Strasbourg : les commerçants des marchés veulent être enfin entendus du nouveau maire

Les commerçants des marchés strasbourgeois ont entamé depuis longtemps une réflexion sur leur rôle et leur travail. La crise sanitaire en a accéléré la mise en forme. Résultat : un document très détaillé, remis aux trois candidats à la mairie de Strasbourg, qui y ont répondu.
 

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"C'était latent depuis longtemps. Beaucoup de ces propositions, on les avait déjà mises sur la table", explique Jacques d'Auria, co-président du syndicat des marchés de France du Bas-Rhin. Mais selon lui, elles n'ont jamais été prises en compte jusque-là. Ensuite, depuis début 2020, le syndicat avait repris et affiné sa réflexion de fond concernant les 35 marchés présents chaque semaine à Strasbourg. L'objectif : "repenser (leur) façon de voir et de travailler", pour mieux s'adapter aux besoins des clients, mais aussi tenter d'éviter à l'avenir certains problèmes rencontrés ces dernières années, notamment de nombreux marchés déplacés ou annulés. 

Un ensemble de propositions à mettre en place jusqu'en 2025

Ensuite, les difficultés liées au confinement ont accéléré le processus. Avec le soutien d'un consultant, Stéphane Biot, qui a aidé le syndicat à développer ses idées et à les mettre en forme, il en est sorti un document d'une demi-douzaine de pages, intitulé "2020-2025 : Marchés de Strasbourg, potentialités de développement". L'opportunité du calendrier a permis de soumettre ce document aux trois candidats restés en lice pour le second tour des municipales de Strasbourg, qui y ont répondu, mais il n'avait pas été rédigé dans ce seul but. Et même après les élections, les auteurs ne comptent pas en rester là.

Commandes en ligne, repas conviviaux et marchés nocturnes

En complément de leur activité traditionnelle, les commerçants des marchés de Strasbourg proposent une montée en puissance de la "digitalisation", afin de permettre aux clients de commander et payer leurs produits en ligne, avant de les retirer au marché ou dans un point relais.  
 


Mais faire évoluer les marchés ne signifie pas supprimer ce qui fait leur ADN : être "des cœurs qui battent dans les quartiers." Bien au contraire. "Le marché est vraiment un patrimoine culturel, et laisser partir cela à la débandade serait dommage" estime Jacques d'Auria. La majeure partie des propositions est donc destinée à raffermir cette présence concrète et régulière, et renforcer son rôle de vecteur de lien social, de convivialité et "de plaisir".
 

Le marché est vraiment un patrimoine culturel. Laisser partir cela à la débandade serait vraiment dommage.

Jacques d'Auria, co-président du syndicat des marchés de France du Bas-Rhin

Parmi les idées : proposer régulièrement des "espaces de convivialité" : cafés, apéros, lieux de grignotage et de discussion, voire des zones de "repas de quartier (…) sur des tables brasserie". Mais aussi lancer un "grand marché du dimanche",  des "fêtes des marchés" avec spectacles de rue et expositions, et un "grand marché nocturne estival". 

En revanche, les commerçants demandent instamment à la Ville de ne plus  "déplacer, changer les horaires ou supprimer les marchés" comme c'était le cas ces dernières années, principalement en période de Noël.

Solidarité et chasse au gaspi

Les auteurs du document rappellent aussi que leurs marchés s'adressent à l'ensemble des Strasbourgeois, quel que soit leur niveau de vie. D'où leur volonté de limiter le gaspillage, en imaginant des pratiques sur le modèle de l'application anti-gaspi "to good to go" qui permet d'écouler en fin de journée des invendus à prix réduit. "Nous avons aussi des propositions pour les denrées non alimentaires" explique Stéphane Biot. L'idée serait d'accueillir sur les marchés de gros stands "deuxième vie des produits", grâce à un partenariat avec des associations caritatives comme Emmaüs ou Envie.   

Mieux attirer les touristes

Autre projet : donner envie aux touristes de venir sur les marchés. "Les marchés de nombreuses grandes villes européennes sont des lieux de visite des touristes" rappelle Stéphane Biot. Or, à Strasbourg, rien n'est fait dans ce sens." Parmi quelques pistes, le document propose de développer "des paniers de produits régionaux" permettant de faire découvrir "le patrimoine culturel alimentaire alsacien". Mais il demande aussi que "la communication des marchés (soit) intégrée dans les outils de promotion de Strasbourg à l'international", avec des informations pratiques données en plusieurs langues.

