Strasbourg - J'ai testé Les (Dé)boutonné.e.s, love store/sex shop accueillant, pour la Saint-Valentin

À l'approche de la Saint-Valentin, dimanche 14 février, vous pourriez vous laisser tenter par un cadeau coquin. Le love store Les (Dé)boutonné.e.s est l'endroit idéal : la mère et la fille à la tête de cette boutique strasbourgeoise sont bienveillantes. Le cadre est cosy, éthique, et inclusif.

La Saint-Valentin, c'est l'occasion idéale pour offrir à sa moitié un cadeau coquin (on ne parle pas de chocolats cochons cette fois). Même si, comme moi, on n'a pas de Valentine ni de Valentin. Non non, c'est la grande solitude dans mon appartement, pas même un chaton ou un canari pour avoir un semblant de vie chez moi : j'avais bien une jonquille, mais elle est morte.

Voilà une bien sinistre entrée en matière, mais en fait, ce n'est pas grave. Même tout seul, j'ai découvert qu'il y avait à Strasbourg (Bas-Rhin) un lieu prêt à m'accueillir et me conseiller. Son nom : Les (Dé)boutonné.e.s (le point médian inclusif est important). Il s'agit d'un love store, autrement dit un sex shop, mais "moins glauque ou porno" pour faire simple. Ses grandes vitrines s'ouvrent sur le numéro 5 de la rue du Marché (voir carte ci-dessous).
 


Dans l'inconscient collectif (dont le mien), un sex shop, c'est une ruelle sombre, une devanture aux vitres teintées, avec des néons rouges qui clignotent d'une manière un peu glauque. Ici, rien de tout ça. Les (Dé)boutonné.e.s, c'est une petite boutique chaleureuse et accueillante qui prône la transparence. Elle se trouve entre les deux magasins de chaussures de la rue très passante qui relie les Halles à Homme de Fer.

Déjà, quand j'arrive, le ton est donné. L'accueil se fait sur tapis rouge, près d'un petit panneau invitant à entrer et d'un autocollant "curiosités érotiques depuis 2020" : c'est bien formulé. La boutique est colorée, le personnel aux petits oignons, et il y a même de confortables sièges. Bref, c'est loin d'être anxiogène. Je pourrais presque penser avoir pénétré dans la mauvaise boutique, avant de remarquer la lingerie fine et les godemichets sur les étagères.
 


L'ouverture du lieu, c'était le 15 septembre 2020 : Pokaa en avait poussé les portes le premier. Ce projet a pris deux ans : il est porté par une mère (Caroline Nerry, 49 ans "mais qui en paraît 33") et sa fille (Adèle Roy, 24 ans). Elles m'invitent à prendre place sur l'un des sièges, et on m'aurait même proposé un café ou thé (mais covid oblige...). Mère et fille m'expliquent, en parfait binôme, leur philosophie. "Maman est commerçante, elle avait déjà trois boutiques de cigarettes électroniques. Il y avait une plus-value : le conseil client, qui apportait quelque chose aux gens."

La mère précise. "La cigarette électronique, c'est facile d'en avoir sur Internet. Mais la plus-value en boutique, c'est le conseil. Je me suis dit que pour les sextoys, c'était très certainement pareil." Et oui. L'idée est venue d'Adèle, alors qu'elle avait fait des études de communication. "J'étais en freelance, j'avais déjà eu une première expérience en entreprenariat. On buvait une bière, j'ai lancé une blague : 'tu sais que ça manque à Strasbourg, un sex shop ?' Et c'est devenu un pourquoi pas, puis une étude de marché, une recherche de locaux... Tous les feux sont passés au vert, la comptable était motivée."
 


C'était nécessaire, pour Caroline, qui était très enthousiaste. "On y croyait. Il n'y a plus beaucoup de sex shops à Strasbourg, et j'avais déjà vu des love stores dans d'autres villes. Je me disais que c'était ça qu'il fallait faire. Des gens ont envie de pimenter leur sexualité, ou ont besoin de changer. Ils sont obligés d'aller sur Internet ou dans un endroit glauque. Je pensais bien que ça pouvait marcher."

La devanture indique love store, mais l'appelation sex shop ne gêne pas forcément Adèle : il y a juste de petites différences, ténues. "Les love stores sont traditionnellement plus soft et plus ouverts. Ici il n'y a pas de gros rideaux pour cacher..." Caroline ajoute qu'il s'agit plus d'érotisme que de pornographie : on ne vend pas ici de poupées gonflables, ou de vidéos X très discutables. "Rien qui brusque", en somme. "Pour nous, ça voulait dire une boutique ouverte sur la rue, où l'on puisse justement regarder et être rassuré." 
 


