Municipales 2020 : ce qu’il faut savoir sur Catherine Trautmann, qui ne sera pas maire de Strasbourg une troisième fois

L’ex-ministre socialiste et ancienne maire de la ville de Strasbourg Catherine Trautmann est arrivée troisième dans les urnes, ce dimanche 28 juin. Une défaite après une campagne à rebondissements menée tambour battant. Portrait de celle qui a failli gagner la municipalité.

En plein après-midi de campagne, le téléphone sonne avec huit minutes de retard. "Bonjour. Catherine Trautmann à l’appareil. J’ai quelques minutes de décalage mais je reviens d’une interview. J’ai glissé la vôtre dans l’intervalle. J’ai 15 minutes." Au bout du fil, le ton de la candidate PS à l’élection municipale est vif, tranché. Nous voilà prévenus. Il va falloir mener cette interview tambour battant, courir presque. Elle, elle a l’habitude. Elle s’y emploie depuis quatre mois pour tenter de remporter les clés de Strasbourg. Dans cette dernière ligne droite avant le second tour, elle n’imagine sans doute pas que quelques jours plus tard, ce dimanche 28 juin 2020, elle finira troisième sur le podium.

Au contraire, l’optimisme est alors de rigueur. Il se transforme en rhétorique. "On ne peut pas dire qu’on gagne parce qu’on ne sait pas, mais on a une dynamique pour nous et elle est intéressante. Dans la rue, je ne peux plus me déplacer sans qu’on m’interpelle, qu’on m’encourage. Sur les réseaux, au bout du fil, partout, il y a une réelle envie de gagner", confie-t-elle.

Pourtant, la sexagénaire est en mauvaise posture. Face à elle, trois autres candidats, dont deux qui ont fait alliance, au dernier moment. Le duo Fontanel/Vetter, qui "déplaît à beaucoup de monde, y compris dans leur camp respectif", tacle-t-elle. Son mariage raté avec la candidate EELV, Jeanne Barseghian ? "Quand je vais à la rencontre des Strasbourgeois, il y a parfois un peu de dépit et de colère par rapport à la non-alliance", admet-elle."Je range cela parmi les échecs, je ne crains pas de le dire. Mais c’est réglé, je ne vais pas passer mon temps à m’occuper de briser des lances sur cette question. Après, est-ce qu’il faut le regretter ou pas ? L’histoire le dira." 
 
Faire fi des embuches. Continuer à foncer et à y croire. Il en faut plus pour ébranler tout à fait Catherine Trautmann. Celle qui est parfois, modestement, désignée comme étant "l’icône du socialisme alsacien", en a vu d’autres.
 

La force de l’expérience

En 1989, notamment. La secrétaire d’État du gouvernement de Michel Rocard est désignée pour conduire la liste PS aux élections municipales. Une campagne difficile s’engage, déjà marquée par une alliance impossible et par un Front national en pleine progression. Elle l’emporte finalement à l’arrachée, au second tour, devenant la première femme à s’emparer d’une grande ville. "J’ai eu un choc. Personne ne m’attendait. J’ai su que ma vie basculait", se souvient-elle.

À l’époque, Catherine Trautmann incarne le changement. "Elle est porteuse d’une gauche de la deuxième gauche, celle de Michel Rocard, moins traditionnelle, plus régionaliste aussi. Elle porte les espoirs. Elle se forge déjà, dans la bataille", analyse Richard Kleinchmager, politologue.

La "travailleuse acharnée" mène un chantier phare. Son "idée bulldozer", portée contre vent et grandes marées : la construction du tramway strasbourgeois. "Pendant deux ans, il y a des restaurants qui nous mettaient à la porte, qui ne voulaient pas nous servir en nous disant qu’on allait casser la ville. Il fallait un vrai courage", se souvient Robert Hermann, son ancien adjoint au sport, devenu depuis président de l’Eurométropole, qui la soutient.
 

J'ai subi les agressions sur moi, sur ma famille, même physiques.

Catherine Trautmann


"J’ai subi ce qu’on subit quand on est une femme qui défriche un champ qui n’est pas exploité. La contestation de ma légitimité, les agressions sur moi, ma famille, même physiques", ajoute-t-elle.

