Loi immigration. "Discriminatoire", "incompréhensible", "nocif au rayonnement français" : l'inquiétude des universités de Franche-Comté

Mardi 19 décembre, le Parlement a adopté la loi immigration après plusieurs jours de tractations intenses. Alors que la classe politique française continue de se diviser sur un texte jugé "nécessaire" pour les uns et "indigne" pour les autres, les universités françaises s'inquiètent de l'impact de certaines mesures du projet de loi sur leur avenir. Exemple en Franche-Comté.

Les mots sont durs. Les expressions utilisées trahissent une vive inquiétude. Mercredi 20 décembre, l'université de Franche-Comté s'est fendue d'un communiqué très critique, signé par sa présidente, Macha Woronoff. Le titre du document, "Communiqué de la présidente de l’université de Franche-Comté suite au projet de loi immigration", ne laisse pas place au doute. En réaction à la loi immigration adoptée la veille à l'Assemblée, le monde universitaire est inquiet, et souhaite se faire entendre, en Franche-Comté comme dans le pays entier.

Les universités vent debout contre la réforme

Pour Macha Woronoff, dans le texte voté le 19 décembre, certaines mesures viennent ainsi mettre en danger "l'échange intellectuel, la circulation des connaissances et la formation des individus", valeurs de l'enseignement universitaire. Dans son viseur, trois mesures. La première, la mise en place d'une "caution-retour", nécessaire à l'obtention d'un titre de séjour étudiant, une somme d'argent fixée par décret devant être payé par l'étudiant étranger. Viennent s'ajouter à cela l'instauration de quotas migratoires et la ré-affirmation des frais d'inscription majorés.

Il est important de préciser que ces trois mesures ne sont pas encore effectives, la loi n'ayant pas encore été promulguée. Mais pour Ghislain Montavon, directeur de l'UTBM (Université de technologie de Belfort-Montbéliard), "cela suffit à renvoyer un message néfaste à la planète entière".

Ce sont des décisions totalement incompréhensibles. En 2018 on nous avait demandé de tout faire pour augmenter le rayonnement de nos universités. Cette loi va à l'encontre de cette volonté. Perdre des étudiants étrangers, c'est réduire le rayonnement scientifique et culturel de la France.

Ghislain Montavon,

directeur de l'UTBM (Université de technologie de Belfort-Montbéliard)

Dans son établissement, Ghislain Montavon précise que "sur les 2 700 inscrits, un étudiant sur cinq est de nationalité étrangère". Et ce sont "les 67 nationalités présentes sur le campus" belfortain qui serait garant de sa richesse. "La richesse vient de la diversité" continue le directeur de l'UTBM. "Notre communauté se nourrit de ces multiples cultures pour se transcender, se donner des buts communs. Et on risque de perdre cela".

Même constat à l'université de Franche-Comté, où cette loi "met en péril l’attractivité et la compétitivité de nos universités à l’international". "La diversité est une richesse. Le pluriel est source de création. Le changement fait naitre le débat et l’innovation" explique Macha Woronoff, qui met en avant les 3 069 étudiants de nationalités étrangères (sur un total de 27 000 étudiants) en 2022-2023 et les 130 nationalités représentées au sein de la communauté universitaire.

On dit adieu à notre attractivité. On ferme les portes, le flux d'étudiants et de talents va se tarir. Beaucoup de jeunes restent en France après leurs études, font le bonheur de nos entreprises. Et même s'ils repartent dans leur pays, ils emportent avec eux notre enseignement et un lien fort avec la France. On est en train de se niveler par le bas.

Ghislain Montavon,

directeur de l'UTBM

Ghislain Montavon épingle la "caution-retour" et ses contours flous. "On ne sait pas quelle somme elle représentera" s'inquiète-t-il. "10, 20, 50, 10 000 euros ? Elle sera fixée par décret, donc on prend le risque que cela fluctue au rythme des sensibilités politiques au pouvoir. Cela amène beaucoup d'incertitudes et accentue la marchandisation de l'enseignement supérieur au profit des étrangers les plus riches".

Un risque, à terme, de pénurie de doctorants

Autre inquiétude tenace : que se mette en place "une discrimination entre étudiants". "À écouter les arguments de ceux qui ont voté cette loi, l'éducation serait une filière d'immigration problématique " continue Ghislain Montavon. "On pointe du doigt les jeunes étrangers en les désignant comme des opportunistes, des délinquants. Mais tous nos étudiants viennent ici avec des ambitions, quel que soit leur pays d'origine".

Et le directeur de l'UTMB de souligner pour conclure que la baisse d'étudiants étrangers, conséquence directe si la loi est promulguée, viendra également réduire fortement le nombre de doctorants. À Belfort par exemple, il représente "60 % des effectifs de docteurs". Étudiants, doctorants... C'est donc tout le système universitaire français et son attractivité qui semblent menacés.

L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Bourgogne-Franche-Comté
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité