Dans la place, c'est une exposition conçue par l'illustratrice Ariane Pinel. Le thème : l'appropriation des places par les femmes. C'est à retrouver au 5e Lieu de Strasbourg (Bas-Rhin), jusqu'au dimanche 19 septembre. L'entrée est gratuite.
Gare, Kléber, Homme de Fer... Si vous êtes un homme ou une femme (ou que vous ne vous identifiez pas dans cette binarité), vous n'avez pas la même façon de traverser ces places de Strasbourg (Bas-Rhin).
Vous ne vous y attarderez pas forcément d'une manière identique... à supposer que vous le vouliez. Cette thématique de l'appropriation des places publiques selon le genre est au centre de l'exposition temporaire Dans la place.
C'est l'illustratrice Ariane Pinel qui est aux manettes (ou plutôt aux crayons et pinceaux). France 3 Alsace avait déjà parlé de cette artiste. Jusqu'au dimanche 19 septembre 2021, elle expose au 5e Lieu, d'ailleurs accessible depuis... une place (celle du Château, à voir sur la carte ci-dessous).
Jointe au téléphone par France 3 Alsace, Ariane Pinel décrit sa démarche (engagée). "C'est une commande du 5e Lieu, qui m'a demandé de dessiner douze places de Strasbourg. J'ai été plutôt flattée : c'est un endroit incroyable. L'idée, c'était de travailler sur le rapport au genre dans l'espace public. Je me la suis appropriée. Et créé douze illustrations sérigraphiées."
Pour autant de scènes de vie. "Il y en a certaines que j'ai vues. J'ai travaillé pendant l'hiver 2020 en faisant des croquis sur place, mais il y en a certaines que j'ai vécues avant ou après, d'autres qu'on m'a racontées et que j'ai mises en scène." L'autrice-illustratrice a mis six mois à préparer l'exposition, ouverte le 5 juin (covid oblige, il n'y a pas eu de vernissage).
"J'ai la chance de me déplacer à vélo, et j'ai l'impression qu'il n'y a pas trop de harcèlement à Strasbourg... mais dès que mon vélo crève et que je suis à pied pendant une journée, je me rends compte à quel point c'est insupportable de marcher à pied dans une ville. Je voulais mettre en scène qu'à vélo, on va plus vite que le harceleur; on peut être moins confrontée au harcèlement que dans d'autres villes. C'était ce que je voulais raconter. C'est une scène que je n'ai pas vécue en tant que telle, mais que je voulais... mettre en scène." Plus précisément sur la place de la Gare (à visualiser sur la publication Facebook ci-dessous).
On retrouve "des grosses places de Strasbourg : Esplanade, musée d'art moderne..." mais aussi "certaines plus excentrées, comme le square Nicolas Poussin à l'Elsau, ou la place de l'Île-de-France à la Meinau". Ariane Pinel devait choisir parmi 18 places.
L'enseignement de cette exposition est important. "J'ai constaté que les gens qui restaient sur les places, sur l'espace public, sont souvent des hommes. Ils investissent l'espace, comme des jeunes skateurs ou des papis qui jouent à la pétanque [ce qu'on voit dans le dessin sur Instagram ci-dessous; ndlr]."
"Aucune femme ne reste vraiment, elles vont plutôt traverser. Je me suis ainsi rendu compte que l'espace public était fait par les hommes. Ce sont des questions que je ne m'étais pas posées avant, et c'est un peu effrayant de s'en rendre compte."
Je me suis ainsi rendu compte que l'espace public était fait par les hommes.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'artiste n'a pas de place préférée particulière. "Je ne m'arrête pas sur une place, il n'y en a aucune où j'ai envie de me poser." C'est bien sûr son ressenti à elle : "je ne parle pas pour tout le monde".
Beaucoup de choses à regarder, et s'amuser aussi
De manière plus légère, on peut remarquer quelques détails (les dessins d'Ariane Pinel en sont truffés, "comme les peintures de Hollandais où il y a toujours plein de trucs à regarder"). Rappelons que le repérage, le dessin, a eu lieu pendant l'hiver, plus précisément pendant le deuxième confinement. Il n'y avait donc pas grand-monde dans les rues. "Il y avait des livreurs à vélo partout : on peut s'amuser à les retrouver car il y en a au moins un dans chaque image." Un "Où est Charlie ?" revisité, en quelque sorte.
"Je sais que les gens jouent aussi à reconnaître les places." Car, en effet, ce n'est pas forcément indiqué (même si certaines sont très caractéristiques). "On s'est dit avec l'équipe du 5e Lieu que ce serait sympa que les gens puissent jouer à ça." C'est une possibilité pour tout le monde. Et même pour les enfants, car rien ne les empêche de profiter de l'exposition : il peut y avoir des échanges très intéressants.
Puisqu'on parle d'enfants, le prochain projet d'Ariane Pinel leur sera destiné : un nouvel album pour enfants qui se passera en Bretagne (elle a déjà créé une pléthore de livres). Avec, sans doute, de belles images issues de sa résidence d'artiste sur l'île de Groix (hélas écourtée à cause du covid). On lui doit aussi la publication récente d'un reportage en bande-dessinée sur Rue89 Strasbourg, au sujet des stages de sensibilisation aux violences conjugales. Une autre forme d'engagement.
"J'ai régulièrement des retours de femmes que je connais pas, qui me remercient de travailler là-dessus, d'avoir fait cette exposition." Si le sujet vous plait, intéresse, interpelle... rendez-vous au 5e Lieu du mardi au dimanche, de 11 heures à 19 heures (17 heures le dimanche). L'entrée est gratuite, et permet de découvrir en prime l'exposition permanente Un voyage à Strasbourg, qui allie urbanisme, architecture, et patrimoine. De quoi (re)découvrir la ville : c'est l'ambition du (5e) lieu.