RÉCIT - J'ai testé pour vous : la promenade en barque à fond plat sur l'île de Rhinau dans le Grand Ried

Savez-vous qu'il est possible de découvrir la riche faune et flore de l'île de Rhinau en barque à fond plat ? Voici le récit d'un citadin peu habitué aux charmes d'une nature sauvage, qui a testé pour vous ce mode d'excursion inhabituel proposé par l'office de tourisme du Grand Ried.

"Vincent, tu vas me faire une randonnée funky et écrire un article sur ton expérience." Mon chef, un matin, entre un bonjour et une tournée de faits divers. Eh bien... soit : allons-y.


Un vaste choix

Hélas, quand je veux profiter du grand air, c'est plutôt en bord de mer pour marcher sur le sable ou tenter de dompter les vagues (et généralement boire la tasse, accessoirement). Navré, chères Alsaciennes et chers Alsaciens, mais les belles gravières de votre région ne peuvent rivaliser avec les plages de ma Côte d'Opale natale...  
 

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Mais je sais qu'il est impossible de s'ennuyer en Alsace : une vie ne suffirait pas à profiter de tout ce qu'elle offre au niveau culturel, gastronomique, et sportif. Je devrais pouvoir trouver quelque chose. Pour ça, je prends mon carnet de contacts et compose le 03 88 74 68 96 pour appeler Estelle Danancher, qui travaille dans les offices de tourisme du Grand Ried. Elle jongle entre les quatre bureaux de Erstein, Benfeld, Rhinau, et Marckolsheim. Elle aura sans doute une piste.
 

Une randonnée dans l'eau

Or, Estelle connaît bien son travail. Directement, elle m'oriente vers une piste prometteuse, celle de la balade en barque à fond plat : "Vous prenez place sur une barque qui navigue au fil de l'eau sur l'île de Rhinau. Vous êtes au calme et pouvez profiter de la nature." 

Énoncé ainsi, ça me branche pas mal. En tout cas, plus que les dix kilomètres de randonnée sur le circuit de l'Ill à Benfeld, ou les 16 kilomètres du circuit cycliste "ludique" à Marckolsheim : d'accord, il y a des énigmes en chemin et c'est cool, mais j'ai à peu près autant envie de chevaucher une bicyclette qu'un vélo... ciraptor.
 


Surtout que les barques, ça n'a pas l'air bien éprouvant (même pas besoin de ramer, le guide s'en charge), ce qui est un plus pour moi. Je promets de rappeler pour fixer une date. En attendant, je me renseigne (toujours auprès d'Estelle, qui connaît bien son sujet). Pour faire simple, l'île de Rhinau abrite le dernier "exemplaire" de ce qu'était la forêt alluviale du Rhin avant le XIXe siècle. Quand le "vieux Rhin" a été aménagé pour donner ce qu'on appelle le "Rhin canalisé".

Avant cette canalisation, le Rhin faisait neuf kilomètres de large, était parsemé d'îlots allant et venant au gré des crues, et était un paradis pour moustiques. Canalisé, il permet de faciliter la navigation et de réduire le risque de crue. Il va même accueillir des barrages produisant de l'électricité au cours du XXe siècle. 
 

Rendez-vous est pris pour le 27 juin 2019. La responsable me "réserve" une barque et un guide. L'aventure va pouvoir commencer.
 

Aller à Rhinau depuis Strasbourg

Puisque je fais une randonnée écologique, autant utiliser des transports propres pour me rendre à Rhinau. Ma première étape est de me rendre à l'arrêt Campus d'Illkirch, où un bus pour Rhinau passe au minimum chaque heure.
 

Grâce à mon abonnement annuel à la CTS, je pars de l'arrêt Homme de Fer vers 7h30 via la ligne D. Mais je me rends compte à la station Étoile Polygone, doué que je suis, que je pars dans la mauvaise direction (vers Kehl au lieu d'Illkirch). Je m'éjecte de la rame et parviens à attraper la ligne E qui, heureusement, passait au même moment dans l'autre sens. Cette excursion commence vachement bien.

J'arrive ensuite sans encombre à Campus d'Illkirch. Après quelques dizaines de pas, je découvre l'arrêt où je dois prendre le bus n°270. Cette fois-ci, je veille à prendre la bonne ligne : la navette d'Europapark passe aussi par ici, mais je ne suis pas venu ici pour m'amuser. Et je veille aussi à prendre cette ligne dans le bon sens, tant qu'à faire. Peut-être qu'il devrait y avoir des cours de décryptage des plans de bus en école de journalisme...
 


Une fois dans le bus, je valide ma carte Badgéo-CTS... ce qui revient à frauder car Rhinau se trouve en dehors de l'Eurométropole. Je ne le savais pas, mais vous le savez à présent : ne vous retrouvez pas à devoir payer une amende et achetez le ticket aller-retour à 2,50 euros.
 

