Adoptée mardi 19 décembre, la loi immigration prévoit une caution pour les étudiants étrangers. Ces derniers devront payer un montant pour étudier sur le sol français, qui leur sera rendu lors de leur départ. "Une aberration" pour l'UNEF, qui alerte sur les conséquences d'une telle mesure.
Au lendemain de l'adoption de la loi immigration, l'angoisse se fait sentir au sein de la communauté étudiante. Une partie des textes prévoit un durcissement de l'accès aux études pour les extracommunautaires avec, entre autres, une "caution retour".
Cette décision, très contestée par le corps universitaire, impose des coûts supplémentaires à des étudiants souvent victimes en amont de problèmes financiers liés à leur statut.
Pour l'antenne strasbourgeoise de l'UNEF, cette décision est "un recul des droits fondamentaux" qui vient "entacher le rayonnement universitaire du pays", mais pas seulement. Déjà fortement sollicité par la communauté étrangère, le syndicat s'attend à une accentuation de la précarité étudiante avec cette loi.
"Des digues qu’on pensait intouchables"
Alors qu'elle militait depuis 2018 pour l'abrogation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers, l'UNEF vit aujourd'hui une grande désillusion. Cinq ans plus tard, ces frais ont été inscrits dans la loi. Pire encore, une "caution de retour" vient s'ajouter au sinueux parcours universitaire des extracommunautaires.
Interrogée sur les ondes de France Inter, Élisabeth Borne évoquait ce mercredi un montant d'une dizaine d'euros. Le son de cloche est bien différent du côté du syndicat étudiant, qui parle d'une caution de "plusieurs milliers d'euros" imposée aux étudiants non européens.
"Cette loi est relativement floue, ce qui la rend encore plus angoissante", explique Manon Moret, responsable du suivi à l'UNEF, qui déplore une "droitisation du discours présidentiel". "Ce sont des digues qu'on pensait intouchables. Elles ont été enfoncées par un gouvernement élu pour faire barrage à l'extrême droite."
La communauté étrangère plongée dans l'inquiétude
Déjà privés de bourse d'étude, les étudiants non européens devront, avec la loi immigration, trouver d'autres ressources financières pour réaliser leur parcours universitaire en France. Outre la caution annoncée, ces derniers tirent également une croix sur l'exonération des frais d'inscription.
"Malgré le décret de 2018, beaucoup d'universités exonéraient les extracommunautaires des frais supplémentaires d'inscriptions", explique Manon Moret. "Avec cette loi, cela deviendra presque impossible." Concrètement, ces étudiants devront débourser 2770 euros pour s'inscrire en licence, contre 170 euros pour un Européen. Pour les masters, la somme passe de 243 euros à 3770 euros.
Pour l'UNEF, ces mesures sont synonymes de dégradation du niveau de vie pour les étudiants étrangers. "Beaucoup d'entre eux ont peur pour la réussite de leurs études", relate la syndicaliste. En 2022, l'université de Strasbourg comptait 12 000 étudiants étrangers, soit 20% du nombre total d'étudiants.
L'UNEF a depuis des années l'habitude d'accompagner des extracommunautaires, notamment pour les aider financièrement en leur proposant des bourses alternatives. Mais depuis l'adoption du projet de loi, le travail s'annonce colossal. "Ces pénalités financières s'ajoutent aux problématiques administratives et la barrière de la langue. Une détresse étudiante extrême se prépare", alerte-t-elle.
Une colère partagée par Michel Deneken
L'annonce du projet de loi immigration a suscité la colère de plusieurs présidents d'université lundi 19 décembre. Dans un communiqué publié quelques heures avant la commission mixte paritaire, France Universités dénonçait des mesures "inacceptables" qui "ne feraient que renforcer la marchandisation de l’enseignement supérieur français et accentuer la précarité financière de nos étudiantes et étudiants internationaux".
L'entité, dont fait partie Michel Deneken, président de l'université de Strasbourg, s'inquiète des "répercussions importantes sur l’attractivité de notre système universitaire et le rayonnement de la France".
Adopté, le projet de loi est toujours en attente de validation par le Conseil constitutionnel. Sur France Inter ce mercredi, la Première ministre a laissé entendre que certaines mesures pourraient être modifiées, comme la caution pour les étudiants étrangers.
Emmanuel Macron a annoncé ce 20 décembre lors d'une interview sur France 5, dans l'émission "C à vous, que la caution demandée aux étudiants étrangers "n'est pas une bonne idée". "Je vous le
dis en toute sincérité, parce que je pense qu'on a besoin de continuer à attirer des talents et des étudiants du monde entier", a poursuivi le chef de l'État.