Alors que se tenait à Strasbourg, en ce début avril, le Japan week-end, nous avons cherché à savoir pourquoi la culture japonaise fascine de plus en plus. Rencontre avec des fans de ce pays aux multiples facettes.
Sur la presqu'île Malraux, non loin de la médiathèque et du plus grand cinéma de Strasbourg, retentissent des cris ce dimanche 2 avril. Des guerriers vêtus de noir et protégés d'un casque brandissent leurs sabres de bois. Des combats d'escrime japonaise, le kendo, succèdent sur une scène montée pour l'occasion à une démonstration de tir à l'arc, lui aussi à la mode japonaise, le kyuodo.
Les applaudissements sont curieux et amusés. Une petite foule s'est rassemblée pour admirer le spectacle. De simples passants en promenade en ce dimanche après-midi de début de printemps, et surtout de vrais passionnés. "Ici, nous sommes en famille, comme à la maison, s'exclame Val, la vingtaine joyeuse. On peut se montrer tels que nous sommes, se sentir totalement à l'aise, entre nous. On n'est pas jugé..." Avec son amie Akano, mèches bleues dans les cheveux, il ne rate aucune convention, aucun événement lié à la culture japonaise.
C'est "l'effet communauté", dont nous parle volontiers Fabrice Dunis. Lui a monté une librairie spécialisée dans la culture japonaise, Le Camphrier, il y a 20 ans et a pu observer l'attrait croissant du grand public pour le pays du soleil levant. "Il y a eu le rêve américain, il y a maintenant le rêve japonais. J'ai connu l'époque où les mangas étaient considérés comme de la sous BD, où on jugeait que les Asiatiques ne savaient pas dessiner, ceux qui étaient fans de leurs jeux vidéos ou de dessins animés venus de là-bas étaient des gens bizarres... Tout ça est bien fini."
Pour preuve, il vient de déménager sa boutique sur la place Kléber, s'offrant 300 m² pignon sur rue, pour pouvoir suivre le rythme effréné de publication des mangas et la demande croissante des clients. "En 2019, avant le Covid, il y avait environ 150 nouveautés par an qui sortait au rayon littérature. Aujourd'hui, c'est 300 ! Et la clientèle a suivi le même rythme exponentiel..."
Attrait pour les arts traditionnels... et la geek culture
Camille, 12 ans, l'écoute parler de sa passion et n'hésite pas à partager son propre enthousiasme. "Moi, j'ai lu mon premier manga en CM2, et je n'arrête plus ! J'aime le format de ces livres, j'aime me plonger dans des nouvelles séries, elles sont longues, passionnantes... Les histoires ne sont ni trop courtes, ni trop longues, c'est juste parfait !"
Au milieu de la vingtaine de stands installés pour ce Japan Weekend, organisé pour la deuxième année par les courses de Strasbourg autour de l'ekiden, un marathon couru en équipe - épreuve de tradition japonaise évidemment -, la jeune adolescente est au paradis. Elle aussi se dit ravie d'être entourée de fans comme elle et nous glisse : "au moins, ici, personne ne me dit, comme ma mère : arrête de ne lire que des mangas !"
Le stand voisin nous mène à la rencontre des membres de l'association Kakemono. Ils animent un atelier d'origami - technique de pliage de papiers colorés - et de peinture sur galet. "Vous entendez, pas un bruit ici, les enfants sont calmes, concentrés, zen, quoi ! Et ils peuvent partager ces moments avec leurs parents..." Alexandre Bernard est l'animateur de cette association créée il y a 20 ans, et qui compte 75 membres. "Les valeurs de ce pays, le respect, les traditions, son côté poétique aussi, attirent les Européens. Il y a un peu un mythe, de l'ordre du fantasme..."
Et un terrain sur lequel se retrouvent désormais plusieurs générations : les jeux vidéos. "Moi, j'approche de la quarantaine, je suis la génération Nintendo, Game Boy. Les jeunes aujourd'hui sont nés là-dedans, on peut jouer ensemble."
Rencontre entre générations Club Dorothée et One Piece
Fabrice Dunis renchérit : "il y a eu un truc avec le Covid, c'est que les gens se sont retrouvés chez eux, en famille, et il fallait bien s'occuper. Il y a eu tout un tas de séries TV qui sont arrivées d'Asie. Et nous, les parents, on s'est souvenu : mais oui, moi aussi, je regardais Dragon Ball, Goldorak... La génération club Dorothée et celle d'aujourd'hui, fan par exemple du manga One Piece, se sont bien trouvées sur cette passion commune."
Attrait pour les arts traditionnels, les jeux vidéos et la geek culture, les mangas ou le cosplay - la transformation, grâce aux déguisements et maquillage, en des personnages phares de la pop culture japonaise - : à chacun son entrée dans un univers qui rassemble donc un public large et varié. Et qui déjà se donne rendez-vous au grand moment de l'année, les 3 et 4 juin prochain : la convention Japan Addict qui, en onze éditions, a tant grandi qu'elle s'offre désormais le Zénith de Strasbourg.