Grâce à l'intelligence artificielle, cette entreprise permet de discuter avec des personnages historiques

Depuis mai 2022, Jumbo Mana se donne pour mission de créer des personnages historiques grâce à l'intelligence artificielle. Cette start-up, basée à Strasbourg, a déjà reçu les commandes de plusieurs musées, comme le musée d'Orsay.

Et si échanger avec des personnalités du passé ne relevait plus de la science-fiction. Nul besoin d'une Delorean, l'intelligence artificielle se charge de (presque) tout. À Strasbourg, l'entreprise Jumbo Mana a mis en place un jumeau numérique de Vincent van Gogh, le premier d'une collection de personnages historiques.

Le peintre est virtuellement présent au château d'Auvers-sur-Oise mais également au musée d'Orsay. L'enceinte parisienne a spécialement requis les services de la start-up pour son exposition dédiée à l'artiste néerlandais. Sur place, le public est invité à échanger avec lui. Ce dernier est capable de répondre à un important panel de questions sur sa vie, ses œuvres mais aussi ses contemporains. 

Du 9 au 12 janvier, Jumbo Mana se rendra à Las Vegas, pour exposer sa création au Consumer Electronics Show (CES). Dans ce salon consacré à l'innovation technologique, l'entreprise espère gagner en popularité avec un concept encore peu répandu.

Huit mois pour recréer van Gogh

C'est la petite fierté de la maison. Créée en mai 2022, Jumbo Mana a récemment publié sa première version de Vincent van Gogh, sous intelligence artificielle. Pour ce faire, les équipes ont dans un premier temps dû collecter un maximum d'informations sur la vie de l'artiste. Cette tâche se révèle délicate, notamment pour les graphistes. "Le problème avec van Gogh, c'est qu'il a laissé très peu de traces physiques de lui", confie Quentin, le character artist.

Le designeur 3D de Jumbo Mana doit alors se contenter des autoportraits de l'artiste ainsi que des récits de son docteur, Paul Gachet. Mais là encore, un os se présente. "L'image que les gens se font de van Gogh diffère de sa réelle apparence, raconte Quentin. On a alors dû trouver un compromis entre l'imaginaire collectif et la réalité."

Côté intelligence artificielle, le travail est tout aussi besogneux. De l'autre côté de la pièce, Théo se charge de "rendre van Gogh humain". Il lui intègre une grosse quantité d'informations pour qu'il puisse, in fine, répondre aux questions des visiteurs des musées. "La source première, ça reste les livres et les articles", raconte le chercheur en IA.

Une fois cette étape réalisée, lui et ses collègues procèdent à un travail de filtrage de l'information. En d'autres termes, Vincent van Gogh reçoit des consignes de ce qu'il faut dire et ne pas dire selon son utilisation. "On lui fixe une ligne éditoriale. Ce n'est pas la même chose de concevoir un avatar pour de la médiation culturelle et pour un jeu vidéo." Au total, les 12 salariés de l'entreprise auront passé huit mois sur ce projet.

D'autres projets en cours et à venir

Signe d'un marché en plein essor, l'entreprise strasbourgeoise croule sous les demandes. Après Vincent van Gogh, elle a été missionnée par des musées pour concevoir un avatar de Albert Schweitzer, célèbre médecin alsacien mais aussi Arthur Rimbaud. "Un grand groupe français a également sollicité nos services pour créer des bornes d’accueil intelligentes", glisse le dirigeant, Michaël Friess. Vincent van Gogh a quant à lui été sollicité par Amazon. Le géant américain a souhaité utiliser la création strasbourgeoise pour les 10 ans de son IA conversationnelle Alexa.

Mais la médiation culturelle n'est pas le seul champ d'action de la start-up. Elle travaille actuellement sur la conception de personnages intelligents pour un jeu vidéo. "Dans un jeu, les personnages répètent un texte qu'on leur a dicté. Là, leur réponse s'adaptera à la question du joueur." Les entreprises de formations, coutumières des simulations virtuelles, représentent également une demande importante pour Jumbo Mana.

Direction Las Vegas le 9 janvier

"On a développé nos premiers avatars. Notre objectif est de démocratiser ce type de technologie", explique Michaël Friess. La prochaine étape pour Jumbo Mana n'est autre que le Consumer Electronics Show de Las Vegas. Ce salon est considéré comme le plus influent de la planète dans le domaine de l'innovation technologique en électronique. Sur place, l'équipe strasbourgeoise compte bien faire parler d'elle. "On souhaite montrer notre savoir-faire dans le domaine de l’IA avec van Gogh dans un premier temps. On veut ensuite identifier nos prochains partenaires et investisseurs."

À ses débuts, l'entreprise avait bénéficié d'une levée de fonds à hauteur d'un million d'euros. Cette fois-ci, elle vise l'étape supérieure : une levée de dix millions d'euros, censée développer les futurs projets. "Notre activité requiert beaucoup de recherches. Il faut donc des financements importants pour avoir des personnes et du matériel adéquats", raconte le directeur.