L'association Passions croisées propose ce mercredi 13 novembre à Strasbourg un défilé au temple St-Guillaume. C'est le jeune créateur alsacien Victor Weinsanto, toujours là où on ne l'attend pas, qui présentera ses œuvres maîtresses. Une première en Alsace pour lui. Une première pour l'Église protestante aussi.
Dans l'Église protestante St-Guillaume, tordue, mais bien située en plein cœur de Strasbourg (67), résonne du St-Saëns. Jusque-là, tout va bien. J'ouvre la porte, un immense podium de vingt mètres a remplacé les allées de bancs austères. Dessus, les talons aiguilles piquettent. Bienvenue au temple… de la mode.
J'y retrouve Victor Weinsanto que j'avais quitté il y a deux ans, dans son atelier parisien, jeune créateur rêvant non pas forcément de gloire, mais de visibilité. Avec tout ce que comporte ce mot. Il a eu, depuis, les deux. Sa célèbre coiffe alsacienne, revisitée, a été vue par deux milliards de personnes lors de la cérémonie d'ouverture des JO le 26 juillet dernier. Le propulsant sur le devant de la Seine.
Le temple... de la mode
Ses yeux sont toujours aussi bleus, ses cheveux moins roses et son chic plus travaillé. Pantalon noir, caban beige. Il donne les dernières instructions pour le défilé qui aura lieu ce soir. "Oui voilà, là attend un peu avant de monter, essaye de suivre le tempo."
Si Victor commence à connaître la musique de la mode, celle de son défilé, il la découvre. Là maintenant. L'orchestre philharmonique de Strasbourg est niché sur le balcon et s'en donne à chœur joie. Ça résonne, ça fracasse, c'est beau à pleurer. "Oui, tout est improvisé là, je découvre en même temps que toi. Mais c'est bien, la création, c'est l'improvisation. Et la musique est si belle, elle porte mes créations. Je n'avais jamais fait cela avant."
Sur le podium justement, Ildjima hésite un peu. Les violons s'emballent." On peut dire clairement que nous sortons de notre zone de confort, même si avec Victor, disons, qu'on a l'habitude de sortir des sentiers battus. Pour moi, c'est une première, oui." Ildjima suit Victor depuis ses débuts, il y a quatre ans, quand le couturier faisait ses premiers défilés. Ce soir, elle portera la fameuse coiffe alsacienne revisitée en ouverture du show. Mieux qu'une couronne, une consécration. Dans un temple qui plus est. "Heureusement que j'ai l'oreille musicale et que j'ai l'habitude de la porter. Elle est lourde, mais je suis très fière. J'essaie d'être en alchimie avec la musique, si gracieuse, c'est absolument magnifique, je ressens des choses inouïes là au milieu de cette église. C'est une expérience incroyable, défilé sur de la musique classique, en live."
J'ai toujours essayé dans mon travail de casser les codes de la mode, les codes tout court. Alors être là, au milieu d'une église protestante, c'est tout de même assez drôle.
Victor Weinsanto
Le défilé est découpé en quatre tableaux. L'Alsace ouvre le bal, hommage aux origines, pour ce natif de Souffelweyersheim. Toutes les pièces iconiques de Weinsanto, ses canons, pas très orthodoxes, seront présentés. "Moi, j'ai toujours essayé dans mon travail de casser les codes de la mode, les codes tout court. Alors être là, au milieu d'une église protestante, c'est tout de même assez drôle. En plus je suis catholique."
Une surprise attend les spectateurs à la fin du show. La voilà qui s'avance sur la pointe des pieds pour son essayage. Une chanteuse lyrique. Clara Orif. " Je suis un peu stressée, j'ai jamais chanté habillée par un créateur. J'ai peur qu'on voit mon ventre qui sort à chaque grande inspiration..." Victor la rassure. "Mais non t'inquiète, on ne verra rien, tu seras superbe. En plus, un petit ventre, c'est beau."
Pas de quoi effrayer non plus, Guillaume Aubry, directeur artistique de Passions Croisées, l'association qui organise la soirée, en résidence à St-Guillaume, habituée aux soirées insolites, dépoussiérées. "Cette soirée est emblématique de notre travail. Croiser les arts. Ici la mode et la musique classique. De créer du lien social, mais aussi du dialogue entre les arts. En faisant venir Victor ici, c'est comme faire un bout de chemin avec lui, dans son ascension."
Aux anges
Une ascension qui chatouille les cimes. Le défilé de ce soir affiche complet. 550 places, parties comme des petits pains bénis. Aux premières loges, la famille de Victor. "C'est la première fois aussi que je présente mes créations dans ma région, à Strasbourg. C'est une grande fierté et aussi beaucoup d'émotions. De savoir mes parents, ma grand-mère, mes amis du collège présents, ça me touche. D'autant qu'à mon époque, Strasbourg et la mode, ce n'était pas vraiment ça, à part les défilés parfois organisés aux Galeries Lafayette. Disons que là, je me rattrape."
Les répétitions se terminent, et comme après une messe, les fidèles se pressent autour de Victor. Ce sont les musiciens de l'orchestre philharmonique, redescendus de leur paradis.
Vous ne voudriez pas habiller l'orchestre philharmonique de Strasbourg ?
Sylvie, violoniste
"Mon Dieu, mais que vous êtes beau Victor. On ne voit rien là-haut, quel dommage ! J'ai repéré un moment où j'ai quelques minutes, si je me penche bien, je verrai un peu le défilé, enfin, j'espère. En tout cas, bravo pour ce que vous faites, je vous suis dans les journaux. Et tiens d'ailleurs, vous ne voudriez pas habiller l'orchestre philharmonique de Strasbourg ?
Un sourire illumine le beau visage de Victor. Le défilé n'a même pas commencé, le voilà déjà aux anges.