Procès de Jean-Marc Reiser : comme Sophie Le Tan, elles devaient visiter l'appartement de l'accusé

Pour le quatrième jour du procès de Jean-Marc Reiser, accusé d'avoir tué l'étudiante Sophie Le Tan en septembre 2018, deux jeunes femmes ont témoigné. Elles étaient entrées en contact sur Leboncoin avec un certain "Pierre", pour visiter le même appartement dans lequel Sophie Le Tan s'est rendue à Schiltigheim, au nord de Strasbourg.

Jean-Marc Reiser a-t-il voulu tendre un piège à Sophie Le Tan en publiant une fausse annonce sur Leboncoin ? Avant l'étudiante originaire de Cernay, d'autres jeunes femmes avaient pris rendez-vous avec l’accusé, caché derrière un pseudonyme, pour visiter l'appartement qu'il avait mis en ligne sur le site internet d'annonces.

L'une d'entre elle a témoigné par visioconférence lors du quatrième jour du procès de Jean-Marc Reiser aux assises du Bas-Rhin. Le témoignage d'une autre a été lu.

Ces femmes partagent deux points communs : étudiantes à Strasbourg, elles devaient toutes les deux se rendre dans l'appartement que Sophie Le Tan devait visiter, et étaient en contact avec Jean-Marc Reiser, qui utilisait plusieurs numéros de téléphone et un pseudonyme sur Leboncoin.

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L'annonce qui s'avèrera écrite par Jean-Marc Reiser

A l'été 2018, la première d'entre elle, Yasmine (le prénom a été modifié), arrive à Strasbourg depuis Nantes pour ses études de psychologie. Son témoignage est lu par le président de la cour d'assises : "Je remarque cette annonce sur Leboncoin, elle m'intrigue. Il n'y a pas de photo ni d'adresse, mais le loyer est attractif. Je contacte alors le loueur "Pierre" à plusieurs reprises, mais je tombe à chaque fois sur une messagerie vocale. Il me rappelle ensuite, mais reste très fuyant et hésitant sur le descriptif de l'appartement." Pour communiquer avec Yasmine, le loueur utilise le même numéro que Sophie Le Tan contactera fin août.

Il donne rendez-vous à Yasmine au 43 route de Bischwiller, à Bischheim, une commune du nord de Strasbourg. Mais l'étudiante fait faux bond. Ils fixent un nouveau rendez-vous, mais cette fois-ci, c'est au loueur de décommander. Pour le troisième rendez-vous, le 13 août, Yasmine se rend en retard à l'adresse donnée, prévient "Pierre", mais n'obtient aucune réponse. Personne ne vient à sa rencontre. La Nantaise laisse un message de mécontentement au loueur et signale au site Leboncoin que l'annonce est fausse.

Deux annonces, deux numéros, la même personne

Dans les jours qui suivent, Yasmine tombe sur une autre annonce, semblable à celle qu'elle avait signalée : "J'ai rapidement fait le lien avec la première annonce. J'étais intriguée, il y avait les mêmes signes. Pas d'adresse, ni de photo. Pour moi, c'était la même personne", explique-t-elle lors d'une première audition. Le loueur la contacte depuis un nouveau numéro et lui indique une autre adresse que pour la première annonce : le 23 rue des Chasseurs, à Schiltigheim, commune voisine de Bischheim. Le rendez-vous est fixé au 22 août 2018.

Quand je me rends au lieu de rendez-vous, je ne vois personne sur place.

Yasmine

"Quand je m'y rends, je ne vois personne sur place, continue Yasmine. J'ai essayé d'appeler le loueur, mais pas de réponse. Je monte alors dans l'immeuble et y reste pendant trois quarts d'heure. Là, il me dit que l'appartement est au 5e étage, mais reste fuyant quand je lui demande à quel nom est l'appartement. Les voisins me disent qu'aucun logement n'est à louer dans l'immeuble." Elle envoie alors un message d'insulte au loueur, qui lui répondra depuis un troisième numéro.

S'en sont suivi plusieurs jours de discussions par SMS jusqu'à la fin août, à la limite de la séduction : "Je voulais absolument le voir, c’était peut-être lié à mes études de psychologie. Il y avait un jeu entre nous", explique Yasmine aux enquêteurs.

