"L'équivalent de quatre semaines sans cours" : à Strasbourg, des parents d'élèves en colère contre le non-remplacement des professeurs absents

Au moins deux écoles de Strasbourg, une maternelle et une primaire, connaissent des problèmes de professeurs absents. Des absences longues, pas toujours remplacées. D'où une forte colère et une inquiétude de la part de parents d'élèves.

En primaire comme en maternelle, même combat. Des parents d’élèves sont inquiets, dans plusieurs écoles de Strasbourg (Bas-Rhin). Certains professeurs sont absents, sans être systématiquement remplacés.

Ces périodes sans enseignants peuvent parfois durer longtemps. "35 jours d'absence au total", nous précise l’une de nos témoins. Ils ont plusieurs fois alerté le rectorat de la ville, sans obtenir gain de cause. Aujourd’hui, ces parents d'élèves sont à bout.

Directeur d'école et remplaçant de fortune

Dans l'une des classes de CP de l'école primaire du Conseil des XV à Strasbourg, ne cherchez pas de professeur. Depuis le 31 janvier dernier, ces élèves n'en ont pas. Leur maîtresse est en arrêt maladie de longue durée. À ce jour, elle n'a toujours pas été remplacée : cela fait donc plus de deux mois que cette classe est vide. Il n'y a ni titulaire, ni remplaçant. Une situation telle que le directeur de l’école, à côté de son travail, donne classe à ces élèves.

"Le directeur donne les cours élémentaires, des maths et du français, mais il ne peut pas être partout, certains jours, il a trois classes à remplacer, ce n’est pas possible", dénonce Joana Guerrin, représentante des parents d’élèves de l’école. "Nos enfants ne sont plus motivés pour aller à l’école, les parents sont anxieux quant à leur avenir, la classe de CP est censée être une classe prioritaire", ajoute-t-elle. Craignant une absence de la professeure en question jusqu’à la fin de l’année, les parents ont alerté un inspecteur de l’Éducation nationale.

Une réponse transmise dans un communiqué : "Nous sommes actuellement confrontés à des difficultés de remplacement que nous ne pouvons surmonter en totalité". Clairement insuffisant, estiment les parents d'élèves. Ils décident alors de contacter le rectorat : en vain, jusqu'à ce jour. Cette situation est bien loin d’être isolée, dans l’académie de Strasbourg.

Jusqu'à 37 enfants par classe lors d'absences

École maternelle Schuman, même ville. Ici, l'établissement se compose de six classes et d'autant de maîtresses. Parmi les mamans des élèves de moyenne section, Amélie* s'inquiète. La représentante de la FCPE, une des deux associations de parents d'élèves, éructe : "Depuis le début de l'année, je reçois beaucoup de plaintes et d'inquiétudes de parents pour des absences de maîtresses qui ne sont pas remplacées. On a essayé de tenir les comptes : cela représente l'équivalent de 35 jours d'absence au total, toutes maîtresses confondues. Sachant qu'il y a aussi des jours avec deux maîtresses absentes en même temps, ce qui fait que l'école ne fonctionne pas correctement."

Ce n'est pas tout. "Dans une des classes, la maîtresse a été absente 15 jours, mais pas consécutifs. C'est l'équivalent de quatre semaines sans cours. Elle avait de réelles raisons : on le sait très bien et on la soutient. Si elle est toutefois revenue en classe, c'est parce qu'on ne peut pas la remplacer. Dans le même temps, une autre enseignante était aussi absente, pour des problèmes de santé", ajoute Amélie*. Quand les maîtresses vont être absentes, elles préviennent les parents. "En début d’année, il leur arrivait d’inviter les parents à garder les enfants à la maison, dans la mesure du possible. Sinon, les enfants sont répartis dans d’autres classes. Actuellement, il y a en moyenne 28 à 29 élèves par classe", détaille la maman.

Une contrainte supplémentaire dans des classes déjà surchargées. "Les maîtresses nous le disent, elles sont fatiguées. Elles reçoivent jusqu’à six enfants en plus, parfois plus jeunes ou moins jeunes. Ils ont donc peur d’aller dans ces classes, et ne connaissent pas forcément les règles. Une maîtresse est aidée par une ATSEM, qui est en charge d'accompagner les élèves dans la classe, pour aller aux toilettes, pour réaliser les travaux. Mais à Strasbourg, en moyenne et en grande section, il y a une ATSEM, un jour sur deux", se plaint Amélie. Les parents se sont mobilisés et ont écrit à l'inspecteur de circonscription, en charge de trouver des remplaçants.

