La nuit fut décevante ou euphorique en fonction de sa couleur politique à Strasbourg. Au lendemain du second tour, il est temps de penser au jour d'après. Quelles sont les forces en présence? Quelle est la marge de manoeuvre de la majorité? Comment va se placer l'opposition? Eléments de réponse.
Ils sont peu nombreux, ceux qui avaient prédit cette large victoire de la liste Strasbourg écologiste et citoyenne conduite par la trentenaire Jeanne Barseghian à Strasbourg. Méconnue du grand public, en retrait des réseaux sociaux, elle vient pourtant d'obtenir et contre toute attente, 47 sièges sur les 65 à pourvoir dans le conseil municipal strasbourgeois. Soit la majorité absolue et donc une marge de manoeuvre confortable pour appliquer sa politique, à commencer par l'état d'urgence climatique, première décision symbolique que la juriste, spécialiste du droit de l'environnement, compte faire voter dès samedi 4 juillet, jour du premier conseil municipal rhabillé en vert.
"On a une majorité qui est nette, large, commente d'une voix fatiguée mais déterminée, Syamak Agha Babaei, deuxième sur la liste Strasbourg écologiste et citoyenne (et déjà élu dans la précédente majorité). On a tout ce qu'il nous faut pour mettre en place notre politique. Ce qui va compter maintenant, c'est comment on change la manière de gouverner, avec des valeurs de démocratie et de collégialité. On va faire des annonces dans ce sens dans les jours qui viennent. La gouvernance va vraiment changer, il n'y aura plus de petits et de grands élus, mais un vrai partage des responsabilités, des pouvoirs, ce qu'on veut faire dans la ville, on le fait aussi dans l'exécutif. D'ailleurs, nous avons été la seule liste à respecter l'opposition, en proposant à l'un de ses élus la co-présidence de la commission des finances."
Une opposition coopérative?
Du côté de l'opposition justement, c'est la douche froide pour la liste de fusion LREM-LR conduite par Alain Fontanel et Jean-Philippe Vetter. Avec près de 35% des suffrages, ils obtiennent 11 sièges dans le nouveau conseil municipal, un coup dur pour l'ancien premier adjoint de Roland Ries qui vient de passer douze ans dans la majorité. "Je serai engagé et vigilant, expliquait-il dimanche soir sur notre antenne après avoir reconnu sa défaite avec humilité, je serai notamment très attentif sur les questions économiques, sociales, sur les infrastructures pour notre ville mais l'enjeu c'est bien que Strasbourg réussisse parmi toutes les grandes villes européennes". Plutôt en mode main tendue qu'en version tir à vue. Avec un peu plus de 23% des voix, la liste PS conduite par Catherine Trautmann obtient ainsi sept élus qui figureront également dans l'opposition. "Je voudrais féliciter Jeanne Barseghian, réagit sur notre plateau le 28 juin celle qui fut maire de Strasbourg dans les années 1990, lui souhaiter tous mes voeux pour ce mandat qui va s'ouvrir dans un contexte difficile parce qu'il faudra réunir Strasbourg. On voit que les quartiers ne se sont pas déplacés pour voter, la ville est divisée, c'est un constat. Cette faible participation (36,7%, NDLR) est pour moi un réel un problème démocratique. Ensuite, nous allons donc former ce groupe d'oppostion socialiste qui sera vigilant et engagé. On verra ensuite comment les choses se passeront". Catherine Trautmann ne ferme donc pas la porte non plus à des collaborations avec la majorité.
"On ne s'est pas encore réunis tous les sept, explique prudemment Anne-Pernelle Richardot, élue sur la liste de Catherine Trautmann et première secrétaire fédérale du PS 67, on se voit en fin d'après-midi (ce lundi 29 juin). Ceci dit, notre défaite est sans appel, il n'y a pas de commentaires à faire. Nous attendons de la majorité de voir comment elle se comportera avec son opposition, quels moyens elle lui donnera pour pouvoir fonctionner et comment elle compte nous associer, ou pas, aux grandes décisions. Quoiqu'il en soit, laissons le temps à la nouvelle équipe de s'installer. Nous serons vigilants par rapport aux propositions mais une vigilance constructive, il y a aujourd'hui une chose qui m'inquiète vraiment, c'est le décrochage de certains quartiers qui ne se sentent pas strasbourgeois, cela m'interpelle comme politique, comme élue".
Le président de l'Eurométropole ne sera pas un Strasbourgeois
D'autant qu'avec la crise économique qui s'annonce et l'urgence climatique, les dossiers sont nombreux. "Dans les toutes premières mesures que nous envisageons et qui relèvent beaucoup du symbole, il y a le retrait de l'arrêté anti-mendicité, le lancement des places d'hébergement pérennes pour ceux qui sont à la rue et puis il y aura très vite sur la table des vastes dossiers comme la question de l'alimentation avec notamment la conversion de terres agricoles en maraîchage, la conversion thermique des logements, la question du diesel, le plan de réhabilitation des bâtiments publics. Bref la victoire d'hier, on l'accueille avec beaucoup d'humilité et de responsabilités", explique encore Syamak Agha Babaei.Enfin très vite va se poser la question de l'Eurométropole de Strasbourg (EMS). Qui pour la diriger? "Il n'est pas question qu'il y ait une hégémonie, martèle le numéro 2 sur la liste de Jeanne Barseghian. Nous allons travailler sur un projet métropolitain avec l'ensemble des élus quelle que soit la couleur politique, nous ne voulons pas que la présidence soit dévolue à un ou une Strasbourgeoise." Pour rappel l'Eurométropole de Strasbourg, dirigée jusqu'à présent par Robert Herrmann, c'est 33 communes et près de 500.000 habitants, soit 43% de la population du Bas-Rhin.
Cette élection, si elle a surpris par son résultat, donne comme en 2014 et en 2008 toute latitude au maire de mettre en place sa politique. En 2014 en effet, Roland Ries (PS), avec sa liste, avait obtenu 48 élus et même 52 en 2008 lors de sa réelection.