Car la clientèle qui entre ici n'est pas forcément habituée (moi par exemple) : ce serait dommage de l'inquiéter. "Il y a de tout, à partir de 18 ans." Adèle a même un souvenir évocateur. "Le monsieur qui nous a donné son âge le plus vieux, c'est 87 ans. Après, on a plus de jeunes que ce à quoi on s'attendait : je pense que c'est parce que la communication passe pas mal par Instagram." Sans oublier Facebook.

"On a des couples, des gens seuls, ceux qui découvrent la sexualité comme ceux qui en ont une depuis 40 ans et qui veulent tester d'autres choses." En somme, des personnes de tous les milieux et de tous les âges, des filles, des garçons, et des gens qui ne se reconnaissaient pas forcément dans cette binarité... "C'est incroyablement varié, et ça fait la richesse du lieu. La sexualité n'est pas réservée qu'à une catégorie de personnes."
 

La sexualité n'est pas réservée qu'à une catégorie de personnes.

Adèle Roy, gérante des (Dé)boutonné.e.s


Fine observatrice du monde des affaires, Caroline relève une présence un peu plus féminine... qui s'explique. "Les nanas font plus de shopping. Or, on est dans une artère commerçante. Donc elles vont chez H&M, elles achètent des chaussures... Et elles passent là, voient ça, et osent rentrer. Les mecs font un peu moins de shopping, mais on en a beaucoup aussi, seuls ou accompagnés." La boutique, ouverte par deux femmes, invite aussi peut-être plus la gent féminine à venir. "C'est la sororité", fait remarquer Adèle, qui note aussi qu'on peut "flasher sur un sextoy comme sur des fringues".
 


Adèle va me faire faire le tour de la boutique. Elle posera des questions, me demandera si je sais ce que je veux, si c'est pour m'amuser en solo, ou avec une personne... ou plus, pourquoi pas. Je vois un stimulateur clitoridien à air pulsé (pas pour moi donc) mais aussi un masseur prostatique : ah, bon... Si test il y a, ça risque d'être plus exotique que les randonnées en barques à fond plat de Rhinau...

Voilà le moment d'être "sensibilisé à l'anal et déconstruit". Oui oui, ça peut concerner les personnes dotées d'un pénis, même hétérosexuelles. Figurez-vous que l'anus dont nous disposons... a plus d'une utilité, dirons-nous simplement. Et ça ne fait pas mal si l'on se détend et utilise du lubrifiant. Grâce à la magie de la prostate, vous pourriez découvrir des sensations incroyables... m'a-t-on dit : on en apprend, des choses, ici. Il suffit juste de surmonter un tabou, et c'est l'un des buts de cette boutique.
 

Quand j'apprends que j'ai des zones érogènes dans les fesses...


Une cliente entre et réclame justement un "pingouin". Si vous faites partie de la team vagins, vous aurez droit à divers godemichets ou vibromasseurs spécialement conçus, des oeufs et canards capables de vous propulser au nirvana... Adèle est rassurante. "Si vous êtes très timide, on commencera par les huiles de massage, les lubrifiants, les livres... Ce qui permet de glisser doucement vers les sextoys sans y aller frontalement." Côté bouquins, on recommandera Jouissance club : cartographie du plaisir, promu par la sexologue Maïa Mazaurette dans ses chroniques sur Quotidien ou Le Monde.

L'entourage des deux femmes n'était pas sûr que la boutique allait trouver son succès. En témoigne le temps qu'il a fallu pour trouver les locaux : tous les bailleurs refusaient. "Il y a trois jours, on faisait la queue devant. Donc le tabou, il n'est pas tellement présent. On s'en faisait peut-être plus tout un monde, nous, que les clients." Un tabou brisé par l'inclusivité, l'éthique, et la bienveillance dont font preuve Caroline et Adèle.
 

Magasin inclusif

"On voulait accueillir tous les gens, dont ceux qui ne connaissent pas. Les sextoys peuvent être très genrés : on essaye aussi de faire dans l'entre-deux. Pour les transgenres, on a même rentré des binders [voir image Instagram ci-dessous; ndlr]. On veut faire attention à tout le monde."
 


Boutique éthique

"On a des fournisseurs locaux. Lingerie de Mundolsheim fait-main, bougies érotiques de Strasbourg. On a aussi l'Allemagne à côté. On ne cache pas qu'on a des produits de Chine, mais on diversifie. Même nos premiers prix sont qualitatifs, sans choses mauvaises pour la santé dedans."
 

