30 à 50% de chiffre d'affaires perdus. Les commerçants de Cronenbourg, à l'ouest de Strasbourg, sont exaspérés. Le quartier vit au rythme des chantiers, et les clients désertent le secteur. Les commerçants impactés dénoncent le manque de concertation et d'anticipation de la Ville.
On ne passe plus, ou très difficilement. Nicolas Olland, boulanger installé route d'Oberhausbergen doit s'y résoudre. Impossible désormais pour les automobilistes de faire une courte halte devant chez lui pour acheter du pain ou des viennoiseries. Il faut venir à pied ou à vélo, et se frayer un chemin à travers les nombreux obstacles sur la chaussée. Il n'a pas encore mesuré l'impact sur son chiffre d'affaires, mais à la louche, il compte bien 30% de clients en moins.
"À la limite, les travaux, je peux comprendre. Il faut les faire, dit-il. Mais c'est surtout le manque de concertation qui me désole. On nous en a parlé mi-juin, parce qu'on a provoqué une réunion avec la Ville sur les problèmes de circulation. Et c'est là qu'ils nous ont présenté la société chargée des travaux, et qu'ils ont annoncé leur démarrage."
Les engins de chantier sont entrés en action 15 jours plus tard, début juillet. "Si on avait su, on aurait fermé en juillet. Là, nous avons donné congés au personnel pour quatre semaines en août. Avec de l'anticipation, on aurait fait autrement" affirme-t-il. Même réaction chez l'opticien, juste en face. "On aurait fermé en juillet et pas en août, mais là, on a été mis devant le fait accompli", tempête Eric Bensoussan. Lui évalue ses pertes à 50%. "Juillet est habituellement le meilleur mois de l'année, précise-t-il. C'est là où on vend des lunettes de soleil. Mais avec les travaux, les gens m'appellent après avoir tourné en rond, et ils me disent qu'ils abandonnent."
Une meilleure communication
L'information a été tardive. Joël Steffen, adjoint à la maire de Strasbourg en charge du commerce et de l'artisanat, le reconnait volontiers. "Cela fait partie des axes d'amélioration que nous sommes en train d'étudier. Et nous avons également sensibilisé la société en charge des travaux" explique-t-il.
Le chantier est sous la responsabilité de la société EVOS, filiale d'Engie, qui a obtenu la concession du réseau de chauffage urbain sur tout le secteur ouest de Strasbourg. Les travaux visent justement à étendre ce réseau et mieux maitriser le coût de l'énergie pour les usagers. "Ce sont de gros tuyaux, et c'est un chantier très technique, précise Joel Steffen. Nous avons sensibilisé la société pour limiter un maximum l'impact pour les riverains, mais ces travaux sont forcément très intrusifs". Il assure en revanche que le planning est respecté. Le 2 août, le boulanger et l'opticien devraient être libérés du chantier.
En revanche, celui-ci se déplacera plus loin, vers la pharmacie, où les mêmes causes produiront forcément les mêmes effets. "Le quartier est totalement bouclé, c'est aberrant" se désole Eric Bensoussan. En effet, ces travaux sur le réseau de chaleur viennent s'ajouter à un autre projet, très controversé, de modification de la circulation "C'est comme s'ils voulaient dégouter les gens de passer par Cronenbourg. Mais si on ne trouve plus notre compte ici, on ira voir ailleurs" promet cet opticien, qui a ouvert son commerce il y a une dizaine d'années.
Comment vivre avec les travaux ?
Du côté de la Ville, on se dit sensible aux problèmes soulevés par les commerçants. "Il existe une règlementation qui prévoit des dédommagements pour les commerçants, indique Joël Steffen. Mais cela est réservé aux travaux longs, un an ou plus. C'est le cas par exemple pour les travaux d'extension de la ligne ouest du tramway à Koenigshoffen, ou nous avons passé un accord d'indemnisation à l'amiable avec les commerçants impactés. Mais à Cronenbourg, ce type de travaux n'est pas éligible. Nous réfléchissons à faire évoluer le dispositif".
Impossible en effet de ne pas remarquer le nombre de chantiers, qui rendent le quotidien des riverains et des automobilistes très compliqué à Strasbourg. "Il y a des travaux d'eau et d'assainissement, des travaux de chaleur urbaine, ceux du tram, le gaz, l'électricité, et aussi les télécoms" énumère Joël Steffen. "Nous sommes en fin de mandat et c'est inévitable" dit-il. En effet, il y a la feuille de route qu'une équipe municipale se fixe les deux premières années de son mandat, puis les études à mi-mandat, et enfin dans la dernière ligne droite les travaux, souvent concentrés durant la saison estivale. C'est ce qui s'appelle être dans le dur.