise les modalités d’octroi de subventions".
Le texte fixe aussi les conditions d’éligibilité des demandes de subventions. Les dossiers doivent notamment présenter un plan de financement équilibré et justifié, et les porteurs de projet doivent avoir signé le contrat d’engagement républicain instauré par la loi contre les séparatismes du 24 août 2021.
Ce plafond maximal de 10% du projet sera relevé pour les travaux s’intégrant dans un cadre d’entretien. Il sera ainsi relevé à 50% du coût total pour les interventions d’urgence (gros œuvre, couvertures, vitreries….), les travaux d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap et l’entretien des horloges extérieures.
Les travaux de mise en conformité (électrique, balisage des issues de secours, mesures d’hygiène ou de sécurité) pourront prétendre à 40% d’aide. Reste les remplacements de chauffage et les aménagements en vue d’économies d’énergie : ils seront soutenus à hauteur de 30%. Là encore, les sommes attribuées ne pourront pas dépasser une enveloppe d’un million d’euros sur une période de dix ans. Les interventions sur les cloches, les orgues et les abords des lieux de culte peuvent bénéficier d’un soutien s’élevant à 10% de la facture.
"Cette limitation du plafond doit aussi permettre de financer davantage de petits projets de proximité dans les différents quartiers de Strasbourg", avance la maire. Il sera désormais également officiellement possible de soutenir un projet même s’il est déjà engagé. Une règle en vigueur depuis 1999 à Strasbourg ne le permettait pas, règle qui avait toutefois été outrepassée par plusieurs municipalités depuis.
Renforcement de la saisine de l'Etat
Au-delà des montants accordés, ce sont aussi les modalités de contrôle qui ont été révisées. Avec désormais une saisine automatique de l’Etat. Elle est prévue par la loi du 24 août 2021 dans certaines situations, si le projet fait appel à une garantie publique d’emprunt ou s’il y a élaboration d’un bail emphytéotique.
"Nous voulons aller plus loin que la loi, prévient Jeanne Barseghian. Nous prévoyons une saisine de l’Etat pour tout ce qui relève de la sécurité, des investissements en provenance de l’étranger, si de gros montants sont demandés ou s’il s’agit de projets de grande ampleur. A lui de nous alerter aussi sur d’éventuels risques sectaires ou extrémistes".
Là encore, se lit en filigrane une référence à la polémique de la mosquée Eyyun Sultan. A l’époque, la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, avait dit avoir prévenu oralement Jeanne Barseghian, ce dont l’intéressée se défendait, rétorquant n’avoir reçu aucune alerte écrite sur les dérives potentielles de l’association Milli Gorüs, porteuse du projet. Désormais, en cas d’alerte sur l’un de ces points par l’Etat, le processus d’octroi des aides sera immédiatement stoppé.
Et Jeanne Barseghian de préciser qu’il ne faut pas voir dans ce texte qui pose de nouvelles règles une quelconque remise en cause du droit local. Le texte sera soumis au vote du conseil municipal le lundi 26 septembre.