Foire européenne de Strasbourg : malgré les allées vides, "il faut redémarrer la machine"

40 000 m² de foire, 300 exposants, des mesures sanitaires, mais peu de monde dans les allées de la 88e édition de la Foire européenne de Strasbourg en pleine crise sanitaire. Malgré cette ambiance particulière, beaucoup d'exposants sont soulagés de redémarrer leur activité, et retrouvent espoir.

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"Mais où sont les cafés Henri ? Et le stand du comptoir d'Eugène ?", "Il n'y a personne, ça fait bizarre"... entend-t-on dans les larges couloirs désertés de la Foire européenne de Strasbourg, qui s'est installée au parc des expositions du 4 au 14 septembre pour sa 88e édition avec toutes les mesures sanitaires requises.

Avec 300 au lieu des 500 exposants habituels, la foire se tient tant bien que mal malgré une situation sanitaire qui ne s'améliore pas en France et dans le département, passé en rouge sur la carte de la circulation du Covid-19. Une petite victoire pour les organisateurs et un début d'espoir pour les exposants.
 

"Notre victoire, c'est que la foire ait pu se tenir, ce qui montre qu'on peut, dans un contexte maîtrisé, organiser un grand rassemblement comme une foire européenne, explique Albane Pillaire, directrice générale de Strasbourg-Evénements. La foire européenne est la première, avec celle de Rouen, organisée depuis le début de la pandémie. Et ça a valeur d'exemple pour d'autres évènements, à Strasbourg et en France."

"C'est une foire test,
estime par ailleurs une exposante rencontrée dans le hall gastronomie, si celle-ci ne se passe pas bien, ce sont nos entreprises qui sont en jeu!"

Les affaires reprennent très doucement

Beaucoup, pourtant, déplorent une ambiance "triste" et se tournent les pouces. Le week-end d'ouverture a été décevant pour beaucoup. Ce mercredi 9 septembre, sixième jour du lancement de la foire, peu de visiteurs se croisent sur les 40.000m² de foire répartis en différents halls (gastronomie, maison, shopping, et l'espace agricole en plein air). "Le mercredi, c'est plutôt calme en général, ce sera une journée calme dans une foire calme", confie-t-on du côté des vins d'Alsace.

"Vous avez vu la largeur des allées ? Les gens ne se marchent pas dessus, c'est le moins qu'on puisse dire, estime Isabelle, qui tient un stand de fromage de Savoie. C'est aussi sûr qu'un supermarché, l'organisation a mis le paquet au niveau sanitaire."

Mais cette "ambiance" typique de foire ne manque pas à tout le monde. Ce couple d'Alsaciens venus de Soufflenheim se souvient : "C'est plus agréable, parce qu'il y a deux ans, on pouvait à peine circuler".

 

On aimerait toujours qu'il y ait plus de monde, et que ça vive comme avant. Mais il va falloir apprendre à vivre autrement.

Albane Pillaire, directrice de Strasbourg Evénements

 

Le retour de la foire remet en route tout un pan d’activités en berne depuis le début du confinement, en mars dernier. Mais sur le stand d'un traiteur normand, Gérard et Rodolphe n'ont pas le sourire à travers leur visière transparente, fixée au menton. "C'est une catastrophe", lance l'un, "c'est morne plaine", renchérit l'autre. 
 

Venue pour la première fois à la foire européenne à la place de celle de Clermont-Ferrand, annulée, l'entreprise basée dans le Calvados peut tout de même se remettre au travail, après six mois d'inactivité. "On a très peu de clients, mais il y a la foire de Marseille et celle de Montpellier qui se profilent aussi". À ces mots, une jeune femme se présente à eux avec une belle opportunité ; un stand au marché de Noël de la Défense, à Paris, en décembre.
 

Des exposants qui manquent à l'appel

"On aimerait toujours qu'il y ait plus de monde, et que ça vive comme avant, concède Albane Pillaire. Mais il va falloir apprendre à vivre autrement. Il faut d'abord redonner confiance au visiteur et lui montrer qu'on peut aller à la foire en toute sécurité." L'organisateur explique avoir "investi" dans l'évènement afin de "relancer la machine". 
 