Peu importe, l’Alsacienne s’entête et s’enorgueillie d’un bilan qui lui fait gagner haut la main, cette fois, le premier tour des municipales de 1995. " La reconnaissance de son importance s’est surtout manifestée en 95. Elle s’est imposée dans le paysage. Le tram a été réalisé. Elle prouve que c’est une femme d’action qui réalise", reprend Richard Kleinchmager.
 

De Strasbourg à l’Europe

De quoi donner à sa ville natale une aura nationale. En 1997, elle entre au gouvernement de Lionel Jospin, et s’empare du ministère de la Culture, qu’elle quitte trois ans plus tard. À son retour à Strasbourg, elle écarte Roland Ries, son ex-premier adjoint devenu maire, de la fonction de premier magistrat. Le PS s’effrite.

La claque vient en 2001. Les divisions internes provoquent la défaite de la gauche aux élections locales et la victoire du tandem Fabienne Keller, centriste, et Robert Grossmann, gaulliste. "C’était une expérience difficile, elle m’a appris beaucoup. Le fait que je n’ai pas cherché à régler mes comptes de manière directe et brutale nous a permis de regagner ensuite."
 
Il faut, en effet, attendre 2008 pour que le PS reprenne possession de Strasbourg, en la personne de Roland Ries. Catherine Trautmann, elle, a déjà retrouvé le Parlement européen et l’un de ses chevaux de bataille : la défense du siège du parlement européen à Strasbourg. "Tout le monde reconnaît qu’elle a été une excellente députée européenne, connaissant bien ses dossiers, maîtrisant des domaines techniques. Elle n’a pas rompu le lien des maires de Strasbourg avec l’Union européenne, au contraire", analyse Richard Kleinchmager.

L’élue siégera jusqu'en 2014 et sa mise à l'écart au profit du syndicaliste Édouard Martin. C'est la direction du PS, avec Alain Fontanel et Harlem Désir, qui en aurait été à l'origine. Elle devient vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg.  
 

"Je ne suis ni une revenante, ni un fantôme !"

Le cuir épais, pugnace, la "reine Catherine" n’a pas dit son dernier mot politique. En février 2020, elle devient tête de liste aux élections municipales, acceptant de reprendre le flambeau de Mathieu Cahn, empêtré dans une affaire de photos érotiques de jeunes femmes, qui remonte à 2004-2011.

Capitaine d’un navire en perdition, le PS étant crédité de moins de 10% dans les sondages, la voilà donc repartie à l’assaut de la mairie strasbourgeoise. "Ça s’est décidé en quelques heures. Je me disais que pour Strasbourg, je pouvais transmettre mon expérience, ma capacité de travail. Quand en politique vous percevez un moment, il faut le saisir. J’ai saisi cette chance-là" assure-t-elle, refusant de faire de ce retour un "baroud d’honneur"
 
"On manque de gens qui ont des colonnes vertébrales idéologiques en ce moment. Ce n’est pas facile de revenir. Elle aurait pu passer son tour, renoncer; elle ne l’a pas fait. C’est courageux", reprend Robert Hermann.

Un pari fou gagnant au soir du premier tour. "Les Strasbourgeois ne l’ont pas oubliée", assure Richard Kleinchmager. L’ancienne maire, partie de loin, arrive troisième, au coude-à-coude avec Alain Fontanel, obtenant respectivement 19,8 et 19,9% des voix.

De quoi y croire jusqu’à ce soir de second tour pluvieux.
 

Catherine Trautmann résumée en six dates

  • 1989 : Catherine Trautmann deveint maire de Strasbourg, première femme à diriger une grande ville.
     
  • 1995 : Elle remporte à nouveau les municipales, dès le premier tour, face à Philippe Richert.
     
  • 1997 : Elle entre au gouvernement de Lionel Jospin, dont elle sera évincée en 2000.
     
  • 2001 : Les divisions au sein du PS provoquent la défaite de la gauche à Strasbourg et la victoire du tandem Fabienne Keller, centriste, et Robert Grossmann, gaulliste.
     
  • 2005 : Elle entre à nouveau au Parlement européen. Elle y siégera jusqu'en 2014.
     
  • 2014 : Elle devient vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg, jusqu'en 2020.

 
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