Au lendemain de l'annonce du président du parlement européen, David Sassoli, sur la tenue de la prochaine session du PE à Bruxelles, en raison de la covid, le président Macron, qui avait expressément demandé le retour des sessions plénières à Strasbourg a réagi : "Si on accepte, on est foutu".
"Si le Parlement européen ne se réunit qu'à Bruxelles, on est foutu", a déclaré ce mardi 29 septembre Emmanuel Macron à Vilnius, devant des étudiants, au second jour de sa visite en Lituanie. "Si on accepte que le Parlement européen ne se réunisse qu'à Bruxelles, on est foutu, car dans dix ans tout sera à Bruxelles. Et les gens ne se parleront plus qu'entre eux à Bruxelles. Or l'Europe ce n'est pas cette idée-là" a-t-il ajouté.
Dans un tweet publié ce mardi, Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, rappelle son "soutien indéfectible" au siège du Parlement européen à Strasbourg.
« L’Europe a besoin de lieux. C’est pour cela que je défends Strasbourg, si tout se passe à Bruxelles l’Europe est perdue » - @EmmanuelMacron. Soutien indéfectible, impératif d’un retour rapide @PEStrasbourg @EuropeanParl @EP_President #Strasbourg pic.twitter.com/gbVivjtp9P
— Clement Beaune (@CBeaune) September 29, 2020
La prochaine session du Parlement européen programmée du 5 au 8 octobre 2020, se tiendra à Bruxelles et non à Strasbourg en raison de la pandémie, a annoncé lundi son président, David Sassoli. "Malheureusement, étant donné la récente hausse du taux de transmission du virus en France, y compris dans le département du Bas-Rhin, et dans un souci de santé publique, nous devons reconsidérer le déplacement des députés et employés du Parlement européen, à quelques jours de la première session parlementaire d'octobre", a-t-il expliqué dans un communiqué aux eurodéputés. "Le Parlement tiendra à nouveau ses sessions à Strasbourg dès que les conditions le permettront", a-t-il encore explicité dans son courrier (voir ci-dessous).
Lettre du président de l'Europarlement sur l'annulation de Strasbourg en octobre 2020 by on Scribd
"Je regrette profondément cette décision même si ce n'est pas une surprise", réagit l’eurodéputée (PPE) Anne Sander, qui en appelle l'Etat à "maintenir la pression" et à organiser "une "réaction nationale forte".
Le 23 septembre dernier, Emmanuel Macron était pourtant déjà monté au créneau. Dans une lettre adressée au président du parlement européen, le chef de l’Etat réclamait le retour des sessions plénières à Strasbourg, et ce, dès octobre prochain. Après sept mois sans avoir vu l’ombre d’un parlementaire dans la capitale alsacienne en raison de l’épidémie de Coronavirus, c’était la première fois que le président français prenait position, rappelant à David Sassoli que la situation sanitaire est tout autant difficile à Bruxelles qu'à Strasbourg. "Un travail de coopération rigoureuse a été engagé entre l’Etat, la ville de Strasbourg, les collectivités locales et vos services, pour appliquer un protocole sanitaire strict et offrir des garanties robustes, aux députés européens comme aux personnels administratifs. Dans ces conditions, il vous incombe de mettre en œuvre sans délai le retour à la normalité institutionnelle", s'était-il exprimé (voir la lettre d'E.Macron ci-dessous).
Lettre Macron Europarlement by on Scribd
Dans une motion adoptée à l’unanimité vendredi 25 septembre, l’Eurométropole de Strasbourg avait réclamé davantage d’investissement de la part du gouvernement dans la défense du siège du Parlement, ainsi que des mesures de soutien concrètes. Lundi 21 septembre, le conseil municipal de Strasbourg adoptait un texte similaire, en appelant à un "engagement politique et diplomatique fort du président de la République pour promouvoir le siège du Parlement européen à Strasbourg".
Au regard des traités européens, Strasbourg est le siège du parlement, où douze sessions plénières de trois jours et demi par an doivent se tenir chaque année. Sept sessions ont déjà été annulées dans la ville alsacienne depuis début 2020.
Le Bas-Rhin classé en orange (et non en rouge) par la Belgique
Selon le site d’informations européen politico.eu, dans un article publié la semaine dernière, le président du Parlement aurait reçu une lettre des autorités belges faisant savoir que si le Parlement tenait sa session à Strasbourg, « classée en zone rouge par la Belgique », les personnes effectuant le déplacement seraient soumises à une quarantaine à leur retour en Belgique. Cet argument avait semble-t-il été décisif pour l’annulation de la session à Strasbourg en septembre dernier.
Or, la réalité est différente. Si les autorités françaises ont bien placé le département du Bas-Rhin en rouge (en pratique en rose ou rouge pâle, ce qui correspond au premier niveau des zones d’alerte), le gouvernement belge adopte lui une autre méthode de classification, le Bas-Rhin étant placé en orange sur la carte publiée par le site belge du ministère des affaires étrangères. En Belgique, au retour d’une zone orange, en l’occurrence du Bas-Rhin, il est précisé que "les voyages y sont possibles, mais les autorités belges invitent à une vigilance accrue. Un test Covid et une quarantaine sont recommandés au retour en Belgique", contrairement aux zones rouges (au sens belge du terme), comme l’Ile-de-France, pour lesquelles nos voisins belges indiquent cette fois "Les voyages y sont strictement déconseillés par les autorités belges. Un test Covid et une quarantaine sont obligatoires au retour en Belgique."
En résumé, une session à Strasbourg n'oblige en aucun cas les fonctionnaires et eurodéputés à se soumettre à une quarantaine à leur retour à Bruxelles (voir les deux cartes belges ci-dessous).
"Dans le passé, nous avons essuyé l’argument budgétaire, puis environnemental. Les contestations se sont étoffées. Avec la Covid-19, il y a une nouvelle fois une volonté de nier l’histoire européenne de Strasbourg", réagit encore Anne Sander.
Des compensations demandées
Histoire de montrer plus encore son soutien à la capitale alsacienne, l’Elysée suggèrait dans sa missive, la mise en place de "mécanismes de compensation" comme "un rallongement des sessions dans les prochains mois" ou encore l'utilisation de l'hémicycle strasbourgeois pour le lancement des travaux de la Conférence pour l'avenir de l'Europe.
En attendant, l'avenir de la deuxième session du parlement planifiée à partir du 19 octobre reste bien incertain.