Vous avez déjà consulté une actualité de France 3 via Facebook ou Google. Or, ces informations sont utilisées gratuitement par ces géants du net. Pour y remédier, la directive copyright - si elle est votée ce mercredi - devrait mieux protéger nos droits. Mais le lobbying des géants du net fait rage.
A l'heure du tout numérique, tout va vite et tout doit être disponible pour tous, mais à quel prix? Les éditeurs (presse, télé, radio...), eux, souhaitent être rétribués pour l'utilisation des articles et autres contenus d'information. Les GAFA (initiales de Google, Apple, Facebook et Amazon), eux, ne veulent pas en entendre parler. Autant dire que le texte, présenté une première fois le 5 juillet 2018, remanié pour être représenté au Parlement européen, ce mercredi 12 septembre, est plus que controversé. Pourquoi? On vous explique.
La directive copyright, c'est quoi?
Tous les auteurs disposent d'un droit de propriété intellectuelle et patrimonial sur leurs oeuvres. C'est-à-dire qu'ils sont rémunérés quand les oeuvres produites sont réexploitées publiquement. Mais ces droits ne s'appliquent pas aux publications de presse. C'est là qu'intervient la fameuse directive copyright. L'article 11 de la directive copyright doit permettre aux journaux, magazines et agence de presse de disposer d'un droit voisin au droit d'auteur et ainsi être rétribués dès que leurs contenus circulent sur Google ou Facebook, par exemple. Un contenu utilisé gratuitement pour le moment par ces poids lourds du web qui, eux, captent tous les bénéfices de l'économie en ligne.
"Ce droit à rémunération devra être juste et proportionné. Par ailleurs, une part appropriée des recettes obtenues par les éditeurs grâce à ce nouveau revenu devra être reversée aux auteurs des publications", précise Vanessa Bouchara, avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle. Les plateformes numériques devront donc payer des taxes proportionnelles à l'utilisation des contenus d'information.
Pourquoi ça bloque au Parlement européen?
Cette réforme, rejetée le 5 juillet 2018 par le Parlement européen, sera t-elle votée ce mercredi 12 septembre? Rien n'est moins sûr car le texte divise les eurodéputés parfois même au sein même de leurs propres groupes politiques. C'est que la pression exercée par les plateformes numériques est grande. Si la directive est votée cela obligera les grands groupes numériques à payer les auteurs des contenus diffusés, à contrôler les éventuelles violations de droits dans les contenus diffusés par les utilisateurs et à "bloquer tout contenu douteux, comme des parodies ou des remix, pour ne prendre aucun risque. Le filtrage automatique risquerait donc de paralyser l'innovation et de saper la liberté d'expression de millions de citoyens et d'entreprises européennes" selon l'association EDiMA qui regroupe toutes les plateformes concernées.
Des poids lourds du web qui estiment que les journaux profitent de leur exposition sur internet et dénoncent une volonté de privatiser l’information. Des lobbys très actifs, "j'ai eu 40.000 mails en deux semaines, je n'ai jamais vu cela depuis le débat sur les armes à feu" nous dit Virginie Rozière députée européenne socialiste qui milite pour cette directive. Une intimidation hors-norme qui vient tout droit des Etats-Unis et qui rend le vote de mercredi très incertain.
Pourquoi cette directive est importante?
Elle vise à moderniser le droit d'auteur (la dernière législation remonte à 2001) face à la révolution numérique et à rendre à César - les éditeurs - ce qui lui appartient. Les diffuseurs sont incontournables, mais il faut "trouver un équilibre" pour Virginie de Rozière qui plaide en faveur d'une solidarité européenne lors des votes de mercredi face aux géants américains. Le tout-gratuit n'est certainement pas la meilleure solution pour continuer à pouvoir voir et entendre des créations libres et de bonnes qualités. Pour manifester en faveur de l'adoption de cette réforme sur le droit d'auteur, plusieurs artistes se sont réunis devant le Parlement européen, ce mardi."C’est David contre Goliath", résume Sammy Ketz. Ancien reporter de guerre et chef de bureau de l'Agence France-Presse à Bagdad, il a pris la tête de la fronde des journalistes contre les plateformes internet. Plus d'une centaine de grands reporters et rédacteurs en chef de 27 pays de l'UE ont co-signé la tribune de Sammy Ketz.