Si on ne l'avait pas fait, est-ce que ça voulait dire q'on ne travaillait plus pendant des mois jusqu'à ce qu'un vaccin soit trouvé?

Albane Pillaire

Malgré tout, beaucoup d'exposants historiques sont absents, comme les corporations de boulangers, de pâtissiers, ou de bouchers. Et certains gros restaurateurs également.

"Si les plus anciens ne viennent pas, qu'est ce qu'on envoie comme message ?" se demande Myriam, qui travaille au stand d'un artisan chocolatier basé à Saverne. "Il faut pousser un peu pour que ça reprenne, on en a besoin, moi je pense à mon entreprise mais aussi à mon emploi". Les mesures sanitaires ne perturbent pas tellement les dégustations de sa pâte à tartiner sans huile de palme, "made in Alsace", selon la vendeuse. "On désinfecte tout régulièrement, on ne touche pas le client."

Des clients fidèles, moins de badauds

Les exposants qui n'ont pas manqué le rendez-vous annuel ont pu bénéficier du soutien de leurs clients fidèles. Anne-Cécile Cheurlin et son beau-père, producteurs de champagne, sont présent chaque année depuis 33 ans. Devant eux, un couple de clients qui revient indéfectiblement depuis 2001 déguste leur habituelle coupe de champagne rosé.
 

Si on n'avait pas nos clients réguliers en Alsace, on ne serait pas venus. On se devait de faire cette foire, sinon qu'auraient pensé nos clients ? 

Anne-Cécile Cheurlin, productrice de champagne

Cette clientèle d'habitués leur permettra de rentrer dans leurs frais, d'environ 8000 euros, stand et hébergement compris. "Les premiers retours que l'on a cette année, c'est que le visiteur qui vient est un acheteur, ajoute l'organisatrice de la foire. Il y a moins de badauds." 
 

Venu de Loire-Atlantique pour vendre des fromages, Jean-Luc Coutadeur retrouve lui aussi ses clients réguliers. Il se veut optimiste : "Là, c'est une braderie, pas une foire européenne... Mais on a pas le choix, il fallait reprendre, sinon on ne vit plus." Ce commerçant pense pouvoir rembourser ses frais, sans savoir si sa femme et lui pourront se payer.

"80% des ventes se font selon l'emplacement", ajoute-t-il. Cette année, le fléchage indiqué au sol afin que les visiteurs circulent dans le même sens trace, selon lui, un itinénaire qui défavorise son stand. "Après l'annulation de la foire de Compiègne, j'espère que celle d'Amiens va se maintenir, sinon ça va être difficile".

Petit nouveau à la foire de Strasbourg, la toute jeune entreprise Knack Eat, qui vend des knacks alsaciennes à emporter, confirme : "On devrait réaliser 60% du chiffre d'affaires prévu", selon son gérant Philippe Freppel. 

Les artisans locaux et les spas ont du succès

Il faut se rendre tout au bout du Hall 3 pour trouver un stand qui, malgré tout, s'en sort bien et même mieux que prévu. Caroline Boeglin et Gabriel Meich gèrent le concept store d'artisans locaux Cocoon, qui regroupe les stands de 20 créateurs. Tout de suite, les mines sont plus enjouées : "On est très contents, on a moins de place que l'année dernière, et pourtant on devrait faire mieux. Dimanche et mardi, pour la journée de la femme, on a eu autant de monde que l'année dernière" 
 

Si le concept store est invité par les organisateurs de la foire, s'engager à venir restait un pari, pour eux aussi. "Préparer ce stand, c'est un mois de travail, on aurait pu se mettre en difficulté aussi. En venant, j'engage également tous ces créateurs à qui j'ai demandé de produire en amont", explique Caroline Boeglin.

L'autre secteur qui se porte bien et pourrait battre les records est celui des spas et piscines. Grégory Weinbrecht pourrait même battre son chiffre de 2019, grâce à l'engouement nouveau pour les spas à la sortie du confinement. 
 
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