Un serment prononcé le 2 mars 1941 dans le désert libyen a marqué l'histoire de Strasbourg. Ce mardi 2 mars 2021, la capitale alsacienne commémore donc le 80e anniversaire du serment de Koufra, qui vit le général Leclerc (alors colonel) jurer de ne pas déposer les armes avant de l'avoir libérée.
L'histoire, la grande, c'est se souvenir qu'un militaire français patriote fit le serment de se battre contre les nazis et leurs alliés, jusqu'à ce que Strasbourg soit reconquise. C'était le 2 mars 1941, il y a donc 80 ans.
Il a été prononcé à l'issue d'une bataille au coeur de l'oasis de Koufra, dans le désert libyen (voir sur la carte ci-dessous). On doit le serment de Koufra au colonel Philippe de Hauteclocque, plus tard connu comme le général Leclerc. Il s'agit de son nom de guerre, dont De Gaulle lui permettra de l'adjoindre à son nom de famille : ce qui donnera Philippe Leclerc de Hautecloque.
"Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg." France 3 Alsace a interrogé l'historien Raphaël Georges, de l'université de Strasbourg (Unistra), sur la portée de ce serment. C'est un expert sur les questions mémorielles et les sociétés pendant et après la guerre.
Que s'est-il passé ce fameux jour ?
"Ce qui a eu lieu est considéré comme la première bataille victorieuse des Forces françaises libres [FFL; ndlr]. Elle les opposait aux troupes italiennes, en Libye. La victoire fut d'autant plus retentissante que le rapport de force était défavorable. La bataille avait été engagée avec très peu de moyens : l'armée de la France libre était encore très faible. C'est grâce au coup de bluff de Leclerc [qui ne disposait que d'un seul canon mais qui a fait croire à l'ennemi qu'il en possédait bien plus] que les Italiens ont été pris par surprise. Ce stratège restera dans les mémoires."
Pourquoi l'histoire n'a pas oublié ce serment ?
"Il a été prononcé à l'issue d'une bataille qui correspondait à un début de changement du rapport de force face à l'Axe. L'armée française n'était quasiment plus rien du tout à partir de l'été 1940. Cette victoire a contribué plus tard à asseoir De Gaulle et la France libre aux côtés des Alliés."
"Leclerc a prononcé ce serment devant ses hommes... et ce qu'il a dit s'est produit, la promesse a été tenue. Alors qu'il n'en savait trop rien, peu d'hommes l'avaient entendu et il ne savait pas combien d'entre eux seraient encore là quand Strasbourg serait libérée. Rien n'était garanti, surtout à ce moment du conflit. C'est un acte de bravoure et de courage qui a pris après coup un aspect symbolique."
En quoi c'est encore important aujourd'hui ?
"Je ne sais pas ce qu'il en est dans le reste de la France, mais en Alsace, ça reste très commémoré. Y compris lors des cérémonies du 8 mai [date de la capitulation allemande; ndlr]. Cet évènement s'inscrit dans une mémoire gaullienne, ou gaulliste, jusque dans les années 70. On a voulu commémorer la France des vainqueurs et oublier celle de Vichy. C'est aussi un symbole de réconciliation avec l'Alsace-Moselle, qui s'est sentie abandonnée en 1940. Ça montrait que les généraux ne l'avaient pas oubliée. C'est le roman national typique : garder les victoires et oublier les défaites..."
Une cérémonie d'hommage a lieu ce mardi 2 mars au monument Leclerc, sur la place Broglie. Il y a été érigé en 1951, quatre ans après la mort du général dans un accident d'avion (il sera nommé maréchal à titre posthume). En raison de la crise du coronavirus (Covid-19), l'évènement se fera au format restreint et ne sera pas ouvert au public.