A Strasbourg (Bas-Rhin), une agence de développement web propose un jour d'absence rémunéré chaque mois à ses salariées qui ne se sentent pas en état de travailler lors de leurs règles. Une première en Alsace pour ce congé menstruel.
Un jour de congé menstruel chaque mois. Voila à quoi ont droit les femmes travaillant chez Blackbird, une entreprise de développement web basée à Strasbourg (Bas-Rhin), depuis le 1er janvier 2023. Il n'est pas obligatoire, mais il permet aux salariées de ne pas travailler quand elles ne sont pas en état de le faire lors de leurs menstruations.
Marion Oberlé, designer web, y a eu recours à deux reprises. "C'est dur de se concentrer quand on a des crampes et qu'on souffre, explique-t-elle. C'est une chance de ne pas avoir à se forcer soi-même à travailler alors qu'on n'est pas dans de bonnes conditions."
Pour accorder ce congé, l'entreprise, qui compte six femmes parmi ses 30 salariés, a choisi une solution souple et discrète. La demande d'absence se fait via l'application interne, comme n'importe quel autre congé, et peut être faite la veille ou le jour-même. Et seule la chargée des ressources humaines est au courant du motif d'absence. "Ça fait plaisir de se dire qu'on prend en considération quelque chose que nous les femmes, n'avons pas choisi", résume Louise Dalvai, manager.
"Ça donne plus envie de postuler"
L'entreprise est la première en Alsace à déployer un tel dispositif. "J'avais envie de prendre en compte le confort de mes salariées, explique le directeur général, Jérémy Bouchet. C'est certes une absence, mais sans ça, j'aurais une salariée empreinte d'une douleur intense, dans l'incapacité de faire son travail comme d'habitude. J'ai plus intérêt à m'organiser à reporter son travail, à faire qu'elle se repose et qu'elle revienne en pleine forme."
Blackbird compte sur cette initiative pour attirer davantage de femmes dans le domaine des technologies numériques, encore peu féminisé. Et l'image de l'entreprise y gagne aussi. "Ça m'a davantage donné envie de postuler", confie Louise Dalvai.
Le congé menstruel n'est pas généralisé en France, loin de là. Elles ne sont qu'une poignée d'entreprises à avoir franchi le pas. Celle qui se revendique comme la première à l'avoir fait, c'est La Collective, basée à Montpellier (Hérault) en 2021.
Une majorité de femmes concernée
En Espagne, le congé menstruel a été adopté le 16 février 2023. En France, des parlementaires se penchent sur la question, même si ce n'est pas forcément la réponse la plus adaptée. "C'est une solution transitoire, qui peut être bonne si elle s'accompagne d'une prise en compte globale des douleurs liées aux règles", explique la vice-présidente du collectif Osez le féminisme 67, Aliénor Laurent.
Le collectif milite pour que la prise en charge médicale et la recherche scientifique autour des douleurs liées aux règles progresse plus vite. Plus d'une femme sur deux est concernée par des règles douloureuses. 21% d'entre elles ont déjà manqué le travail pour cette raison, selon un sondage réalisé en 2021. Sans parler de l'endométriose, une maladie gynécologique qui provoque des douleurs fortes (notamment au moment des règles) et/ou une infertilité, et qui touche une femme sur dix. "Aujourd'hui, il n'existe aucun remède contre l'endométriose, et le parcours de diagnostic est très long, raconte Aliénor Laurent. Le corps médical doit être formé davantage sur ces questions."
Osez le féminisme reste dubitatif sur la pertinence du congé menstruel, car il y voit un risque de discrimination supplémentaire à l'égard des femmes en entreprise. "Ça rajoute un congé aux femmes, en plus du congé maternité obligatoire, ça rajoute une stigmatisation à l'embauche, notamment au regard de l'état du sexisme dans le monde du travail, résume Aliénor Laurent. L'initiative est bonne pour les femmes déjà embauchées, comme dans cette entreprise strasbourgeoise. C'est toujours bien d'en profiter en tant que femme."