Il est 8h03. Et vu que le trajet va durer près de 50 minutes en passant par notamment par Eschau (et son école Harry Potter) ou Obenheim (et sa fontaine), j'ai prévu de la lecture : Une Créature de rêve, de l'autrice Patricia Highsmith, à qui l'on doit le célèbre Carol. De rien pour ce conseil littéraire.
 
 

En route

Le trajet n'est pas accéléré par la présence d'un encombrant tracteur sur la route. Il est 8h51 : le bus stationne à l'arrêt Office du tourisme/Bac. À peine descendu, un monsieur vient vers moi : il s'agit de Fredo Oberlai, mon guide. Nous faisons un bref arrêt dans l'office de tourisme pour saluer Estelle (qui me confie un plan).
 

Dépliant touristique sur l'île du Rhinau by Vincent Ballester on Scribd


Fredo m'invite ensuite à monter dans son véhicule, et m'emmène jusqu'à l'île de Rhinau. En chemin, il m'explique ce qu'il y a à savoir sur cette réserve naturelle. On passe devant l'usine hydroélectrique de Rhinau : il est possible de voir les machines à l'intérieur depuis une plate-forme.
 

Après avoir passé une barrière, on poursuit notre route sur un chemin de terre. Et c'est là que détale... une bande de marcassins. Fredo arrête la voiture, et je sors pour essayer de voir ces bébés que je n'ai jamais vus de ma vie.
 

Je retiens tout de même qu'approcher des marcassins alors que leur maman doit se trouver à côté est un peu suicidaire, et que je dois rendre un reportage. Je n'approche donc pas trop, et peux apercevoir brièvement les petits qui furètent dans les feuillages.
 

Mise à l'eau

À notre arrivée dans une petite clairière, je songe que le soleil tape déjà pas mal alors qu'il n'est que 9h30. Et que comme une truffe, j'ai oublié ma crème solaire. Un comble quand on sait que mon sac contient même des piles, du sucre, et un téléphone de secours. Mais ce n'est pas le soleil qui sera mon principal ennemi. Oh non. Cet ennemi, je vais le découvrir sur le rivage, alors que Fredo écope le fond de notre embarcation et met en place les rames. 
 


Des moustiques. Par dizaines. Qui se posent tous en même temps sur mes bras ou mon cou, faisant vriller mes oreilles avec leur bruit si agaçant : Dziiiiii... Au téléphone, la responsable Valérie Schmitt m'avait pourtant prévenu. Mais c'était sorti de ma petit tête de citadin lambda. Tête désormais colonisée par ces horribles créatures suceuses de sang et pourvoyeuses de maladies. Cette agréable balade risque fort de se transformer en la traversée du Styx (le fleuve des enfers dans la mythologie grecque). 
 

 

La traversée commence

La barque, qui peut accueillir six personnes, évolue à un rythme de croisière pendant deux heures. Les premiers instants sont un peu compliqués par les moustiques, que je suis obligé d'écraser comme je peux sur mon T-shirt blanc, voire sur mon bloc-notes. Je loue le ciel de ne pas avoir mis de short, mais regrette de ne pas avoir mis de chaussettes longues.

Mes gestes pour chasser les intrus sont si vifs et désordonnés qu'à plusieurs reprises, je manque d'envoyer mes lunettes de soleil à l'eau... et l'iPhone de la rédaction qui nous sert à prendre des photographies. Et mon guide ? Il a l'air de bien s'amuser. 
 
Néanmoins, une fois qu'on s'éloigne des zones ombragées, les moustiques nous fichent un peu la paix. Et il devient alors possible de se détendre, d'écouter les oiseaux, d'observer la faune, et de regarder l'eau glissant sous notre frêle esquif. Le tout ponctué par les savantes explications de Fredo, qui connaît l'endroit comme sa poche. 
 

De découverte en découverte

On s'enfonce dans un véritable couloir végétal...
 

Saviez-vous qu'il existe des coquillages d'eau douce ? Eh bien moi non plus, du moins avant cette promenade en barque à fond plat. L'eau, extrêmement claire par endroits, laisse voir des fonds jonchés de coquilles blanches.
 

Et quand on parle de clarté de l'eau, ce n'est pas un mensonge. On peut voir les branches et brindilles tombées au fond.
 

Et quand un arbre meurt et tombe à l'eau, il perpétue la vie en servant de refuge à des plantes et petits poissons.
 

Plus loin, on voit des nénuphars à fleurs jaunes. Autrefois, il n'y en avait aucun. Mais le premier de la lignée, si l'on peut dire, s'est un jour retrouvé à l'embouchure de l'île et, de courant en courant, l'a lentement colonisée. 
 

Beaucoup plus rare est l'apparition d'un nénuphar... à fleur blanche. Elle est en forme de lotus.
 

Et même l'observation des algues est digne d'intérêt. Les plantes présentes sur l'île de Rhinau sont souvent "indigènes", c'est à dire qu'on ne les trouve aisément qu'à cet endroit. 
 

