Jusqu'au mardi 6 juillet, une cagnotte participative est lancée pour financer et créer un jeu de société peu commun : érotique et inclusif. L'idée vient du love store Les (Dé)boutonné.e.s, établissement tenu par une mère et sa fille à Strasbourg (Bas-Rhin), loin des clichés habituels.
"La cul-riosité n'est pas un vilain défaut." Avec un tel slogan, le jeu de société Smack annonce la couleur... Il faut dire qu'il est bien éloigné du Cluedo et Monopoly : il s'agit d'un jeu présenté comme "érotique et inclusif".
Il est vrai que ruiner votre âme soeur après son arrêt dans votre hôtel de la rue de la Paix, ça ne risque pas de mettre du piment dans votre couple. Et que vous risquez une baffe plutôt que des galipettes. Heureusement pour vous que Smack est là... Enfin, il n'existera et sera là que s'il est financé.
Une cagnotte participative sur Ulule est ouverte jusqu'au mardi 6 juillet 2021. L'origine du concept de ce jeu : Les (Dé)boutonné.e.s. qui se trouvent à Strasbourg (Bas-Rhin). Tenu par une mère et sa fille (Caroline Nerry et Adèle Roy), ce love store (plutôt qu'un sex-shop) se veut "moins glauque et porno". Ouvert sur une rue passante, il promet "bienveillance et inclusivité". Ce n'est pas qu'un slogan : France 3 Alsace avait testé ce love store.
Smack, c'est une boîte violette et jaune qui est pleine de surprises. On y trouve 165 cartes pleines de défis répartis dans trois catégories, des plus mignons aux plus... osés, dirons-nous. Adèle Roy, dont le love store est à l'origine du projet avec l'agence de Ben&Jo, donne les détails... "Le premier niveau reste assez gentil... mais il ne faut pas jouer avec ses beaux-parents, hein ?"
"En fait, on s'est rendu compte que certains jeux, avec une carte tirée au hasard ou un jet de dé, te font commencer avec une action vraiment hard alors que tu n'es pas encore tout à fait dans la partie... Ça permet aux gens de pouvoir commencer en douceur." En clair, vous choisissez comment vous jouez, construisez votre partie comme vous l'entendez. Qu'elle soit timide, lubrique, ou progressive...
Un jeu qui se joue à deux... ou plus
"Ce n'est pas fait pour être joué seul. On a tout prévu pour que ça se joue à deux, mais c'est tout à fait possible d'être plus." Après tout, comme on dit, plus on est de fous et plus on rit...
À noter : c'est pour jouer dans votre salon ou dans votre chambre. Mieux vaut éviter au milieu du jardin public. Après, vous faites ce que vous voulez, mais si la police vient vous voir en milieu de partie, ce ne sera (sans doute) pas pour rajouter un joueur à la partie...
À noter aussi : la boîte ne contient pas que 165 cartes... "On a trois accessoires, histoire de ne pas se retrouver avec un défi qui nous oblige à courir partout pour trouver des menottes ou je ne sais quoi. Un dé, tout simple, pour laisser la place au hasard. Un ruban, pour s'attacher les mains ou se bander les yeux. Et un petit vibromasseur..." C'est ce qui s'appelle être bien équipé.
De quoi avoir un défi particulièrement sensuel : c'est l'un de ceux qui vient spontanément à l'esprit de la conceptrice. "Tu dois mettre un casque ou des écouteurs sur les oreilles de l'autre, tu lui bandes les yeux... Et après, tu peux lui faire ce que tu veux pendant une minute. Mais comme tu lui coupes une partie de ses sens, les autres sont renforcés..."
Il y a tellement de défis que ça va forcément plaire.
Les défis peuvent convenir à tout le monde. "Il y en a tellement que ça va forcément plaire, c'est impossible qu'aucun ne soit jugé accessible. Et le jeu est de toute façon basé sur la notion de consentement. Si on tombe sur quelque chose qui nous gêne, on passe." Elle apprécie particulièrement les "cartes fantasmagory : un début de fantasme y est écrit, et il faut imaginer la suite. C'est assez rigolo et ouvert, tu peux voir ce que la personne en face veut te raconter".
Un jeu d'intérêt général
Et pourquoi avoir inventé un tel jeu ? Tout simplement car il y avait de la demande, mais pas d'offre. "On avait du mal à trouver des jeux de société pour tout le monde à vendre en boutique. En général, c'est des jeux faits juste pour les personnes hétéros."
"Donc notre Smack, c'est pour tout le monde. Peu importe son identité de genre ou sa sexualité. On l'a vraiment créé parce qu'il y avait un besoin client, on ne l'a pas sorti de notre chapeau. Comme on n'arrivait pas à trouver quelque d'à la fois visuel et qualitatif... Voilà."
Son utilité également, c'est de "pimenter son quotidien [comme dans la vidéo Instagram ci-dessous; ndlr]. Ça ouvre le champ des possibles, donne plein de petites idées à faire." Une sexologue lui a confirmé que "ce qui est hyper important dans la sexualité, c'est la surprise. Rompre la routine. Et là, c'est conçu exprès pour ça." Et en plus, ce jeu, il est "visuellement beau, et moderne. Ce n'est pas un jeu kitsch comme d'autres jeux érotiques."
C'est aussi une bonne idée de cadeau, et ce même si on ne connait pas l'identité de genre ou l'orientation sexuelle de la personne, vu que le jeu "est pour tout le monde. Et ça reste assez soft. C'est compliqué d'offrir parfois un vibro ou quelque chose comme ça à quelqu'un. On a l'impression de rentrer super fort dans son intimité. Alors que là, c'est quand même un jeu de société. On reste sur quelque chose d'assez chaste... sur la forme, tout du moins."
Un jeu qui se veut accessible et local (en partie)
Difficile de proposer un produit entièrement local (il y en a beaucoup en boutique, comme de la lingerie de Mundolsheim) si l'on veut le rendre accessible. Le prix serait alors bien plus élevé, et prohibitif. "On aurait bien aimé faire du made in France, mais c'est compliqué pour le moment : on n'a pas encore choisi le prestataire final." Coût envisagé : entre 34 et 39 euros.
"On aime bien le made in France, mais il ne faut pas que ce soit au détriment du prix du jeu. Faire un jeu accessible qui coûte 50 euros, ce n'est plus très inclusif... Mais toute la création et l'équipe est française, une partie des accessoires, comme le ruban, va être fabriquée en France également. Tout ce qu'on peut faire en France et Europe, on le fera au maximum."
Il ne reste que quatre jours avant la fin de cette campagne de financement. Elle en est à 74% de son objectif : 185 jeux ont été pré-commandés sur un total de 250. "Les personnes qui reportent à plus tard, ou se disent qu'elles vont l'acheter après sa sortie... doivent le faire maintenant."
Faute de financement à 100%, le jeu ne sortira "jamais" (et tout l'argent devra être restitué par Adèle Roy, les gens qui ont pré-commandé seront évidemment remboursés). C'est là le double tranchant des cagnottes en ligne. Mais passer par un éditeur classique de jeux de société aurait été impossible : "C'est compliqué au vu du sujet." Certains tabous demeurent... et c'est pour ça que Les (Dé)boutonné.e.s veulent justement les faire tomber.