Réseau action climat France, Greenpeace France et Unicef France viennent de sortir le classement des 12 plus grandes agglomérations françaises en termes de lutte contre la pollution de l'air. Strasbourg arrive troisième derrière Paris et Grenoble. Bien mais peut (encore) mieux faire. Beaucoup mieux.
Le rapport (document PDF) a été publié ce matin, mercredi 11 décembre, par trois ONG bien connues du public : Greenpeace, Unicef et Réseau action climat. Un rapport qui décortique les actions engagées par les élus locaux contre la pollution automobile et pour les déplacements propres et alternatifs. Parmi les douze plus grandes métropoles françaises, Strasbourg arrive troisième derrière Paris et Grenoble.
Si la capitale alsacienne se démarque par sa dynamique en matière de vélo et de transports en commun, la construction du GCO (Grand contournement ouest) ou la place de la voiture en ville lui font perdre des points. Explications.
Que font les grandes villes en France pour protéger les enfants et notre santé de la #pollution de l’air ? ?
— UNICEF France (@UNICEF_france) December 11, 2019
? Découvrez le classement des villes sur leurs efforts pour lutter contre la pollution de l’air liée au trafic routier. ➡ https://t.co/E7k828F0fv#UnAirPur pic.twitter.com/jR97I5g5Lb
La lutte contre la pollution de l'air : un enjeu majeur
Selon le dernier bilan de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), plus de neuf personnes sur dix dans le monde respirent un air chargé en particules fines (PM10 et PM2,5). Un air responsable chaque année de 7 millions de morts dans le monde. Soit un quart des morts par accident vasculaire cérébral, près d’un tiers par cancer des poumons et près de 45 % des décès causés par des maladies pulmonaires.Une situation à laquelle la France n’échappe pas. Même si la pollution atmosphérique tend à diminuer dans le pays, l’air pur est une denrée rare. Surtout en ville.
La France condamnée pour pollution atmosphérique: Par une décision du 24 octobre 2019, la… https://t.co/KlejnBoBId
— Respire Association (@respireasso) December 1, 2019
Des solutions existent pourtant pour rendre notre air plus respirable. Des solutions locales. Le rapport en retient 17 répartis en six "enjeux clés" : la sortie des véhicules polluants, la réduction de la place de la voiture, les aides financières à la transition, la dynamique en matière de vélo et de transports en commun, la mobilité et la santé des enfants.
Chaque item, assorti d'un coefficient, est donc évalué pour établir un classement global. Résultat "il n'y a aucune ville exemplaire", relève Lorelei Limousin, du RAC (réseau action climat) mais certaines font plus d'efforts que d'autres et se classent "en bonne voie", avec en tête Paris, Grenoble puis Strasbourg.
Strasbourg : le GCO vient plomber son bilan
Strasbourg a récemment acté la mise en place d’une zone à faibles émissions pour tous les véhicules à l’échelle métropolitaine, avec un objectif de sortie du diesel en 2030 (et dès 2025 pour la ville-centre). Elle reste bien positionnée sur le vélo et les transports en commun. "Malgré les retards successifs pris dans la réalisation de son réseau express vélo métropolitain, Strasbourg garde un “vélo d’avance” (pour reprendre un slogan popularisé par la ville dans les années 1990), en poursuivant une politique assumée dès les années 1970, sans discontinuité depuis, et en dépassant les alternances politiques. Le vélo est intégré en amont à tous les projets de nouveaux quartiers mais aussi de nouvelles lignes de tramway et leurs extensions."
Les grandes infrastructures destinées à traiter les coupures urbaines s’accompagnent systématiquement de pistes cyclables séparées de la chaussée, 8 % des déplacements sont réalisés à vélo sur l’agglomération (15 % dans le centre-ville).
En revanche, le bilan strasbourgeois est terni par "l’entêtement sur le projet autoroutier de Grand contournement ouest dont les impacts sont dommageables pour la biodiversité, la qualité de l'air et le climat." Il déplore également " un manque d’aides financières pour accompagner particuliers et professionnels dans leurs changements de mode de transport ou de véhicule."
"Strasbourg est surtout très forte pour... communiquer"
Le collectif Strasbourg Respire ne dit pas autre chose non. Il va simplement un petit peu plus loin. Thomas Bourdrel, son fondateur n'y va pas avec le dos de la cuillère."C'est clair que ce genre d'études est toujours encourageante. Mais il faut tout de même se méfier. Si Strasbourg obtient une bonne place c'est surtout parce que le rapport est basé sur les engagements de la ville. Des engagements théoriques sur l'interdiction du diesel dans 33 communes de la Zone à faibles émissions. Attention à ce que ce ne soit pas purement théorique." A Strasbourg, l'air n'est pas légal
-Thomas Bourdrel, Strasbourg Respire-
Et Thomas Bourdrel de relativiser encore un peu plus ce bon classement. " Strasbourg a toujours été très forte pour ... communiquer. Beaucoup d'effets de manche mais pour concrétiser c'est autre chose. Il faut aussi savoir que Strasbourg n'a pas le choix. L'air n'est pas légal. On ne respecte pas les normes européennes. La France est sous la menace d'une condamnation pour la Cour de justice de l'Union européenne pour avoir dépassé systématiquement le seuil de dioxyde d'azote. Strasbourg fait partie des villes incriminées."
Le communiqué de la Cour de justice de l'Union européenne by France3Alsace on Scribd
Comme dans la plupart des grandes villes, la pollution atmosphérique est due en grande partie au dioxyde d'azote. "Ces particules sont produites à 60%, 80% par le trafic routier. Le diesel en génère six fois plus que l'essence. A partir de là, c'est simple il faut le bannir de la ville. De simples engagements ne suffisent pas. Si Paris arrive première du classement, c'est parce que contrairement à Strasbourg, il y a une réelle politique d'accompagnement de la sortie du diesel, des aides financières à la transition. Ce n'est pas tout d'interdire, il faut aussi aider les gens au cas par cas."
Le vélo ici c'est dans nos gènes mais du point de vue politiques publiques c'est pas terrible
-Thomas Bourdrel, Strasbourg Respire-
A la veille des élections municipales, le chantier "atmosphérique" est encore vaste. ÇCa tombe bien : Thomas Bourdrel ne manque pas d'idées : " On injecte 50 millions dans un stade de foot, situé juste à côté d'une avenue très polluée, et on vient nous dire ensuite qu'il n'y a pas assez d'argent pour aménager de nouvelles pistes cyclables? Le vélo ici c'est dans nos gènes mais concrètement du point de vue politiques publiques c'est pas terrible : il y a eu encore deux décès à vélo dernièrement. On est pas un modèle ça non. Et prenez Batorama, ils polluent les Strasbourgeois à longueur de journée, en retour, ils pourraient les transporter gratuitement, comme des bateaux taxis. Et je ne parle même pas de toutes ces industries type Lubrizol qui nous cernent."
Et si Thomas Bourdrel voit rouge, ce n'est pas simplement métaphorique. Les cartes parelent d'elles-mêmes. Oui visiblement il reste encore de gros efforts à faire.
?Pollution de l'air : direction #Strasbourg et l'Eurométropole?
— Greenpeace France (@greenpeacefr) April 2, 2019
Malgré les mesures déjà prises par les élus locaux, le compte n'y est pas encore : la pollution au NO2 atteint un niveau illégal autour d'un tiers des écoles et crèches.#OnVeutRespirerhttps://t.co/pjexgYNmqC