Pour ces 200 professeurs de la circonscription de Strasbourg, il n'y a que 11 remplaçants.

Amélie (prénom d'emprunt)

Représentante de parents d'élèves à l'association FCPE

Ils ont même décidé, à chaque fois qu'un enseignant était absent, d'envoyer un mail à ce représentant de l'Éducation nationale. Plusieurs courriels qui ont fait leur effet : "Il nous a proposé un rendez-vous le 1ᵉʳ février. L'inspecteur nous a expliqué l'impossibilité de trouver des remplaçants. Cette 7ᵉ circonscription de Strasbourg regroupe 14 écoles maternelles et primaires, soit plus de 200 enseignants. Les remplaçants sont placés en priorité sur les absences longues, comme les congés maternité, et non sur celles de moins de trois semaines."

Il détaille sa réponse, mais laisse les parents sceptiques. "Les enseignants peuvent être malades, ou en formation. L'inspecteur nous a dit qu'il faut absolument mettre les enfants à l’école, même si la maîtresse est absente, et qu'ils vont dans une autre classe. Cela va à l’encontre du discours des enseignantes : c'est difficile et irrespectueux du ressenti des enseignants. Quand une maîtresse dit que c’était difficile avec 37 enfants, on ne peut que la croire", relate Amélie*.

La mère de famille pense que le problème des absences de professeurs est lié à des causes plus profondes :"Je pense qu’il faut réellement reconsidérer la profession de l’enseignant. Elle n'est pas considérée, à tel point qu'il n'y a pas assez de personnes qui se présentent au concours. Il y a urgence à recruter et susciter des vocations : c'est l'avenir de nos enfants et de la société qui est en jeu."

En parallèle de ces réclamations auprès de l'académie, les parents ont aussi demandé "le remboursement des frais de cantine" à la ville de Strasbourg. Peine perdue, selon la représentante de parents d'élèves : "Ils nous ont dit que ce n'était pas leur problème, que la ville gère la cantine et non l'absence des professeurs."

Des besoins constants de remplaçants

Contacté, le rectorat de Strasbourg a réagi à ces problèmes d'absences. "Les besoins en remplacement restent sensiblement constants avec néanmoins une tendance à la baisse qui se dessine", précise-t-il dans un communiqué. L'académie reconnaît en effet que des établissements sont plus touchés que d'autres : "Quelques écoles de la ville de Strasbourg sont plus particulièrement concernées par ces tensions sur le remplacement. Les élèves restent accueillis à l'école en étant répartis dans d'autres classes le cas échéant, dans l'attente de la nomination d'un remplaçant."

"Nous sommes activement mobilisés sur ces deux situations. La DSDEN (NDLR : Direction des services départementaux de l'Éducation nationale) est engagée dans une campagne de recrutement de professeurs remplaçants contractuels, en particulier pour pourvoir les postes d’enseignants des écoles du Conseil des XV et Schuman, dans lesquelles l'offre d'enseignement international rend la situation plus complexe. Ces contractuels bénéficient d'un accompagnement avant leur prise de fonctions", ajoutent ces services de l'État.

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Elle se fait plus précise concernant ces deux écoles maternelles et primaires. L'inspection indique, pour l'école primaire Conseil des XV, avoir "répondu aux parents élus en date du 22 mars, en lien avec les services de la DSDEN, et est en recherche de solutions. Le dialogue avec le directeur a été continu pour garantir la continuité de l’accueil et des apprentissages sur cette classe non remplacée depuis fin janvier".

Le rectorat conclut sa réponse en s'attardant sur le cas de l'école maternelle internationale Schuman. Il fait état d'une "rencontre au mois de janvier", avec "une délégation de parents inquiète par rapport à des arrêts perlés de courte durée non remplacés par l'inspection de l'Éducation nationale. À ce jour, il n'y a pas d'absence non remplacée dans le groupe scolaire."

* À sa demande, son prénom a été modifié.

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