Zhanna et Vira sont arrivées avec leurs enfants à Strasbourg, vendredi 8 avril. Après s'être cachées dans leurs caves pendant plusieurs semaines, les deux familles ont réussi à fuir. Hébergées provisoirement dans un centre de la capitale alsacienne, elles nous racontent leur quotidien à Marioupol.
Zhanna et Vira sont arrivées à Strasbourg avec leurs fils Ivan et Amadei (deux ans), vendredi 8 avril. La fin d'un périple de plusieurs semaines pour fuir leur pays en guerre et leur ville portuaire de Marioupol, dans l'ouest de l'Ukraine, entièrement détruite.
"Nous sommes partis le 20 mars" raconte Zhanna. "Il y avait un moment de silence et j'ai dit à mon fils (Ivan) : ouvre la porte, je sors la voiture". Cette mère et son fils ont pris la route difficilement praticable et semée d'embûches, la peur au ventre à chaque croisement. Ils ont réussi à s'échapper par l'un des couloirs humanitaires qui n'avait pas été bombardé. "Les poteaux électriques étaient au sol, il fallait sortir de la voiture pour les soulever et passer". De point de contrôle en point de contrôle, ils ont roulé jusqu'à Lviv, à l'est de l'Ukraine, pour enfin y prendre un bus et quitter leur pays.
De son côté Vira, la nièce de Zhanna, et son fils Amadei ont fait de même. Après un périple de trois semaines, tous sont arrivés à Strasbourg grâce à l'association de soutien au peuple ukrainien PromoUkrainia. "Mon mari va nous rejoindre. Civil engagé, il était bloqué sur un bateau au large de Marioupol" explique Vira en congé parental.
Avant la fuite, ces deux familles ont connu l'horreur et la peur. Si le quartier, éloigné du centre-ville, dans lequel vivait Vira a d'abord été épargné, Zhanna et son fils, eux, ont dû se cacher dès le 24 février et le début des combats. Il se sont réfugiés dans la cave. "Les chars tiraient sur tout le monde, pourtant nous ne vivions à côté d'aucune infrastructure militaire" explique t-elle pour nous faire comprendre que les civils étaient visés. "Ma maison, celle que nous avons construite avec mon mari, est complétement détruite" poursuit-elle en larme avant de nous raconter le décès du parrain de son fils, mort suite aux blessures dans la poitrine causées par les tirs.
Boire l'eau des radiateurs pour survivre
"Nous n'avions plus d'électricité, de gaz, plus d'eau, nous n'avions plus rien. Les gens vidaient les radiateurs pour en boire l'eau" racontent les deux mamans qui habitaient environ à 3 kilomètres l'une de l'autre.
En venant en Alsace, elles ont tout abandonné et quitté certains membres de la famille qui sont encore sur place. Les deux mamans tentent de garder le contact comme elles peuvent.
Le petit se couche par terre quand il entend un avion dans le ciel de Strasbourg
Vira, maman d'Amadei
Hébergées provisoirement dans un centre à Strasbourg, les deux familles vont quitter la ville pour trouver refuge à quelques kilomètres de là. Difficile de se projeter. Difficile, voire impossible d'expliquer la situation à Amadei qui se trouve parachuté loin de chez lui. "Depuis que nous sommes à Strasbourg, il se couche par terre dès qu'il entend un avion passer au-dessus de sa tête"
Quant à la question : allez-vous rentrer en Ukraine un jour ? Les réponses sont diverses et très personnelles. Vira, elle, s'y refuse. "Je ne veux pas mettre mon enfant en danger. Il y a des mines partout. Il va falloir des dizaines d'années pour tout reconstruire". Zhanna nous dit au contraire : "on en rêve jour et nuit de pouvoir rentrer mais ce n'est plus mon Ukraine. Pourtant j'aimerais tout de même rentrer chez moi. Je suis reconnaissante pour tout ce que fait la France, mais je veux rentrer".
Pour le moment Zhanna et Vira espèrent pouvoir rester ensemble. Elles quitteront Strasbourg avec leurs enfants ce vendredi 15 avril pour un hébergement proche de Strasbourg.