Plus loin, ce sont de luxuriantes fougères qui retiennent mon attention.
 

Il est toujours aisé de se frayer un chemin entre les troncs effondrés ou les branches basses. Les équipes techniques interviennent très peu sur l'île, se contentant de retirer ce qui peut poser un obstacle à la navigation des barques à fond plat. Le reste demeure.
 

J'apprécie tout de même assez peu de passer sous les branches basses, car leurs feuilles servent de refuge à des araignées qui me donnent envie de me jeter à l'eau. Ça ferait bien rire Fredo.
 

C'est à l'embarcation de s'adapter à la nature, pas l'inverse.
 

En tout cas, il fait beau. Et même en plein soleil, on ne cuit pas trop.
 

Si l'on regarde bien, on peut même trouver des arbres fruitiers.
 

On rencontre parfois des îlots de verdure au milieu de l'eau. Fredo les évite adroitement à chaque fois.
 

Pareil pour les roseaux : il ne faut pas aller s'échouer dedans.
 

Au fil de la traversée, on tombe soudain sur un bunker à l'aspect un peu particulier. Ses murs sont ondulés, laissant penser que le béton composant ses murs a été coulé sans coffrage en bois. Il faisait partie de la ligne Maginot.
 

On croise également quelques aménagements par endroits, comme un pont surplombant le point d'entrée (ou de sortie ?) de l'eau, ou de vieilles pierres de la digue.
 

En tout cas, armé de mon plan, je fais en sorte que rien ne m'échappe.
 

 

Une faune florissante

Un passage devant des zones un peu boueuses indique qu'il s'agit d'un site apprécié des sangliers. Ils ont en effet besoin de bains de boue pour réguler leur température et éliminer leurs parasites.
 

Sur un vieux tronc, de pauvres escargots ont servi de repas à un animal plutôt vorace.
 

On trouve aussi des champignons. Mieux vaut ne pas essayer de les manger si on a faim.
 

Quelques cygnes ont abandonné leur nid. Il y a des plumes un peu partout. Un oeuf triste et solitaire a été laissé pour compte près de l'un d'eux. 
 

On revoit d'ailleurs une bande de cygnes s'encanailler près de l'accès au fleuve. Mais ils s'enfuient en nous entendant approcher. L'occasion de vous rappeler que les cygnes ne doivent pas être nourris avec du pain.
 

Plus loin, après quelques canards, une grenouille chante sa sérénade. On se laisse bercer. Mais elle se sauve avant de pouvoir poser devant l'objectif. Je me rabats sur les gerridés, sortes d'araignées (qui n'en sont pas) patinant sur l'eau grâce à leurs longues pattes. Il y en a partout à la surface.
 

Ailleurs, un héron procède à un décollage. On l'a dérangé alors qu'il chassait le poisson.
 

Et toujours, des libellules aux couleurs étincelantes volettent autour de nous. Je me tords le cou à essayer de les suivre des yeux.
 

Elles sont légèrement plus faciles à photographier quand elles sont à l'arrêt, mais pas de beaucoup.
 

Le banc en bois de cette barque commence par contre à me faire un peu mal aux fesses (j'avais dit que je raconterai mon expérience dans les moindres détails). Mais j'oublie cette contrariété en prenant conscience qu'un taon affamé est en train de m'attaquer. Et les moustiques reviennent. Argh.
 

Retour sur la terre ferme

Après une attaque de la part d'une énième escadrille de moustiques, je touche terre en ayant été piqué relativement peu de fois. Il faut dire que mes bras agités en éoliennes ont repoussé la plupart de mes assaillants. Cela ne m'aura donc pas gâché la balade, j'ai vu de très jolies choses, et je recommande l'excursion à quiconque.

Je serais même prêt à le refaire... mais cette fois-ci, avec une bouteille remplie de citronnelle. Les 11 euros par personne que coûtent la balade sont donc largement rentabilisés.
 

Fredo nous ramène à l'office de tourisme. Bien évidemment, des moustiques ont réussi à se glisser dans la voiture... De retour au bureau, Estelle nous accueille avec à ses côtés Foxy, le renard-mascotte de l'office.
 

Histoire de casser la croûte par cette balade, elle nous suggère de nous rendre au snack-bar de la Vieille Caserne, à 800 mètres, où les repas sont à petit prix. Et si l'envie nous prend de poursuivre nos envies touristiques, il y aura toujours de quoi faire (voir PDF puis encadré ci-dessous).
 

Programme touristique de l'office de tourisme du Grand Ried by Vincent Ballester on Scribd

 
Trois suggestions après la promenade en barque à fond plat
Vous avez bien profité de votre excursion, mais vous ne voulez pas quitter le Grand Ried immédiatement ? Ou, au contraire, le mal de mer et les piqûres de moustiques vous terrifient et vous voudriez faire autre chose ? Voici un programme alternatif qui plaira à tout le monde :
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