Équipe bienveillante

"On veut être là pour rassurer et éduquer, proposer un endroit ouvert où l'on n'a pas peur d'être qui on est. À la base, on voulait même proposer des conférences : les meubles sont sur roulettes pour laisser de l'espace [et laisser passer les fauteuils roulants, ça a été testé; ndlr]."
 


Autrefois, les locaux étaient occupés par la marque Lancaster. Adèle s'en amuse. "On a encore parfois des gens un peu confus, qui rentrent en demandant où sont les valises. C'est rigolo : la boutique est ouverte, et les gens ne pensent pas du tout que c'est ce genre de commerce. Ils pensent que c'est une librairie, une parfumerie. Ça surprend, et c'est marrant. On est habitué à voir des pubs avec la sexualité omniprésente, mais on n'imagine pas que ce genre de boutique en centre-ville, c'est faisable." Trop soft ? Il y a pourtant écrit love et érotique un peu partout, constate la gérante...
 


La Saint-Valentin approchant, les anneaux à pénis ou vibromasseurs connectés partent comme des petits pains : Adèle peut confirmer. "Ça fonctionne très bien... Ils se contrôlent au moyen d'une application téléphonique, avec votre partenaire à distance. Paris-Marseille : y a pas de souci." Chambre-salon non plus, bien sûr. "Avec le confinement, plein de couples se sont retrouvés super loins. Donc ça plaît bien." 

Les double godes-ceintures fonctionnent bien aussi, pour donner du plaisir tout en recevant en même temps, et un certain "beignet" s'avère être "multi-tâches". Il y a aussi des coffrets mystères personnalisés (tout le long de l'année). Huiles de massage ("pour mettre dans l'ambiance", conseille Caroline) et jeux de société peuvent aussi apporter un peu de piment, du classique Action ou vérité au Jeu des foufounes, un jeu de mémoire qui permet de rappeler que contrairement aux habitudes montrées par le porno, il n'y a pas qu'un type de vulve.
 

Le téléphone de votre moitié peut maintenant vous envoyer au septième ciel.


En bref, la boutique et ses vendeuses sont idéales pour une première expérience, une idée cadeau (pour l'autre ou pour soi), ou des conseils. Caroline le confirme. "Tant qu'on peut, on donne des conseils. Mais on connaît bien sûr nos limites : on ne se pose ni en juge, ni en médecin. Du vaginisme [forte contraction vaginale empêchant toute introduction externe; ndlr], des choses comme ça, on connaît et on sait quoi dire."

Le premier bilan des six mois d'ouverture est "bancal à cause du coronavirus". On s'attendait en partie à des couples en vacances, des touristes ("un Toulousain sait qu'il ne croisera pas son voisin ici")... qui viennent finalement de pas plus loin que la Moselle, merci le covid. Mais Caroline voit de bons résultats. "On est dans une avenue passante, le magasin est joli et accueillant. On a de très bons retours, les gens sont contents et nous le disent."
 


Les avis Google sont effectivement dithyrambiques. Comme moi, les gens qui les ont écrits n'ont jamais ressenti aucun malaise, même si c'était leur première fois ici. Il y a beaucoup de bouche-à-oreille. J'ai sollicité Sarah, une Strasbourgeoise lambda qui a testé il y a peu la boutique avec des amies pour la première fois, par curiosité. Voici son retour.

"J'étais un peu mal à l'aise car je n'en avais visité qu'une fois. Mais nous avons été très bien accueillies par les vendeuses qui nous ont donné beaucoup de conseils et répondaient à toutes les questions. On sentait qu'il n'y avait aucun jugement, qu'on pouvait parler sans problème. On trouve de tout dans le magasin, pour tout le monde : c'est très inclusif. Grâce à cette ambiance, je me suis sentie bien plus à l'aise que ce que j'aurais imaginé."
 


De 3 à 180 euros, le bonheur est pour toutes les bourses... si l'on ose dire. Si vous n'osez pas rentrer, sachez que d'ici peu, Les (Dé)boutonné.e.s serviront de relais alimentaire à Autour du local, un producteur artisanal de Zellwiller. Vous pourrez donc aller y retirer moult salades et oeufs. Et en profiter pour jeter un oeil dans les rayons et poser des questions le temps que votre paquet soit récupéré en arrière-boutique. La bonne excuse. Sinon, utilisez celle suggérée par Caroline : prétendez-vous que vous venez pour offrir un cadeau à quelqu'un... même si le quelqu'un, c'est vous.
 

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