Strasbourg : un comité de soutien lance un appel à la libération de deux chercheurs français détenus en Iran

Fariba Adelkhah et Roland Marchal, deux universitaires, anciens étudiants à Strasbourg, sont detenus à Téhéran, accusés d'atteinte à la sécurité nationale. Les membres d'un comité de soutien se sont mobilisés ce mardi 11 février place Kléber pour demander leur libération.

Ce mardi 11 février 2020, les membres d'un comité de soutien pour la libération de Fariba Adelkhah et Roland Marchal, deux chercheurs qui ont effectué leur études à Strasbourg, se sont rassemblés place Kléber pour demander leur libération. Cela fait 252 jours que l'anthropologue franco-iranienne Fariba Abdelkhah, directrice de recherche au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris, est retenue prisonnière par le pouvoir iranien. Elle a été mise en détention par les gardiens de la révolution, le 5 juin 2019, le même jour qu’était arrêté son collègue et ami Roland Marchal, spécialiste de l’Afrique orientale au CERI venu lui rendre visite dans la capitale iranienne. Les deux chercheurs sont incarcérés dans des quartiers différents à la prison d’Evin au nord de Téhéran.

Fariba Adelkhah et la chercheuse australienne Kylie Moore-Gilbert, elle aussi détenue dans les geôles iraniennes, ont entamé le 24 décembre une grève de la faim et de la soif illimitée. Les deux universitaires ont dénoncé dans une lettre envoyée depuis leur prison, les "accusations fabriquées" dont elles estiment faire l'objet, la "torture psychologique" et les"violations des droits humains" qu'elles disent avoir subies en détention. D’après le comité de soutien des deux prisonniers français, ils redoutent d'être condamnés à de lourdes peines lors de leur procès qui pourrait se tenir avant la fête de Norouz, le nouvel an persan, le 20 mars.

Une bande de copains, étudiants strasbourgeois

Ce mardi 11 février 2020 est la date anniversaire de la révolution iranienne de 1979. Le comité de soutien a organisé deux rassemblement pour les soutenir, l’un à Paris, sur l’esplanade du Trocadéro, l’autre à Strasbourg, ville où ont étudié et se sont rencontrés les deux chercheurs. Vers midi, pour demander leur libération, une cinquantaine de personnes s’est réunie dans le centre de la capitale alsacienne, place Kléber, autour de la statue éponyme. Plusieurs membres du comité étaient des camarades du couple quand ils étaient étudiants.

Christian Michel est l’un d’eux : "Je les ai connus sur le campus à Strasbourg. On se voyait régulièrement dans des manifestations, des évènements culturels ou des rencontres entre intellectuels sur les questions de libertés des peuples notamment au Chili, en Argentine, en Turquie et en Iran. Le mur de Berlin n’était pas encore tombé, tout était un peu plus simple qu’aujourd’hui. On est toujours une bande de copains. Et là, on se revoit tous, 35 ou 40 ans après, autour de cet évènement".

Fariba Adelkhah aujourd'hui très affaiblie

Le membre du comité de soutien dit avoir les chocottes en pensant au sort qui pourrait être réservé à ses deux amis : "On a eu des nouvelles d’eux hier, elles ne sont pas bonnes". L’état de santé des deux Français s'est fortement dégradé. "Fariba Adelkhah est aujourd'hui très affaiblie et peine à garder son équilibre" en raison de sa grève de la faim, souligne le comité. "Roland Marchal, pour lequel elle s'inquiète énormément, est désemparé et est confronté à des problèmes de santé qui font l'objet de soins mais qu'aggrave évidemment sa détention. Le chercheur souffre d'arthrose, de douleurs à l'aine et est psychologiquement très affaibli."
 

Jugée par un tribunal révolutionnaire

Jean- Louis Hess est l’un des anciens copains de la période étudiante du couple : "Roland est Français. Fariba est Française et Iranienne, mais les autorités du pays islamique la considèrent iranienne car il ne reconnaît pas les doubles nationalités. Elle dépend donc du droit iranien". L’anthropologue n’a pu jusqu’ici bénéficier d’aucune assistance consulaire française, à la différence de Roland Marchal.

Lavée récemment de l’accusation d’espionnage, ce qui en Iran est passible de la peine de mort, elle reste néanmoins inculpée d’"atteinte à la sécurité nationale" et de "propagande contre la République islamique". Elle sera jugée devant la section 15 du tribunal révolutionnaire de Téhéran, qui a sinistre réputation.

Pour Jean-Louis Hess, ses amis sont tombés dans un piège : "Ils sont des pions dans un jeu qui les dépasse complétement. C’est une histoire où on prend des gens, on les garde en otage sous des accusations fallacieuses pour qu'ils servent de monnaie d’échange dans une tractation quelconque qui nous dépasse complétement. Toutes les accusations portées contre eux sont bidons. Ils sont juste des pions qui sont ballotés dans un jeu qui n’a rien à voir avec eux".

La France a demandé à plusieurs reprises la remise en liberté des deux chercheurs, notamment lors d'un échange téléphonique entre le président Emmanuel Macron et son homologue iranien Hassan Rohani. Les deux prisonniers français pourraient peser dans les négociations en cours sur l’armement atomique. Par exemple, pour que la France relâche un ingénieur iranien, lui-même spécialiste du nucléaire.
 

Être chercheur en terrain miné

Depuis des années, Fariba Adelkhah travaille en Iran dans des conditions difficiles. Elle est surveillée par les services de sécurité iraniens. Agée de 60 ans, cette spécialiste du monde chiite au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, étudie les mutations de la société iranienne sous la République islamique. L’exercice est dangereux. Les droits des femmes iraniennes notamment, n'est pas un sujet que le régime aime voir observé de trop près. Elle est notamment intervenue sur France inter comme spécialiste de la société persanne.

A ce propos, le comité de soutien organise un colloque au Misha à Strasbourg (maison interuniversitaire des sciences de l’homme – Alsace) le 13 février prochain à 9h 30 sur le thème :"être chercheur en terrain miné". Les deux chercheurs auraient pu y participer s’ils n’étaient pas incarcérés.


La médaille de la Ville attribuée à Fariba Adelkhah et Roland Marchal

Depuis décembre dernier, deux grandes bâches reproduisant des photos des deux chercheurs détenus sont accrochées sur la façade de l’hôtel de ville de Strasbourg. On peut y lire : "Leur détention arbitraire constitue une atteinte aux droits humains et à la liberté académique. La Ville de Strasbourg, capitale européenne des droits de l’Homme, se joint aux voix qui demandent leur libération immédiate". Roland Ries, maire de Strasbourg a annoncé ce mardi 11 février que la médaille de la Ville va être attribuée à Fariba Adelkhah et Roland Marchal. La cérémonie aura lieu à la mairie, le 21 février 2020.

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