Je peux me contenter d’un extra, comme des séances de psychanalyse sur le canapé. Lol.

"Pierre" dans un SMS à Yasmine

Le loueur se montre insistant, et demande à plusieurs reprises à Yasmine si elle est toujours intéressée par l'appartement. Il lui propose même plusieurs méthodes peu scrupuleuses pour lui éviter de payer le loyer : "Je peux me contenter d’un extra, comme des séances de psychanalyse sur le canapé. Lol."

Dans un autre SMS, avec un quatrième numéro de téléphone, il lui suggère également de vivre ensemble, toujours pour qu'elle n'ait pas à payer. Me Stephan, avocat des parties civiles, demande la lecture d'un autre SMS, dans lequel le loueur demande à Yasmine de se rencontrer, à condition qu'elle vienne seule. L'étudiante bloquera le numéro à la fin du mois d'août.

Des réponses très vagues, pas même l'adresse

Le deuxième témoignage est effectué en visioconférence. Camille (le prénom a été modifié), 25 ans, se présente. Elle indique avoir eu affaire à Jean-Marc Reiser au moment d’une recherche d’appartement fin août 2018 lorsqu’elle tombe sur une annonce : "Comme elle n’était pas très précise, j’envoie un message qui donne lieu à un échange téléphonique. Je pose des questions très classiques sur le mobilier, je demande s’il y a un garage… Mais il ne me dit rien, et me répond que je verrai sur place. On décide d’un rendez-vous le 20 août dans une rue à côté du logement. Le loueur me dit qu’on se rendra à l’appartement ensemble."

Mon copain me dit : "imagine, c’est une fausse annonce".

Camille

Là apparaissent les premiers doutes : "J’ai raccroché et j’ai dit à mon copain que c’était bizarre. Il m’a rassuré, alors je suis allée au rendez-vous. Je devais de base y aller seule, mais mon copain m'a finalement accompagnée. Une fois sur les lieux, l’heure passant et n’ayant pas de nouvelles, j’ai envoyé des SMS, mais sans réponse encore une fois. Là, mon copain me dit en riant ‘imagine, c’est une fausse annonce avec des mauvaises intentions’." Le couple quitte les lieux après 45 minutes d'attente.

En septembre, Camille fait le lien entre son histoire et la disparition de Sophie : "J’ai vu un post sur Facebook qui disait qu’une jeune fille avait disparu, et qu’elle devait visiter un appartement. Ça parlait de la même adresse. Je me suis très rapidement dit que ça pouvait être les mêmes circonstances."

Derrière Pierre et les numéros, Jean-Marc Reiser

Les expertises en téléphonie concluront que tous les numéros de téléphone utilisés pour joindre Yasmine et Camille avaient été souscrits auprès de l'opérateur Lycamobile sous des identités fantaisistes. Grâce à un long travail sur le bornage de tous ces téléphones, le lien avec Jean-Marc Reiser est fait. Il vit au 1 rue Perle, à Schiltigheim, une adresse qu'il ne donnera jamais aux personnes qui le contacte pour l'annonce Leboncoin. C'est également lui qui se cache sous le pseudonyme de "Pierre".

Pendant l'instruction, d'autres personnes, toutes des femmes, ont raconté avoir contacté un loueur pour une annonce Leboncoin très floue au sujet d’un appartement à Schiltigheim. Aucune d’elles n’a eu rendez-vous à l’adresse exacte de Jean-Marc Reiser (voir carte ci-dessus). Parmi ces témoins, elles sont nombreuses à parler du même scénario, dans lequel personne ne se présente au lieu de rendez-vous, qu’elles soient venues seules ou accompagnées.

Seule Sophie est entrée chez Reiser

A celles qui précisaient qu’elles viendraient avec leur mère ou leur amie, le loueur répondait que le bien était déjà loué. La majorité d’entre elles a formellement reconnu la voix de Jean-Marc Reiser, et aucune de ces femmes n’a pénétré dans son appartement. Seule Sophie Le Tan y est entrée, au matin du 7 septembre 2018.

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