Le document rappelle aussi que "500 familles (de commerçants non sédentaires) vivent des marchés de Strasbourg" et que depuis la crise sanitaire, beaucoup d'entre elles connaissent de grandes difficultés. D'où cette demande d'une "exonération des droits de place jusque fin septembre" et le "déblocage d'un budget 'spécial relance'".

Chacun des trois candidats à la mairie de Strasbourg s'est vu remettre le document en main propre. Et chacun y a apporté quelques réponses.

Jeanne Barseghian : "faire des marchés des lieux centraux"

Dans sa réponse, Jeanne Barseghian, tête de la liste "Strasbourg écologiste et citoyenne" reprend à son compte la majeure partie des thèmes abordés par le document, et assure les commerçants du marché de vouloir travailler avec eux "dans le respect et la coopération". Elle insiste sur le rôle de "lieux de rencontre, d'échange et de convivialité" des marchés, et sur "l'alimentation de qualité" qu'ils procurent. Elle s'engage à développer une "communication pertinente et de promotion" mais ne mentionne pas précisément de volonté d'attirer les touristes sur les marchés. Prête à favoriser "les nouveaux outils : digitalisation, commandes à distance, cartes de fidélité" et à "reconnaître aux marchés leur fonction économique par les emplois qu'ils représentent", elle ne promet toutefois pas explicitement une exonération des droits de place ces prochains mois.

Catherine Trautmann : "une attention forte aux marchés participe au 'bien se nourrir'"

La candidate en tête de la liste socialiste, Catherine Trautmann, souscrit à l'ensemble des propositions des commerçants des marchés. Elle propose de "développer des outils numériques pour les commerces de proximité et les commerçants non sédentaires", soutient l'idée de "convivialité" et d'attrait des marchés pour les touristes en rappellant le projet de créer un marché couvert près du marché gare qui répondrait à ces critères, et en matière de gaspillage et de solidarité, dit vouloir aller "encore plus loin sur les questions de déchets évités, de la deuxième vie des produits et plus généralement de l'économie circulaire." Elle se dit favorable à la demande d'exonération des droits de place, qu'elle propose même d'étendre "jusqu'aux fêtes de fin d'année." Et, plus globalement, appelle les commerçants à un travail "en synergie", un "faire ensemble."

Alain Fontanel : "un vrai enjeu économique et d’emploi pour notre ville"


De son côté, Alain Fontanel (LREM), tête de la liste "Unis pour Strasbourg" née de la fusion avec celle de Jean-Philippe Vetter (LR), souligne simplement que les marchés de Strasbourg constituent "une réponse aux préoccupations actuelles des Strasbourgeois" et "un enjeu économique et d'emploi pour notre ville". Il assure les commerçants de son "plein soutien" et d'une "collaboration attentive, constructive et tournée vers l'action", et promet l'exonération des droits de place jusqu'à fin septembre. Mais aucun engagement sur leurs nombreuses propositions pour développer la convivialité, la solidarité ou la volonté d'attirer les touristes sur les marchés.
 

Nous avons écrit ensemble la vision que nous voulons donner aux marchés de Strasbourg jusqu'en 2025.

Stéphane Biot, consultant


Quelle sera la suite, au lendemain du second tour ? "Il faut voir, entre les mots et les actes" estime Jacques d'Auria. Mais quel que soit le résultat de ce second tour, les auteurs du document n'entendent pas relâcher la garde. Ils comptent bien vérifier par la suite "si les promesses (de campagne) seront tenues, et la dynamique maintenue." 

"Nous avons écrit ensemble notre vision de 2025, la vision que nous voulons donner aux marchés de Strasbourg" rappelle Stéphane Biot. "Il faut que ce travail de fond se fasse" ajoute Jacques d'Auria. Leur principal espoir est d'avoir comme interlocuteur, à l'avenir, un adjoint au maire entièrement dédié aux marchés, "un adjoint qui ne fasse que ça, et qui aime les marchés", précise le co-président du syndicat pour le Bas-Rhin. D'ailleurs, le document prévoit également "un point de situation annuel", en lien avec une conférence de presse. 
 
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