Une fourmi coriace, très invasive qui détruit tout sur son passage : la Tapinoma Magnum excède les jardiniers

Impossible de les compter tellement elles sont nombreuses. Au mois de mai 2023, des spécialistes ont identifié une nouvelle espèce de fourmis dans les jardins familiaux du Hochweg à Strasbourg, il s'agit de la Tapinoma Magnum. Une espèce venue de Corse, particulièrement envahissante.

Lorsque l’on arrive dans les jardins familiaux du Hochweg en ce mois de septembre 2023, dans le quartier de Cronenbourg à Strasbourg, c’est le calme qui semble régner, en apparence du moins. Car si l’on regarde de plus près, un nuisible s’est invité depuis plusieurs mois : la Tapinoma Magnum. Une fourmi particulièrement envahissante que les spécialistes ont officiellement identifiée au mois de mai.

Cette fourmi, originaire du bassin méditerranéen, est certainement arrivée en Alsace par le transport de marchandises, le marché gare se trouvant de l’autre côté de la route. Cette espèce qualifiée d’exotique "court très vite, c’est une population très active, elle réagit tout de suite" nous explique Christophe Brua, président de la société alsacienne d’entomologie.

Si "elle n’est pas dangereuse pour la santé, elle est toutefois très invasive et s’en prend surtout aux fruits, certains maraîchers de Corse ont même dû arrêter de produire" ajoute Christophe Brua.

Fruits pourris, parcelles envahies, les jardiniers excédés

Et ce n’est pas Henri qui dira le contraire. Propriétaire d’une parcelle depuis trois ans, il a vu l’espèce se propager à vitesse grand V dans son jardin. Il a pourtant tout essayé pour s’en débarrasser. "J’ai essayé le bicarbonate avec du sucre, j’ai essayé le vinaigre, j’ai même acheté un produit à 35 euros qui limite un peu la propagation, mais ce n’est pas possible, il n'y a rien à faire, j’ai dû jeter toutes mes betteraves" nous confie-t-il l’air désabusé.

"C’est une fourmi qui résiste aux insecticides, qui n’a pas peur du froid et qui n’a pas de prédateur naturel chez nous donc nous avons clairement un problème"

Hervé Polesi, Adjoint à la maire de Strasbourg en charge des jardins familiaux

D’autres ont même essayé de la javel ou encore de l’essence, mais cette espèce semble résister à tout. "C’est une fourmi avec plusieurs reines, qui résiste aux insecticides, qui n’a pas peur du froid et qui n’a pas de prédateur naturel chez nous donc nous avons clairement un problème" explique Hervé Polesi, adjoint à la maire de Strasbourg en charge des jardins familiaux.

Christophe Brua ajoute d’ailleurs que "mettre de la poudre anti-fourmis partout, c'est contre-productif". L’entomologiste explique que cela va plutôt tuer les autres espèces de fourmis, puisque la tapinoma magnum est très résistante. Résultat : on élimine la concurrence et on favorise en fait le développement de la tapinoma.

Aucun moyen de l’éradiquer, quelles solutions ?

Pour l’heure, les spécialistes s’accordent à dire qu’il n’existe pas de solution miracle et concrète pour éradiquer cette espèce. Alors comment régler le problème ? "On va essentiellement s’atteler à circonscrire la présence de cette fourmi là où elle est déjà. On sait déjà que l'on n’aura pas les moyens de l’éradiquer, par contre, il faut faire en sorte qu’elle ne quitte pas ce territoire et qu’elle ne se propage pas ailleurs dans Strasbourg" détaille Hervé Polesi.

Pour l’heure, les jardins du Hochweg est le seul site qui a été identifié dans la région, mais la Tapinoma Magnum a tendance à se déplacer de son habitat d’origine qui est le sud. D’autres foyers ont été enregistrés du côté de Bordeaux ou encore de Saumur.

De leur côté, les entomologistes demandent des réunions d’information pour identifier d’autres foyers en Alsace. Ils conseillent d'agir rapidement pour éviter une propagation trop importante. Car la fourmi a déjà été vue en dehors des jardins familiaux, du côté du marché gare.

Fourmis, mais aussi coccinelles asiatiques ou punaises diaboliques

Outre la Tapinoma Magnum, d'autres espèces invasives ont été recensées dans la région. Sur son site internet, la société alsacienne d’entomologie en parle. La coccinelle asiatique, la punaise diabolique, la pyrale du buis ou encore le célèbre et détesté moustique tigre, voici autant d'espèces résistantes, prolifiques qui se développent de plus en plus en Alsace.

Le réchauffement climatique semble être le parfait coupable avec des hivers plus doux, mais Christophe Brua explique qu'il s'agit avant tout de l'activité humaine. "Le transport de marchandises, le transport de manière générale est la principale explication de la présence de ces espèces exotiques". Il demande davantage de régulation et de contrôle chez les transporteurs, car ces espèces deviennent de plus en plus résistantes et ce n'est pas près de s'arrêter.