Toutes les machines servant au prélèvement de plasma sont à l'arrêt dans les trois centres de prélèvement d'Alsace. Une mesure prise par précaution, après la découverte de particules noires dans d'autres centres français.
Des particules noires ont été retrouvées dans du plasma recueilli auprès de donneurs par des machines de la marque américaine Haemonetics. A Tarbes, le 26 août dernier, c'est à l'intérieur d'un appareil et dans une poche de recueil de plasma que cette poussière a été retrouvée. En Auvergne, elle a été décelée lors du démontage d'une machine. "Ces particules sont en cours d'analyse", précise l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Outre ces incidents, elle fait également état de "49 signalements depuis début 2018 relatant des bruits lors des collectes".
Par mesure de précaution, l’Agence du médicament a décidé mercredi 12 septembre au soir de mettre à l’arrêt tous les appareils, soit 300 machines, de cette marque - une référence au niveau mondial - en France. Or cette marque équipe la moitié des centres de prélèvements, seuls deux fabricants se partageant le marché français dans le domaine. "C'est une mesure de précaution dans l'attente des expertises" diligentées par l'Agence du médicament ANSM, indique le Dr Sylvie Gross, directrice médicale de l'Établissement français du sang (EFS), confirmant ainsi l'information dévoilée par L'Usine Nouvelle.
Les centres de prélèvement de Strasbourg, Colmar et Mulhouse sont particulièrement concernés. A Strasbourg, les onze machines de plasmaphérèse dont il dispose sont toutes de la marque "Haemenotics". Deux jours après l'alerte lancée par l'ANSM, ces machines sont toujours dans la salle de prélèvement, mais les fauteuils sont désormais désespérément vides de donneurs.
L'établissement français du sang dit avoir informé individuellement tous les donneurs alsaciens qui avaient déjà pris rendez-vous pour un don de plasma. A défaut de ce don, ils se sont vus proposer de faire un don de sang total ou de plaquettes.
Pas de risque de pénurie
Le plasma récolté chez un donneur peut avoir deux utilisations : soit thérapeutique, pour des transfusions immédiates à des malades, soit pour fabriquer des médicaments. En attendant que l'affaire des machines Haemonetics soit résolue, le plasma récolté sera prioritairement dédié à un usage thérapeutique. Le directeur de l'EFS Grand-Est, Christian Gachet, affirme que malgré cette mise à l'arrêt des machines, aucun risque d'insuffisance de plasma n'est à craindre.Afin de rétablir au plus vite les possibilités de prélèvement, Christian Gachet explique qu'il va se reposer sur le réseau des machines encore viables dans le Grand-Est, en Lorraine et en Champagne-Ardenne. La grande région dispose au total de 33 machines en état de fonctionnement qui seront donc pour certaines redéployées sur les centres alsaciens.
Dans l'attente de ce redéploiement, l'EFS Grand-Est annonce qu'aucun prélèvement de plasma ne sera possible pendant les trois prochaines semaines.
Dépôt de plainte pour mise en danger de la vie d'autrui
Le 23 mai dernier, trois lanceurs d'alerte ont déposé plainte auprès du pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris, pour "mise en danger de la vie d'autrui", "tromperie aggravée", et non-mise en oeuvre d'une procédure de retrait et de rappel de produits de santé. Ils affirment que les donneurs bénévoles risquent d'être exposés à des composants cancérogènes ou mutagènes en raison de dysfonctionnements des dispositifs qui servent à séparer le plasma du sang lors d'un prélèvement. Ils incriminent l'usure anormale de joints sur ces appareils, aggravée par les vibrations de l'appareil. Selon eux, cette usure provoquerait l'introduction dans le sang ou le plasma de nanoparticules toxiques.
L'un de ces lanceurs d'alerte, Alexandre Berthelot, est un ancien directeur commercial de Haemonetics. Il a démissionné en avril 2015 et accuse l'industriel américain de pratiques irrégulières. "On prend de vieilles machines, on les envoie aux États-Unis, on les désosse, on récupère des pièces détachées où on fait du cosmétique, et on les renvoie comme des neuves", avait-il dénoncé le 24 mai lors d'une conférence de presse au siège
de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Un autre de ces plaignants, Jean-Philippe Urrecho, est un responsable technique et délégué syndical de Haemonetics.
Un problème franco-français ?
"Cette situation n'est rencontrée que sur le marché français", a réagi Haemonetics dans une déclaration transmise à l'AFP, ajoutant prendre ces questions "au sérieux" et collaborer "activement" avec les autorités de santé, pour mettre en oeuvre des "actions correctives appropriées" si nécessaire. "La décision de l'ANSM, ainsi que les deux signalements, n'ont aucun lien avec l'utilisation de pièces reconditionnées", a par ailleurs affirmé la société.L'EFS estime que cette suspension n'aura pas d'impact sur les collectes, car un autre modèle d'appareil sera redéployé sur les sites les plus actifs.